Le succès surprise du pourtant très mauvais Paranormal Activity aura eu au moins un effet bénéfique, celui de motiver des réalisateurs à autoproduire des projets ambitieux pour des budgets réduits, loin de l’influence des studios hollywoodiens. Premiers réalisateurs à s’être emparés de l’idée, les frères Strause, sinistrement célèbres pour avoir réalisé le bordélique et honni Aliens vs Predators Requiem (que personnellement j’ai tout de même trouvé beaucoup plus fun que le premier épisode). C’est donc avec une bouchée de pain (et tout de même le support de leur boîte d’effets spéciaux Hydraulx) que les frères ont tourné ce Skyline dans l’immeuble de l’un d’entre eux.
On pourra très certainement reprocher à Skyline de ne pas faire preuve de beaucoup d’originalité, tant il ressemble parfois à un assemblage de différents films. Les images de la bande-annonce évoquent bien évidemment le célèbre Independance Day de Roland Emmerich, mais c’est surtout du côté du Cloverfield de Matt Reeves que le film des frères Strause lorgne, reprenant cette idée de suivre des événements de grande ampleur au travers du regard de gens normaux pris dans la tourmente. Les personnages principaux ne sont donc ici pas du tout des héros au sens mythologique du terme, puisqu’ils se bornent à tenter de survivre (ce qui n’est déjà pas une mince affaire), sont assaillis par la peur, et font des erreurs idiotes. Pas de grand sauveur donc, ni de président héroïque prenant les commandes d’un avion de chasse, juste des gens comme vous et moi, perdus et effrayés. Une idée déjà au cœur de La Guerre des Mondes de Spielberg (dont Skyline s’inspire aussi assez nettement, notamment dans l’idée des aliens collectant les humains), mais ici beaucoup plus crédible, vu que le casting ne comporte pas de Tom Cruise, et se compose principalement d’acteurs de séries télé (Eric Balfour a été vu notamment dans 24 Heures Chrono, David Zayas incarne un des personnages réguliers de Dexter, et Scottie Thompson est apparue régulièrement dans NCIS).
Ce qui permet à Skyline de sortir du lot, c’est tout d’abord cette idée simple mais payante de situer toute l’action dans l’immeuble où habite l’un des personnages. Une bonne façon d’une part de limiter le budget, et d’autre part de renforcer l’identification envers des personnages incarnés par des acteurs pas forcément toujours très crédibles. Cette distance par rapport aux événements permet à Skyline de réellement se mettre au niveau de « monsieur tout le monde » et de rendre d’autant plus crédible cette invasion. Comme les personnages, le spectateur se retrouve perdu, effrayé, et ne comprend pas tout ce dont il est témoin, assistant impuissant à ce qui se déroule sous ses yeux, que ce soit l’enlèvement de milliers de personnes, ou les tentatives dérisoires de résistance.
Ce qui étonne d’ailleurs dans ce film, c’est son implacabilité et l’horreur de cette invasion soudaine. Les aliens avec leur lumière bleue sont en effet partout, et traquent les humains dans les moindres recoins, sans relâche et sans pitié. Et vu que cette lumière bleue hypnotise les personnes se trouvant pris dans son faisceau, les personnages n’ont que peu d’échappatoire. L’horreur est encore renforcée par la découverte de l’utilisation faite des personnes capturées (que l’on taira ici pour ne pas gâcher la surprise) et par la quasi invincibilité des envahisseurs. En clair, Skyline est sombre, très sombre, et impressionne par le jusqu’auboutisme de son intrigue. Les frères Strause ont eu les coudées franches et ça se voit. Difficile en effet d’imaginer qu’un gros studio aurait pu financer un film se permettant de laisser de nombreuses zones d’ombre et de se terminer sur une fin aussi sombre. Enfin, difficile de ne pas saluer les excellents effets spéciaux du film, qui permettent d’assurer le spectacle, malgré un gros ventre mou en milieu de métrage, heureusement rattrapé par un final explosif, à la fois ultra pessimiste et furieusement romantique.
Skyline est certes bourré de défauts, mais reste tout de même attachant grâce à ses quelques idées originales et grâce à son envie d’aller jusqu’au bout des ses idées. Pas un chef d’œuvre donc, mais un film ne méritant pas les critiques rageuses qu’on peut trouver sur le net…
Note : 7/10
USA, 2010
Réalisation : Colin et Greg Strause
Scénario : Joshua Cordes, Liam O’Donnell
Avec : Eric Balfour, Scottie Thompson, David Zayas, Brittany Daniel, Neil Hopkins