Ayant entendu l'auteur lors d'une récente émission de France Culture Du grain à moudre, j'ai réservé ce livre à la bibliothèque et, l'ayant reçu à temps, j'ai pu le prendre avec moi à Cayo Largo. Quoi de mieux que de lire sur le bonheur les pieds dans le sable ?
Une étude qui, la chose est rare, n'est pas un livre de recette. Ni sur le bonheur, ni sur l'amour. Le travail de l'auteur porte sur ce qu'il appelle « les institutions », le bonheur constituant pour lui une des valeurs construites par la société. Une idéologie, en quelque sorte.
L'auteur a recours à la figure d'un génie qui lui offre de réaliser un vœu. Et sa réflexion, et la nôtre, de ce fait, suit le dialogue qui s'établit entre l'un et l'autre. Des choix purement égoïstes (être riche) ou narcissiques (être beau) on passe à des choix altruistes (fin de l'injustice, de la pauvreté), fussent-ils utopiques. Ce qui lui permet de peaufiner sa définition de la notion de bonheur.
La figure de RIMBAUD occupe une place importante dans l'essai. Il serait, selon l'auteur, l'incarnation de la pensée, très années soixante-dix, que le bonheur c'est l'être. Or, on peut très bien être dans l'être et ne pas être heureux, ce qui, selon l'auteur, serait le cas du poète lequel s'est montré, en dépit de son génie, de la subversion, de la spontanéité, de son sens de l'aventure incapable d'entrer en contact avec l'autre ou de communiquer avec lui. La thèse de l'auteur est que le bonheur est dans le « rendre » : la meilleure façon d'être heureux est de rendre l'autre heureux. Et l'auteur oppose le poète au personnage principal du film Happy Go Lucky de Mike LEIGH, qui, en dépit d'un quotidien souvent difficile, s'intéresse aux autres, pas tant en ce qu'elle veut leur bonheur -- la volonté de bonheur, ou le bonheur obligatoire, étant, on le sait, une des caractéristiques des totalitarismes, religieux ou politiques, mais que sa simplicité, son attitude face à la vie contribue à rendre les autres heureux : une onde de bonheur.
Mais, il y a un mais : voilà l'exemple même du livre que j'adore détester (ou, inversement, que je déteste aimer). Pas question, certes, de tenir rigueur à l'auteur de sa jeunesse; mais je lui fais grief du style jeuniste et branchouillard. Ce qui a complètement ruiné ma lecture, et c'est bien dommage, car j'ai adhéré au propos de l'auteur, notamment dans sa dénonciation du « bonheurisme » forcené de la société de consommation occidentale et des donneurs de recettes (qu'à l'évidence il n'est pas). Et, pour donner dans son style, son djinn tonique m'a plutôt agacé.
Si vous y tenez, écoutez une entrevue d'une vingtaine de minutes avec l'auteur à la SRC. Pour une fois, la dame du micro parvient à lui laisser la parole.