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Pour la défense de l’accouchement à domicile

Publié le 22 novembre 2010 par Rhubarbare

L’accouchement à domicile (AAD) terra presque incognita de l’institution médicale française shootée à la “sécurisation” absolue, donc à la médicalisation et son cortège de froideur, technicité, coût et soumission des “patientes” au confort des praticiens.  Ce billet a pour origine la conjugaison de deux éléments, d’une part la très récente (18 novembre 2010) décision de rétablir l’expérimentation des Maisons de Naissance lors de la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2011; d’autre part la réception d’un appel (voir copie en fin de billet) à soutenir une sage-femme traînée en justice par l’Ordre des sages-femmes pour avoir pratiqué l’AAD sans assurance en responsabilité civile. Sachant que les sages-femmes ne peuvent généralement s’assurer vu le refus des assureurs ou le montant exorbitant (20 000 E +) des primes annuelles.

Je me sens concerné par ce sujet car j’ai eu la chance de voir naître mon second enfant en AAD en Belgique en 1999, et pour avoir connu les deux cas de figure (maternité et AAD) il me semble évident que l’on ne peut pas réfléchir au développement d’une société plus centrée sur l’humain (sujet récurrent de ce blog) sans commencer par le retour à une naissance centrée sur la mère et son enfant dans un cadre chaleureux. L’AAD bien préparé va également dans le sens des recommandations du célèbre autant que non conventionnel psychologue Stanislav Grof suite à ses travaux sur les origines  périnatales des traumatismes psychologiques. Je n’entrerai pas ici dans cette dimension du débat sauf à citer ce court extrait (Psychologie Transpersonnelle, chapitre 4.3) faisant suite à un descriptif du traitement médical-type auquel est confronté chaque nouveau-né dès la sortie du ventre maternel: “Un enfant traité de cette manière sort de cette situation avec la conviction d’avoir perdu à jamais le paradis utérin et d’être plongé dans une vie qui ne sera plus jamais clémente. un sentiment de défaite psychologique et un manque de confiance en soi sont imprimés au plus profond de son être… On conçoit mal comment la science a pu développer une approche aussi unilatérale et déformée de cet évènement fondamental de la vie humaine… La connaissance et la formation intellectuelle ne mettent pas à l’abri des perturbations émotionnelles… C’est la raison pour laquelle les opinions et les théories scientifiques concernant l’obstétrique et la thanatologie ne reflètent pas des faits objectifs, mais sont des rationalisions sophistiquées d’émotions et d’attitudes irrationnelles.

Il n’est pas aisé de trouver des chiffres sur la proportions d’accouchement à domicile en France, qui serait de l’ordre de 0,5% selon un mémoire de Mathilde Munier publié sur le site naitre-chez-soi.info. Aux Pays-Bas, leader toutes catégories en Europe selonWikipédia, la proportion serait de 29%, contre 4% en Belgique par exemple. Dans le monde, 90% des naissances sont encore réalisées hors établissement médical, mais ce n’est bien évidemment pas nécessairement par choix. Toujours selon Wikipédia, “Les études épidémiologiques ont montré que les résultats périnataux (surtout pour ce qui concerne les taux de mortalité) étaient comparables quel que soit le lieu choisi pour l’accouchement sous réserve de bonnes conditions sanitaires dans le cas de grossesse à faible risque suivie par un personnel médicalement qualifié.”

Les motivations les plus récurrentes des parents pratiquant l’AAD sont:

  • la volonté de se réapproprier la naissance de leur enfant, d’être respectés en tant que parents responsables.
  • le désir d’impliquer le père, matériellement et émotionnellement, dans l’accouchement et dans la préparation de celui-ci.
  • le besoin pour les femmes de se sentir en confiance et dans l’intimité pour « travailler » en paix, de pouvoir se déplacer, s’alimenter et choisir les positions d’accouchement qui leur conviennent, éventuellement dans l’eau.
  • l’absence quasi-systématique d’interventions de type touchers vaginaux répétés, perçage de la poche des eaux, épisiotomie, perfusion d’ocytociques,monitoring en continu ou intermittent mais trop long et fréquent, ou expression abdominale. Chaque geste étant discuté avant l’accouchement (avantages, risques – on ne parle pas des inconvénients). Pendant l’accouchement, les gestes proposés sont justifiés selon les circonstances et approuvés par la femme.
  • une naissance non-violente pour l’enfant, selon les critères établis par les parents : la lumière est tamisée, le cordon est coupé lorsqu’il ne bat plus, l’enfant est maintenu contre sa mère en peau à peau, il n’est pas immédiatement lavé ni aspiré, il est mis au sein à volonté.
  • un suivi post-partum à domicile en famille favorisant le repos, le bien-être des autres enfants, la participation du père, et une plus faible occurrence de ladépression post-natale, le lien mère-enfant ayant été préservé et encouragé au maximum.

En Allemagne, je n’ai pas trouvé de chiffre pour l’AAD mais l’accent y est mis sur l’accouchement naturel au sein des maisons de naissance, qui sont là-bas des endroits tout à fait indépendants des hôpitaux. Ce concept existe également aux USA depuis 1975, en Allemagne depuis 1986 puis dans divers pays (voir le réseau des maisons de naissance). En France, l’accouchement des maisons de naissance est des plus difficiles, si je puis dire. Ce type d’entité n’existe même pas au niveau légal, et comme indiqué plus haut une phase d’expérimentation vient seulement d’être lancée. Mais avec des ficelles qui font que le concept MdN “made in France” vise avant tout le délestage des maternités (et donc réduction des coûts) tout en permettant au médical de garder un contrôle ferme sur la situation – les MdN seraient systématiquement adossées à une maternité classique. Impossible donc de créer des centres indépendants situés loin des hôpitaux, par exemple en zones rurales: tout cela devra rester à l’intérieur du périmètre hospitalier et cette contrainte limitera très fortement le développement des MdN.

Voici la copie de la lettre envoyée par une sage-femme en soutien à une collègue poursuivie par l’Ordre des sages-femmes:

Bonjour à toutes et tous, Voilà quelques semaines, le conseil de l’ordre des sages-femmes de Haute-Savoie a porté plainte contre Elisabeth Lathuille, sage-femme libérale accompagnant les accouchements à domicile (AAD). La plainte porte essentiellement sur l’absence d’assurance en responsabilité civile professionnelle d’Élisabeth, ce qui est interdit par la loi en France depuis 2002.   A ce jour, les seuls assureurs qui ont accepté de prendre en charge mes consurs proposent une prime variant de 20 à 25 000 , ce qui est proche de notre salaire annuel moyen. D’ici le 21 décembre 2010 le tribunal aura statué, et s’il donne raison au conseil de l’ordre, alors s’en est fini de l’accouchement à domicile en France.   J’espère que nous ne cèderons pas à la misogynie ambiante qui ne reconnait pas aux femmes le droit de disposer de leur propre corps et d’accoucher chez elle si elles le souhaitent, et qui ne reconnait pas aux sages-femmes la capacité de choisir leur mode d’exercice. Nous ne sommes qu’une centaine en France qui accompagnons chaque année  plusieurs milliers de couples à domicile. C’est peu certes, mais la liberté de choix de chacun est primordiale. Car si l’AAD est mal compris chez nous c’est une pratique courante chez nos voisins européens où les primes d’assurance varient entre 250 et 500 / an.   Pour plus d’information sur l’accouchement à domicile notamment les questions de sécurité, grâce à de nombreux liens vers des études européennes sur l’AAD : http://fr.wikipedia.org/wiki/Accouchement_%C3%A0_domicile   Si vous souhaitez nous soutenir, merci de faire circuler ce mail, et de signer la pétition ci-dessous. http://www.mesopinions.com/Soutien-a-une-sage-femme-accompagnant-des-accouchements-a-domicile–aad–petition-petitions-1ef527e7493a565802e72e16870be24b.html   Cécile Bachelot, Sage-femme. _____________________________

Il faut se demander pourquoi un tel acharnement à garder les naissances sous contrôle médical, pourquoi l’AAD et les MdN ne restent accessibles qu’à quelques privilégiés (dans le sens “qui ont de la chance”) alors qu’aussi bien du point de vue humain qu’économique (pour une fois que les deux se rencontrent) il est aujourd’hui évident que ces solutions sont pétries d’avantages. Sauf, bien sur, pour les praticiens qui pourraient y voir une possible diminution du nombre d’actes, et pour les technocrates qui voient toujours d’un mauvais oeil la population s’émanciper de l’emprise institutionnelle. 

Billet en accès libre sur rhubarbe.net 

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