Jérôme, en ce jour de tristesse, a cinquante-six ans, fils adoptif, divorcé, agent immobilier, bizarre avec les femmes, bizarre avec le sexe, dit son ex-femme. Il attend, passe son temps à attendre que l’attente est son mode de vie d’être, le plus constant. Jérôme ignore ses véritables origines, on l’a protégé parce qu’on l’aimait trop, le mythe de l’imbécile heureux. Sa mère, Annette, parfois lui raconte leur première rencontre : je me souviens très bien de la lumière, des taches de soleil partout, qui percent à travers les feuilles vertes. Les bruits des brindilles ont augmenté, mais je ne me suis pas retournée. C’est alors juste au moment où nous avons franchi la limite des bois, j’ai senti une petite main dans la mienne. Dans ma main gauche, j’avais celle de ton père et dans la droite, la main de mon petit chéri des bois. Tu étais tellement sale et tellement beau.
Jérôme est un enfant de la forêt, son existence entière est toujours attirée par la clairière, un sous-bois, une lumière veloutée, un lit de feuillage. Il aime creuser la terre du bout des doigts, renifler l’odeur emprisonnée sous ses ongles.
Plusieurs personnages viendront se dévoiler dans la sphère de Jérôme qu’il veut si hermétique. Cet inspecteur Cousinet, à la retraite qui enquête sur ces jeunes qui disparaissent, ici la mystérieuse disparition de Clémentine Pezzaro, Il deviendra rapidement Alexandre, un ami très cher, et tentera de dénouer l’intrigue entourant l’adoption de Jérôme. Cette Vilno Smith, ses larges yeux dorés, ses cheveux courts ébouriffés, son menton volontaire, une inconnue qui viendra également déstabiliser le cœur de notre antihéros.
Agnès Desarthe posséde cette plume envoûtante, lauréate du Renaudot de lycéens 2010, elle nous livre un roman aux mille facettes, mille émotions, mille regards, mille surprises, surtout, surtout avec un mot juste. Un plaisir.