Je n'ai pas lu le livre de Sylvester J’espère que vous allez mourir bientôt, paru en 2008, mais j'en ai découvert un extrait sur le site très riche de la revue du 3ème millénaire et ici . Dans le passage ci-dessous, Sylvester a très bien rendu la vision à partir du vide. Ce qui me donne envie de lire le reste du livre.
"Cela commence les samedis après-midi, à Hampstead, lors des discussions sur la non-dualité avec Tony Parsons. Je ne comprenais pas tout ce qui y était dit, mais quelque chose continuait de m’y attirer. Et puis j’aimais les histoires drôles, la conversation et le fait d’aller boire tous ensemble après la réunion, j’y retournais donc encore et encore.
Puis, à une gare centrale de Londres, par une chaude soirée d’été, la personne, le sens de soi, soudainement disparut complètement. Tout était identique — les gens, les trains, les quais, et les autres objets — pourtant tout était vu pour la première fois sans l’intermédiaire d’une personne, sans interprétation. Il n’y avait pas eu d’éclairs lumineux, pas de feux d’artifice, rien des effets tournoyants du LSD ou des champignons hallucinogènes. Mais ce qui était le véritable « oh ! », c’était voir la toute ordinaire gare des chemins de fer, pour la première fois, sans le sens de soi. C’était l’ordinaire, vu comme extraordinaire, se manifestant dans l’Un, et personne pour l’expérimenter.
A cet instant il était vu qu’il n’y a personne. Le sentiment qu’il existait
une personne avait jusqu’alors été une constante et donnait tout son sens à
cette vie. Pendant tant d’années, cela n’avait jamais été mis en question. Il
était tellement évident que c’était « moi », mon centre, mon lieu, que ce
n’était même pas perçu. C’était maintenant vu comme quelque chose de
complètement superflu. Soudainement il était clair que je n’avais jamais eu de
vie, car il n’y avait jamais eu de « je ». En une seconde d’éternité, il était
clair que sans un « je », chaque chose était vue, pour la première fois,
exactement comme elle est. Je ne vis pas, je suis vécu. Je n'agis pas, mais les actions se passent à travers moi, la marionnette divine.
Toutes les inquiétudes de cette petite et non moins importante vie apparente disparaissaient en un instant.
En une seconde le soi revint et dit : « Diable, mais qu'était-ce donc que cela ? » Mais la fraction de seconde sans personne apporta des changements radicaux au paysage interne. Car cette vision peut faire exploser votre mental.
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Dans l'histoire, une année après l'éveil, je me trouvais dans une boutique d'une petite ville ordinaire. Soudainement mais avec une grande douceur, l'ordinaire fut déplacé par l'extraordinaire. La personne, de nouveau, disparut complètement et il fut clairement vu que la conscience est partout et qu'elle est tout. Le sens d'un soi localisé se révéla n'être qu'une apparence. Il n'y a pas de localisation, ni ici, ni là. Il n'y a que l'Un apparaissant comme tout et c'est ce que «je» suis vraiment. «Je» suis la boutique, les gens, le comptoir, les murs, et l'espace dans lequel tout se présente. Lorsque le soi disparaît et que la conscience est vue en toute chose, alors tout est vu pour ce qu'il est, un magnifique hologramme sous-tendu par l'amour.
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Ce serait pour nos lecteurs, si vous pouviez expliquer ce qui s'est passé à Charing Cross Station. Que s'est-il passé ?
Ce qui est arrivé à cet endroit, est en fait très simple, mais très difficile à décrire. C'est impossible à comprendre, à moins de l'avoir vécu. Ce qui est arrivé, ce fut la disparition totale et instantanée de la personne. Je dis «ce qui est arrivé », mais ce n'était pas vraiment quelque chose qui «arrivait». C'est si difficile d'en parler, car dans l'apparence, les choses se passent dans le temps. Lorsque la personne disparaît, ce n'est pas un évènement qui se produit dans le temps. Il est vu que cela se passe en dehors du temps et que tout est hors du temps.
Dans l'histoire, la personne qui a disparu revint très rapidement. C'est en tout cas ce qui est arrivé, ici, et ma compréhension en parlant avec d'autres ou en lisant des témoignages, est que c'est ce qui se passe le plus souvent. Il peut donc y avoir une disparition totale de la personne et puis, une seconde plus tard la personne revient, certainement en état de choc, se disant « Mais diable qu'était-ce donc que cela ?» Pourtant, même si la personne est revenue, quelque chose d'irrévocable s'est passé, un changement s'est produit dans l'individu apparent. Cela peut être différent pour chacun, tout ce que je peux faire, c'est donc dire ce qui se passa pour cet individu-ci. Je peux vous raconter les changements que cette personne a expérimentés par la suite, si vous le souhaitez, car il n'y a pas grand chose d'autre à dire sur l'évènement en lui-même. J'ai essayé d'écrire sur le sujet, mais c'est très difficile. Tout ce que je peux dire c'est que c'est inimaginable, je pourrais vous inviter à l'imaginer, mais c'est impossible.
Je vous invite, toutefois, à imaginer que vous êtes là, tel que vous êtes, et soudainement pour une fraction de seconde, tout reste identique, exactement comme c'est maintenant, simplement vous n'êtes plus dedans. Pourtant vous avez la complète conscience de tout. Parfois on appelle cela la conscience du vide ou la conscience du néant, car le soi est vu comme complètement vide. Dans un sens cela semble être une parfaite description, mais le problème avec cette description c'est qu'elle ne peut être imaginée. Il y a eu, là, une personne pour trente, quarante ou cinquante ans, et cela ne correspond à aucune expérience que cette personne ait pu rencontrer dans cette vie apparente. Lorsque le mental entend une description de cette disparition, il essaye de relier ce qu'il entend, avec une expérience que la personne a connue. Le mental veut essayer de lui trouver un sens, en le reliant avec une expérience personnelle, mais ce n'est pas une expérience personnelle, puisqu'il n'y avait personne. Il n'y a aucune possibilité de comprendre cet évènement, en cherchant un rapport avec quoi que ce soit qui ait pu arriver auparavant."
Richard Sylvester, J’espère que vous allez mourir bientôt, Charles Antoni L’Originel, collection Non-Dualité, 2008, pp. 15-16.
La couverture de ce livre est en Première Personne :