A la recherche de l’art qui fait « tilt », « crac », « boum », « wahoo », sur les routes de France, enfin surtout sur les trottoirs parisiens, mes amis mercenaires de l’art et moi-même affrontons la pluie, le vent, novembre.
Nous sommes surpris, disons déçus, de retrouver les mêmes néons aux lettres violettes qui défilent au plafond de la galerie Yvon Lambert de Jenny Holzer et sur celui du BHV. La nuit commence à tomber et nous n’avons toujours rien à nous mettre sous la dent. Nous approchons d’un lieu, réputé de qualité, qui se trouve au bout d’une impasse, le Centre Culturel Suisse.
Une installation de cristaux colorés nous accueille dès le hall. L’oxymore du fascinant dégoût est à l’œuvre quand je découvre qu’il s’agit de cristaux d’urée. A l’étage, deux installations sont agencées par les mêmes artistes Gerda Steiner et Jorg Lenzlinger. La première est une pseudo cabane de bois où s’ébattent les objets les plus kitsch qui soient. La seconde nous plonge dans un monde d’ombres, de bruissements et de balancements. D’une réelle complexité technique et organique, Cosmic Incubadora est autant le lieu de l’enchantement que de l’enfantement. Des fils et des tuyaux relient les différentes parties de la structure dans laquelle évoluent des végétaux, des animaux et de nombreux fluides. Un énorme coussin circulaire nous invite à contempler l’œuvre qui se déploie principalement au-dessus de nos têtes. Dans la salle attenante grouillent des centaines de fourmis issues d’une vidéo projection sur l’ensemble des cimaises. La mise en espace de la vidéo est si efficace que l’on se sent immédiatement happé par un effet de tunnel. Une dernière merveille nous attend dans la dernière salle de l’exposition qui nécessite la traversée d’une cour intérieure. Je traverse un lourd rideau noir et découvre un énorme cylindre de verre dans lequel est placée une boule blanche dans un liquide. D’encore plus près, des centaines de fines particules se détachent de la boule pour venir tapisser les parois du cylindre. Guidé par un champ magnétique, cet irrésistible ballet m’hypnotise. Cette fois nous l’avons trouvé l’art qui fait « crac, boum, hue » !
Nous voilà en partie rassasiés, pourtant nous repartons les yeux grands ouverts toujours à l’affût. Notre regard croise ceux de monstres de tissus, cachés derrière les légers rideaux blancs de la galerie Nathalie Obadia. Nous entrons, ça déborde ici ! Des formes phalliques sont cousues les unes aux autres, des bouches énormes tentent de s’extraire d’un évier, d’une pierre tombale, à moins que ce ne soit d’un plan de travail de cuisine. Des pans de murs recouverts de papier peint évoquent des chambres, des salles à manger et sont utilisés comme point d’accroche pour ces protubérances brillantes et tricotées. Ces œuvres sont de l’artiste portugaise Joana Vasconcelos qui met en avant le travail artisanal dans ce qu’il a de plus noble et de plus typique.
Ainsi la finesse et la complexité des broderies renvoient au savoir-faire unique des ateliers portugais. Le meilleur de cette tradition sert ici à réinvestir l’espace du foyer créant un gynécée survolté et débordant. L’héritage sert d’une façon tout à fait pertinente l’art le plus contemporain.