A la suite d'une conversation avec des amateurs passionnés, je remonte une visite faite à Ausone, organisée par un ami, aujourd'hui investi dans le négoce du vin. J'ai eu quelques conversations par mails avec Alain Vauthier, avant la rédaction définitive de ce compte rendu de visite.
Quelques rappels
L’ancienneté du cru est ancrée dans l’histoire de la cité de Saint Emilion. Mythe, réalité, ou tradition : le château Ausone a été édifié à l’emplacement de la villa qu’occupait le poète et proconsul Ausone (quatrième siècle) à Lucaniac (Saint Emilion). Ce vignoble appartient à la même famille depuis plus de quatre siècles, ce qui va finir par être rare à Saint Emilion.
Lorsque Alain Vauthier devient le seul maître à bord du vaisseau amiral "Ausone" en 1997, il a deux défis majeurs à relever :
D'abord rembourser un emprunt conséquent, pour le rachat des parts de Madame Dubois-Challon, ce qui rend obligatoire la production d’Ausone, chaque année, quelles que soient les conditions climatiques du millésime, pendant la durée du remboursement de l’emprunt. Une situation plutôt génératrice de stress, quand on sait que l’orage de grêle du 5 Septembre 1999, qui a endommagé, une grande partie ouest de la côte argilo-calcaire n’a touché que deux bouts de parcelle à Ausone. Faut-il parler de miracle ou de la force du destin ?
Ensuite, restructurer complètement le vignoble et les bâtiments, qui sont susceptibles pour certains (le chai), de s’effondrer, car ils sont construits sur des galeries souterraines d’exploitation de la pierre (calcaire à astéries). Ausone est une « belle endormie » pour lui redonner son lustre, avec des vins de grande garde, comme ceux élaborés au début du vingtième siècle, de gros investissements sont nécessaires et pendant quelques années encore (la demeure principale, est toujours, actuellement en cours de rénovation).
Le pari est d’ obtenir, chaque année, un grand millésime. Cela nécessite la création d’un deuxième vin, et un travail très sélectif à la vigne.
C’est donc un énorme challenge, qu’ Alain Vauthier doit relever en 1997.
Contexte géologique
Quelques considérations morphologiques et topographiques avant d’aborder la stratigraphie à l’aplomb d’Ausone.
Le plateau calcaire à astéries est souligné par des ondulations importantes : 63 mètres à Daugay et 107 mètres à Mondot, avec une discontinuité probable (tectonique?) au niveau de Saint Etienne de Lisse, il faudrait alors parler de deux plateaux calcaires, (un à l’ouest, et l’autre à l’est de cette discontinuité).
La stratigraphie à Ausone
( De bas en haut, ou des terrains les plus anciens vers les plus récents)
Les Molasses du Fronsadais (oligocène inférieur 1 ou Sannoisien)
Ce sont des roches tendres et calcaires, à texture fine (limono-argileuses) avec parfois des chenaux sableux en partie grésifiés.
Les Argiles de Castillon (oligocène inférieur 2 ou Sannoisien)
Il s’agit d’argiles vertes à nodules calcaires d’un mètre d’épaisseur en moyenne (situées entre les molasses du Fronsadais et le calcaire à astéries), peu visibles sur le coteau car elles sont recouvertes souvent de colluvions, leur présence se manifeste par une série de sources à la cote +50 mètres.
A Ausone, cette strate est plus mince, moins épaisse, voire lacunaire ?
Calcaire à astéries (Oligocène supérieur 1 ou Stampien)
La série débute par une couche d’argiles à huitres peu épaisses, suivie par une assise puissante (plusieurs dizaine de mètres ) de calcaire à grain fin sableux (Calcarénite), qui a été exploité dans les carrières de Saint Emilion. Un dépôt de calcaire riche en fossiles (calcirudite) lui succède.
Des éboulis de pente et des colluvions masquent parfois, en partie les formations situées sous le calcaire
Je rappelle le rôle fondamental des argiles dans l’alimentation hydrique de la vigne, les molécules d’eau sont stockées dans les espaces interfoliaires des argiles, et peuvent, ainsi, dans les périodes de sécheresse continuer à alimenter la vigne. C’est bien la propriété la plus importante des argiles constituant la majeure partie des molasses du Fronsadais.
Pour les vignes plantées sur les calcaires à astéries, la grande porosité des calcaires facilite l’infiltration, l’eau circule (ou est stockée pour partie) au toit de la première formation imperméable, située directement en dessous du calcaire à astéries. En période de sécheresse l’eau remonte dans le calcaire poreux par capillarité, et elle est "pompée" par les racines des vignes. Pour simplifier, la régulation en eau est assurée par la porosité du calcaire( 45%) qui absorbe et restitue en fonction des besoins. Pour preuve, en 2003, seulement 2% de raisins flétris ont été récoltés. Comme tout vignoble de côte, il a fallu aménager l’évacuation des eaux de ruissellement, qui ravinaient les sols et pouvaient s’infiltrer dans les zones les plus perméables (les allées ont été busées), ce qui n’est jamais souhaitable, en fin de cycle de la vigne, à proximité de la date des vendanges.
En résumé, quatre critères importants caractérisent ce grand terroir :
Une diversité lithologique, qui apporte au vin une complexité aromatique et structurelle.
Les argiles, et le calcaire qui assurent la régulation hydrique de la vigne lors des millésimes solaires.
Une exposition est, sud-est qui favorise la maturation des baies, au levant, en fin de cycle
Un vignoble de côte, qui facilite le ruissellement plutôt que l’infiltration, pendant les pluies automnales, précédant les vendanges, permettant d’améliorer la qualité des vins dans les millésimes océaniques.
Et bien sûr l’encépagement, mais nous y reviendrons.