Robert Giraud : L’argot du bistrot.
Pas de meilleur jour que celui du bojol, du beaujolo, du bojolpif, du bojolpince, bref du Beaujolais nouveau ! pour vous parler de la réédition d’un livre grâce auquel aucun clairon ni aucune rouillarde n’auront désormais de secrets pour vous. Avec L’argot du bistrot en poche, vous pourrez faire la tournée des grands ducs et écumer les zincs en vous sentant comme un poisson dans l’eau, sans craindre (quoi que…) de passer pour un cave. Ce qui est certain, c’est que si vous ne faites pas le siroteur, alors ce rectangle ne vous prémunira pas de terminer la soirée rond comme … une balle pour Emile Zola, des boudins chez Maurice Fombeure, une soucoupe avec Marcel Aymé. La collision de chopines n’est pas loin et plutôt qu’avec le papier, c’est avec le pavé que vous risquerez d’avoir des mots.
Robert Giraud, Bob pour ses amis, a publié plusieurs livres sur l’argot, non en académicien ou en linguiste, mais en praticien de terrain ! Les bistroquets où le peuple de Paris levait le coude, il les fréquentait assidument, les anses grandes ouvertes. De même que ses nombreux amis écrivains qui puisaient également une part de leur inspiration dans les mêmes lieux. Citons au hasard quelques habiles manieurs de la langue verte que Bob invite en son bistrot : Alphonse Boudard (La cerise, L’hôpital, …), René Fallet (Le Beaujolais nouveau est arrivé, …), Ange Bastiani (Chauffe, Charlie ! Chauffe ! …), Albert Simonin (Du mouron pour les petits oiseaux, …) et tant d’autres nous y offrent leur tournée.
Au zinc, Bob croisait également des photographes, en particulier ceux que l’on appelle parfois les « humanistes », avec Robert Doisneau parmi les chefs de file. Des photographes dont les images illustraient la première édition de L’argot du bistrot. Si elles nous font à présent défaut, l’esprit des lieux a cependant bien été préservé. Cette nouvelle édition offre ainsi une nouvelle jeunesse à de nombreuses expressions, leur seule lecture ressuscite un Paris que l’on croyait englouti à jamais dans le moderniste et l’hygiénisme ambiants. Allez, on peut tranquillement s’en aller relever un factionnaire. A moins que vous ne préfériez carrément vous arrondir au rouge-bord ou vous chauffer le four au chien tout pur ?
L’argot du bistrot. Robert Giraud. Préface de Sébastien Lapaque. 272 pages. Editions de la Table Ronde, collection La Petite Vermillon. 2010 (première édition de 1989, préfacée par Roland Topor). 8,50 €.
Voir Le Copain de Doisneau, le blog d’Olivier Bailly, tout entier consacré à Robert Giraud, et qui m’a bien inspiré pour écrire cet article.