Apprendre à prier à l'ère de la technique de Gonzalo M. Tavares

Par Sylvie

PORTUGAL

 

 

Editions Viviane Hamy, 2010

 

Voici le dernier opus de l’écrivain portugais le plus adulé du moment. Ayant déjà obtenu le Prix Saramago (il est né en 1970), il a reçu notamment les éloges, entre autres, d’Alberto Manguel et de Enrique Vila-Matas.

Auteur au parcours éclectique ( il a étudié le sport, l’art et la physique !), il est aujourd’hui professeur d’épistémologie à l’Université de Lisbonne.

Il s’est fait connaître en France et dans le monde par sa série des Bairro, des petits romans où il fait déambuler dans un Lisbonne imaginaire, Brecht, Paul Valéry et Italo Calvino, entre autres…Une fantaisie littéraire, sous forme d’hommage, qui lie érudition, jeu littéraire et humour.

L’univers du « Bairro » est drôle, poétique, intelligent, lunaire, original, et accessible. Il fait penser aux mondes de Monsieur Teste de Paul Valéry, de Plume d’Henri Michaux, de Palomar d’Italo Calvino, du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry, de Monsieur Hulot de Jacques Tati, et d’autres encore… (Site de Viviane Hamy)

Dans Apprendre à prier…, il abandonne (temporairement ?) les grands écrivains pour se concentrer sur un personnage fictif, Lenz Buchmann, personnage haut en couleur, incarnant à lui seul les dérives du pouvoir qu’a pu connaître le 20e siècle.

L’auteur retrace la vie d’un médecin des corps, devenu médecin des âmes, par le fait de la politique. Elevé par son père selon le principe de « la loi du plus fort », Lenz a pour passion l’énergie, le mouvement…qui mène tout droit au commandement et au sentiment de se sentir au-dessus des autres.

Le médecin déteste ses patients défaitistes, vaincus d’emblée par la maladie. Mais il adore que ces patients revigorés le mettent sur un piédestal. Alors, un beau jour, il décide de quitter cette relation entre individus (médecin/patient) pour étendre son emprise sur « la collectivité ».

Il va ainsi régner sur les âmes….à ses risques et périls.

Tavares brosse le portrait de Buchmann  dans de très courts chapitres, dont les titres sont des aphorismes. On pourrait croire qu’il s’agit d’une encyclopédie ou d’un manuel…de pouvoir. Les recettes du pouvoir sont énoncées telles des lois de physique ; il est question d’énergies contraires, de forces, de mouvements. Au temps des idéologies triomphantes, les relations humaines sont analysables et déchiffrables au même titre qu’une machine ou qu’un tableau de chiffre. Tout peut être dominé…à l’ère de la technique. Mais la nature n’a pas dit son dernier mot…

Sous des allures de conte moral froid et distancié, Tavares prend un malin plaisir à se jouer de son personnage qui se croit au dessus de la morale universelle…Il n’avait qu’à apprendre à prier…