Potiche, de François Ozon, fait partie de ces films que l'on attend malgré soi. Plusieurs raisons à celà : un lancement réussi, de multiples têtes d'affiche et la signature "Ozon" promettant dans tous les cas un évènement, un regard. Je suis allé voir ce film avec tout celà, avec aussi et surtout une certaine appréhension car Ozon m'a souvent enflamé, beaucoup promis, et souvent déçu je l'avoue. Ah oui, je l'oublie, lui, le magicien des Abbesses. J'oublie Fabrice Luccini qui, à lui seul peut me faire aller voir même un film qui aurait déçu tout le monde, avec cet espoir insencé d'être potentiellement le seul à pouvoir être sublimé.
Parler de déception pour ce film serait surdimensionné, néanmoins la magie a manqué... Mais parlons d'abord de ce qui était au rendez-vous. D'abord et avant tout, le couple Deneuve-Luccini. Lui, le patron réactionnaire, infidèle et caricatural. Elle, la bourgeoise dorée, potiche à ses heures et sur-jouant la fée du logis qui porte un intérêt minimum au réel, à ses faits, à ses êtres. Ce couple fait tourner une myriade de personnages joués notamment par Juliette Godrèche, Karin Viard, Jérémie Renier et surtout Gérard Depardieu, indompatable gauchiste député-maire mais surtout amoureux fou encore et toujours de la femme du patron. Mention spéciale à Karin Viard, la secrétaire modèle, tantôt fidèle maîtresse du patron, tantôt portant le flambeau des faibles et des femmes, première au clan des défenseurs de la potiche !
Le film est une salade de fruits de saison. Les fruits sont terriblement actuels : la lutte sociale, le rang des femmes, le pouvoir, le sexe et toutes ces petites et grandes matières dans lesquelles se débat le monde. Le saison, elle, est joliment servie par une belle direction artistique aux accents d'années soixante-dix, poussées à la caricature, au kitch savant et savoureux qui se donne à voir dans les couleurs, les tenues, les décors mais aussi les postures et prises de parole. Il en résulte un film seventy mais terriblement actuel et raisonnant..
Mais qu'a-t-il donc manqué me diriez-vous ? Je ne le sais pas, mais quelque chose ne s'opère pas, comme si les personnages ne parvenaient pas à nous lier à eux. Comme si, à force de sur-jouer (ce qui est le contrat identitaire du film), on n'y croiyait pas trop, pas assez, et qu'on finit par aimer l'instant, sans toutefois tomber amoureux..
Le film reste néanmoins un réel évènement cinématographique, une photo de notre époque qu'Ozon a voulu argentique en quelque sorte comme pour prendre du recul pour mieux cerner ce temps imparfait, ce "plus que présent" qu'est le nôtre !