Les Lunettes Noires
C'était un jour de foire au bar de l'esplanade
Il faisait beau, le ciel nous donnait l'accolade
Avec quelques amis nous buvions à Bacchus
En lançant de bons mots, des piquants de cactus
Il était là, seulet, assis sur une chaise
L'air heureux, un client qui nous semblait à l'aise
Mais son regard caché nous donnait l'impression
De vivre à ce moment comme en récréation
Son sourire figé ne pouvait pas nous plaire
Mais chacun l'ignorait le laissant solitaire
Quand il s'est relevé les yeux à l'abandon
Tenant entre ses mains un vieil accordéon
Puis, il a fredonné diverses chansonnettes
Tendu son chapeau noir pour une ou deux piécettes
Et nous avons compris que cet homme avait faim
D'un temps qu'il ne voyait que d'après son parfum
Quand je vois mes amis, l'homme est dans nos mémoires
Avec sa canne blanche et ses lunettes noires
Son rire n'était pas comme ses yeux, éteint,
Bien qu'il vive la nuit face au ciel du matin
Je me souviens de lui, sa voix était si forte
Comme celle des coeurs qui n'ont jamais d'escorte
Je pense, il ne voit pas les éclats du bonheur
Alors que j'en ignore, à ce jour, la couleur
Œuvre protégée