C'est superbement culotté !
Puiser chez un auteur du patrimoine la substantifique matière, donner libre cours à ses interprétations, pomper le texte (ce qui au passage est une idée géniale en terme de droits d'auteur pour les signataires de l'adaptation), entrainer une troupe d'acteurs comme des champions avant les jeux olympiques, s'entourer d'une énorme équipe technique ... sans parler du budget !
J'aurais pu écrire la même chose à propos d'Hamlet de la troupe Kolyada découvert et apprécié en février dernier sauf que ... précisément la différence des moyens financiers mobilisés est éclatante.
Les fourberies d’Omar Porras posent, oui, de vraies questions :
- qu'en est-il de la création aujourd'hui, la vraie, qui sort des tripes d'auteurs et qui vous interroge sur le monde ?
- qu'en est-il du rapport entre la scène et l'argent ?
Nikolaï Kolyada apporte sa réponse :"Je n'invente pas les spectacles sur un canapé à la maison, dit le metteur en scène. Et je n'essaye pas d'utiliser de nouvelles technologies. Pour faire du théâtre, on n'a pas besoin de décors, de costumes spéciaux ni d'effets de lumière. On pousse la porte, on entre sur le plateau et on joue."
Pour jouer, les comédiens engagés par Omar Porras sont des as. Dommage que ces neuf formidables acteurs ne représentent que deux lignes au générique alors qu'ils occupent toute la scène. Cette réduction a choqué plus d’une personne. C’est peut-être ce que je trouve moi-même le plus irrespectueux.
Le théâtre c’est avant tout des comédiens au service d’un texte. Ce soir je ne l'ai pas entendu. Trop à voir, trop d'images parasites, trop d'accents, trop de musiques. Peut-être étais-je mal placée, trop loin … mais dans une salle aussi belle que celle de la Piscine on devrait être tous en mesure de l'apprécier correctement. Omar Porras pense peut-être que Molière est si connu qu'on peut en mâchouiller les dialogues. Faudrait alors nous le surtitrer. Un comble !
Dans la salle un portable a sonné à plusieurs reprises. Le spectateur a écouté son message sur haut-parleur puissance max. J’ai cru qu’il faisait partie du spectacle jusqu’à ce qu’on l’expulse. Surréaliste !
Je ne freine pas mon enthousiasme quand je découvre des spectacles formidables, qu’ils soient créés par des célébrités ou par de modestes compagnies. Je ne vais pas censurer ma déception. Je ne suis pas contre les reprises. J’ai adoré la Double inconstance de Marivaux dans une version cinématographique très inventive. Je ne suis pas davantage opposée aux adaptations. J'ai applaudi sans réserve les Soliloques de Mariette, Kramer contre Kramer, les Trois sœurs, pour ne citer que des spectacles récents (et dont j'ai rendu comte ces jours derniers) mais ceux là étaient respectueux du texte. C'est capital.
Viendrait-il à l'idée d'un artiste" de photocopier des morceaux de tableaux de Dali, de Magritte, ou Klee, d'en faire un montage et d’y apposer sa signature ?
Une minuscule coccinelle traverse mon bureau alors que j'écris ces lignes, s'arrêtant sur le front de Scapin. Dérisoire et jolie intervention ... Comme pour me livrer le message que je n'ai pas entendu l'autre soir : la raison du petit est toujours la meilleure. Le valet l'emportera sur le maitre ...
Monsieur Porras, de grâce, arrêtez d'adapter. Écrivez ! Quand on a votre talent on devrait regardez davantage autour de soi, puiser son inspiration dans le monde actuel. Si je puis vous donner modestement un conseil, osez être complètement vous-même et cessez de puiser chez les anciens.
Les fourberies de Scapin d’après Molière du 4 au 13 novembre 21010 au théâtre de la Piscine de Chatenay-Malabry (92) puis en tournée.