Si Unstoppable suscite un vent d'enthousiasme dans une certaine critique, c'est probablement pour la double raison que ce film est le contrepied parfait au cinéma honnis de l'immobilisme sociologisant et que ce contrepied est amené dans une telle épure qu'il semble fournir naturellement aux commentateurs les outils pour son analyse.
C'est vrai qu'il est toujours agréable de voir enfin un film d'action qui n'est que ce qu'il est. Qui dure pile 1h30, nous sert des cheminots beaux-gosses aux dents blanches, et ne prétend à aucun discours prétentieux. Tout, en somme, pour se concentrer sur l'essentiel du film: le mouvement.
Cette séduction du mouvement est simple autant que paradoxale. C'est une manière basique d'imposer un cinéma qui va à toute vitesse et dont l'énergie brute emporte tout sur son passage. Il y a quelque chose de moderne dans cette fascination pour la monstrueuse force créée par la machine. Mais il y a aussi un futurisme délicieusement daté dans cet éloge de l'action à l'état pur. Et on s'aperçoit que, malgré les effets breaking news, malgré les circonvolutions de la caméra, l'obsession de l'énergie fait plus penser au Raoul Walsh de Manpower qu'à tout autre film récent.
Pour pousser plus loin, on pourrait dire que Unstoppable s'inscrit dans une tradition qui associe le cinéma à la machinerie contemporaine. De l'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat au Duel de Spielberg, le cinéma du XXième siècle nous a fourni d'impressionnants exemples de ces bestioles métalliques. D'autant plus effrayantes, ces bêtes-là, qu'elles sont des systèmes vides et sans but, de pur blocs de mouvement exponentiel. Dans le cas du film de Tony Scott comme dans celui de Spielberg, l'intrigue est tellement réduite à néant qu'il ne nous reste qu'à contempler les roulements de mécanique - il n'y a plus d'autre sujet que la vitesse du train, il n'y a plus d'autre sujet que le cinéma comme art du mouvement.
L'impression que l'on garde d'Unstoppable, c'est son surprenant archaïsme vis-à-vis du cinéma américain actuel. Un culte de la puissance technique à mille lieux de la technologie paralysante d'Avatar et une massivité très simple qui aurait de quoi faire perdre la foi à tous les personnages de Matrix ou d'Inception. Ca ne va pas chercher loin du tout, c'est même terriblement bas du front, mais c'est un bel objet, sorti tout droit du XXème siècle.