Par Hong Kong Fou-Fou
Les rédacteurs de Fury Magazine étant des oisifs, ils passent beaucoup de temps dans les cafés. Les rédacteurs de Fury Magazine étant des poseurs, ils sont toujours attentifs à avoir la bonne attitude, chic et cool. Aujourd'hui, nous tâcherons de répondre à cette question cruciale : quelle posture adopter le matin vers 9h, lorsqu'on va boire son petit café en solitaire ?
La réponse est évidente, il faut lire la presse. Une activité qui a une fâcheuse tendance à disparaître, les gens préférant désormais lire les nouvelles sur leur smartphone. Pfff, lire des articles sur un écran de quelques centimètres de large, caché au creux de sa main, quelle vision étriquée de la vie, quel manque de panache et d'assurance ! Non, les nouvelles, ça se lit dans le journal. Le claquement des feuilles que l'on déplie d'un coup sec, le froissement des pages que l'on tourne, l'odeur de l'encre fraîche, c'est quand même autre chose. Si vous lisez Le Figaro, il faut l'assumer ! Si vous lisez Libération, il faut l'assumer ! Si vous lisez Midi Olympique, heu, comment dire...
Et puis lire le journal, ça permet d'engager la conversation avec d'autres consommateurs. Tenez, la vendeuse du magasin de chaussures d'à côté, qui vient boire sa noisette tous les matins et que jusqu'alors vous n'osiez pas aborder.
- Vous : Vous avez terminé avec le journal, Mademoiselle ?
- Elle : Oui, je lisais juste mon horoscope. Il paraît qu'aujourd'hui je vais faire une rencontre extraaaaaordinaire.
- Vous : Hmm, certes.
Bon, évidemment, le journal ne fait pas tout, même s'il s'agit du Wall Street Journal. L'apparence compte. Ce n'est pas parce que vous habitez juste au-dessus du bistro qu'il faut descendre en survêtement et charentaises (vous pouvez tenter le peignoir en soie, par contre. Vous gagnerez notre admiration sans faille).
Le journal se lit le buste bien droit, les jambes croisées (pensez à vérifier que l'élastique de vos chaussettes n'est pas en fin de vie). Vous pouvez vous caresser pensivement le menton. De temps en temps, interrompez votre lecture pour parcourir la salle d'un regard circulaire. Un air hautain est toléré, surtout si le Dow Jones est remonté ou si le FC Plouarzel a torpillé le Sporting Bolazec 5-0 et que ça n'était pas arrivé depuis dix ans. Si vous voulez ajouter une touche de mystère, vous pouvez garder vos lunettes noires (si vous vous êtes couché la veille ivre mort à 4h du matin, c'est même recommandé. Et veillez à tenir le journal à l'endroit).
Comment ils vont faire, au fait, les espions, maintenant que plus personne ne lit le journal en public ? Ils ne vont quand même pas se planquer derrière leur Blackberry ? Si vous voyez dans un aéroport un type en trench mastic, partiellement dissimulé derrière une feuille de chou ouverte à la même page depuis vingt minutes, au milieu d'une foule de gens en train de s'exciter sur leur mobile, y a pas, c'est une barbouze. Ouvrez l'oeil, il va sûrement essayer de kidnapper un traître, en lui appuyant dans les reins un flingue, qu'il planquera sous son fidèle journal.
Tout ce qui précède n'est valable que si vous êtes seul au café. Si vous êtes en galante compagnie, n'allez pas lire le
journal, goujat ! De même, évitez alors d'entreprendre la vendeuse de chaussures... Allez, fermez vite ce bête magazine électronique, foncez au débit de boissons le plus proche en faisant un saut
par le kiosque à journaux. Buvez un espresso en survolant les chiens écrasés, vous en soupirerez d'aise. La prochaine fois, nous vous expliquerons comment aller passer une coloscopie tout en
restant classe.