Magazine Politique

T'rristes, bande de jeunes c...!

Publié le 19 novembre 2010 par Egea

Un petit débat au fil de l'eau, à la suite d'un commentaire d'Yves Cadiou sur la résilience, il pose le débat du terorisme.

T'rristes, bande de jeunes c...!

Je me fais un plaisir de lui répondre et de poursuivre la discussion qu'il a engagée.

O. Kempf

La thèse d'Yves Cadiou

Mais le terrorisme, voilà un mot que l’on ferait bien de regarder de plus près. Faisons d’abord, tout de suite, un petit sondage parmi les lecteurs d’égea, au pied-levé et à mains levées. Allons-y : parmi vous, que ceux qui sont terrorisés lèvent maintenant la main ! Vous voyez bien : personne. Personne n’est terrorisé et c’est pourquoi il ne faut pas avoir peur de le dire : le terrorisme n’existe pas.

C’est une conviction que j’ai acquise en me souvenant du début des années soixante où l’OAS sévissait : j’étais parisien à ce moment-là. C’était dans Paris dix à quinze explosions par jour. Regardez la presse de l’époque : en dernière page de Le Monde, il y avait une rubrique quotidienne intitulée « plastic-gazette » récapitulant les explosions des dernières vingt-quatre heures, indiquant le lieu, l’heure, le poids supposé de la charge, le nombre de victimes et les dégâts matériels. Tout ça dans l’indifférence générale, je m’en souviens parfaitement. Les éditorialistes s'escrimaient avec leur plume, les chroniqueurs s’époumonaient dans leur micro radiophonique (la télé n’existait pas) pour tenter, mais en vain, de susciter l’émotion : seule l’inefficacité de leurs efforts était pathétique. Non que les parisiens fussent spécialement courageux, mais ils n’accordaient qu’une attention distraite à des événements auxquels ils ne pouvaient rien, comparables aux averses de grêle ou aux accidents de la route.

Indifférence générale, mais pas complètement : pour nous autres ados, c’était l’occasion de rigoler en faisant des fausses alertes à la bombe. Le réseau téléphonique d’alors, relativement rudimentaire (le 22 Asnières), ne permettait pas de définir l’origine des appels. Ainsi, en plus des dix à quinze explosions quotidiennes, il y avait probablement dix à quinze mille fausses alertes. Notamment dans les établissements scolaires les jours de compal. Aussi chez le confiseur qui vendait ses caram’bars deux centimes trop cher (les nouveaux francs, et donc les centimes, datent de 1960 : ça, c’était important). Toutefois dans les commerces privés, nos fausses alertes ne marchaient pas vraiment parce que les commerçants ne voulaient pas virer leur clientèle. A la Poste en revanche, ça marchait très fort : c’était très drôle pour nous de voir les clients sortir en râlant. Nous étions de jeunes cons, je l’admets. Et nous avons vieilli, je l’admets aussi sans oublier que « l’âge ne fait rien à l’affaire » (G. Brassens). Toujours est-il que le souvenir de cette époque où selon la presse la peur était générale, m’a appris que le terrorisme n’est pas une réalité.

Alors qu’est-ce que c’est que ce terrorisme sans terreur ? D’abord il faudrait inventer un mot : par exemple le Trrisme. Un mot qui n’existe pas (un barbarisme !) c’est parfait pour désigner un fait qui n’existe pas.

Ce fait existe cependant un peu : c’est un jeu à trois. Ce jeu, l’on n’a aucun motif de s’en plaindre vraiment, au contraire l’on doit s’en féliciter parce qu’il est la marque de la Démocratie : c’est un jeu entre les élus / la presse / les électeurs. J’écarte du jeu, parce qu’ils sont négligeables, les poseurs de bombes.

En Démocratie, les élus ont un seul souci : leur réélection par les électeurs et pour le reste c’est « après moi le déluge ». Quant à la presse, elle se convainc qu’elle a du pouvoir dans la mesure où elle peut faire pression (presse) sur les élus. En faisant croire que les électeurs sont terrorisés (je répète : combien parmi vous sont terrorisés ? personne), la presse met au défi les élus de résoudre le problème. C’est un problème qui n’existe pas mais qui acquiert une existence parce que tout le monde semble y croire, comme le manteau du roi nu.

Apparaît alors l’antiTrrisme, qui occupe beaucoup de gens de la même façon que le manteau du roi précité occupe beaucoup de valets. Et parlons aussi de résilience si l’on veut, ça fait partie du jeu.

J’attends vos réactions car je sais que l’on croit difficilement celui qui déclare « le roi est nu » et que parfois on l’invective pour qu’il se rétracte. Mais en ma qualité d’ancien jeune con des années soixante, je prends le risque.

Y Cadiou

Réponse d'égéa : Yves, vous avez raison dans votre critique de l'efficacité du terrorisme, surtout en France. Il reste que par rapport à vos vertes années (si j'ai bien compris la façon dont vous qualifiez ces années de jeunesse, j'aurais pu dire ces c... années), plusieurs choses ont changé :

  • entre des "petits" attentats et celui du WTC le 11 septembre, il y a non une différence de nature, mais une différence de bilan. L'émotion a cru que c'était fondamentalement différent, peut-être cette différence n'est-elle somme toute que bénigne.
  • l'émotion, justement : la mondialisation, c'est aussi l'omniprésence de la communication. Phénomène suffisamment décrit par ailleurs, que vous évoquez également. Le buzz médiatique constitue désormais un "milieu" (comme la terre, l'air, le feu et le cyber) où s'exercent, un peu différemment d'autre fois, des forces et des manœuvres où le terrorisme s'installe.
  • enfin, dernier changement, beaucoup plus radical celui-là : l'abandon du fatalisme qui existait dans les années 1960. On refuse la fatalité, et à tout problème il faut un responsable qui est forcément coupable. D'où un phénomène assurantiel (pour tout accident, il y a une assurance qui couvre les dégâts) mais aussi juridique (puisqu'il faut désigner le responsable, celui qui justement paiera, pas forcément par de la prison, mais financièrement). Bref, l'augmentation générale de la sécurité de nos sociétés rend de plus en plus scandaleux tout ce qui attente à cette sécurité croissante. On ne se résout donc plus à la grêle, au raz de marée, aux tempêtes, aux accidents de la route, au chat dans le micro-onde ou au terrorisme.

Être donc sceptique envers la mise en scène de la terreur, je suis d'accord. Dire que pour autant il faut négliger les phénomènes qu'elle révèle, je ne le suis pas.

Cordialement,

O. Kempf


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Egea 3534 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossiers Paperblog

Magazines