Enquête sur l'Oligarchie dans la France de Sarkozy
de Michel Pinçon et Monique Pinçon Charlot
Zones (septembre 2010)
223 pages
Résumé
Les sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot sont les meilleurs spécialistes de la bourgeoisie française. Dans ce livre-enquête, ils mettent en lumière les relations incestueuses du système Sarkozy avec les puissances de l’argent. Au-delà des scandales en cours, ils décrivent le fonctionnement d’une politique cohérente et systématique au service des nantis : bouclier fiscal, abattements et exonérations en tout genre, dépénalisation du droit des affaires ne sont que les éléments les plus visibles d’une véritable de guerre de classe au service de l’aristocratie de l’argent. Au-delà des anecdotes révélatrices, il s’agit aussi de confronter le discours aux actes, Les rodomontades du Sarkozy "irréprochable" qui prétendait vouloir refonder le système capitaliste ne furent guère suivies de mesures : paradis fiscaux, fonds spéculatifs, bonus des traders, stock-options, cadeaux aux banques ont permis au capital financier de retrouver de sa superbe. Derrière la façade d’un régime démocratique se dessine ainsi le tableau inquiétant d’un régime oligarchique : un gouvernement des riches pour les riches.
Mon avis
Au premier abord, ce livre peut rebuter par son aspect austère et la taille de la police utilisée qui est plutôt petite. Mais dès les premières lignes, on s'aperçoit qu'il est aisé d'entrer dans
cette lecture car le style employé par les auteurs est sommes toutes accessible ;
Huit grandes parties, introduction et conclusion composent ce livre, elles-mêmes subdivisées en chapitres et sous-chapitres.
La citation introductive donne le ton .En 2005, Warren Buffet, un des hommes les plus riches du monde disait " Il y a une guerre des classes, c'est un fait, mais c'est ma classe, la classe
des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner."
Dans la première partie, les auteurs posent les bases de cette oligarchie française symbolisée par la soirée du 6 mai 2007 , jour de l'élection à la Présidence de Nicolas Sarkozy et sa
fameuse fête du Fouquet's avec ses "amis du Cac 40".
Dans la seconde partie, Michel Pinçon et Monique Pinçon Charlot reviennent sur la TEPA (loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat, qui favorise les favorisés en fournissant un attirail
défensif visant à protéger les patrimoines les plus importants. Ils évoquent et démontent le fameux bouclier fiscal, (duquel le Président fraîchement élu s'empressa de baisser le plafond) et
mettent le doigt sur les nombreuses niches fiscales créées, permettant de déduire des revenus imposables certaines dépenses ou investissements.
Ensuite, vient la partie sur l'oligarchie au pouvoir: "Lorsque tous les pouvoirs sont entre les mains de personnes qui entretiennent des liens étroits et forment un groupe de fait, on peut
parler d'oligarchie".,La notion de réseau est ici importante " Au soir de l'élection de Nicolas Sarkozy, l'oligarchie a fêté au Fouquet's l'intronisation de son fédérateur, de l'homme
politique ayant su tisser des relations et asseoir son autorité dans les milieux les plus divers".On en apprend ici un peu plus sur ce fameux "cercle", avec un exemple significatif, celui de
la villa Montmorency (lotissement pour riches du XVIeme arrondissement de Paris, où habite Sarkozy.
La partie suivante est consacrée à la télévision et à la rénovation des Chaînes Publiques d'où on vit par exemple les publicités disparaître lors des programmes de début des soirée; les auteurs
démantèlent ici ls dessous de cette décision et montrent quels desseins privés elle était censée servir.
Vient ensuite un chapitre consacré à Nicolas Sarkozy , avocat d'affaires ou le droit comme propédeutique à la politique.
Dans la sixième partie,, les auteurs montrent comment sont le président mêle les intérêts de sa famille avec ceux de l'Etat en revenant bien sûr sur l'épisode du fiston et de la présidence de
l'EPAD mais aussi sur d'autres beaucoup plus anecdotiques mais tout aussi révélateurs.
Ensuite une partie interlude, voyage en Sarkozy, cet état parallèle dont la capitale serait l'axe Neuilly -sur Seine- la Défense, (passage un peu long à mon goût).
Le dernier chapitre, "les mots pour ne pas le dire"revient sur le double langage du Président."Étonnant. Nicolas Sarkozy est imprévisible. Il donne à voir la détermination et la
rouerie du pouvoir. Dans un double langage permanent, ce candidat à l’Élysée a réussi la gageure de rester l’ami des plus riches tout en se faisant passer pour le défenseur de « la France qui se
lève tôt ». Flatter le bon peuple en remplissant les poches des nantis. De la poudre aux yeux pour les uns : « Les paradis fiscaux, c’est fi-ni ! », et des milliards d’euros pour les plus riches.
Le sens des mots, dans cette guerre psychologique qui ne dit pas son nom, est volé et détourné."
Finalement la conclusion dont voici l'introduction" L’objectif de cette conclusion est de lancer des propositions pour contrecarrer le fonctionnement de l’oligarchie au pouvoir. Il
s’agit de dépasser la personne de Nicolas Sarkozy, dont l’éviction pourrait ne signifier qu’un simple changement de personnel politique. Une autre oligarchie, aux frontières remodelées, pourrait
même, avec un leader « de gauche » comme Dominique Strauss-Kahn, permettre au néolibéralisme de se refaire une santé.Notre approche se veut ancrée dans les rapports sociaux concrets dont les
inégalités multiformes sont en contradiction avec le discours politiquement correct qui dénie toute validité à la notion de classe sociale."
Jusqu'à la conclusion et malgré quelques longueurs, j'ai trouvé ce livre plutôt bien documenté. Les différents exemples pris permettent de mieux cerner ce microcosme au dessus des lois qu'est
cette classe des très riches symbolisée par la fameuse soirée du Fouquet's
Oui mais,....
Cette accumulation d'exemples mis bout à bout a fini par me lasser et j'ai trouvé l'effet boule de neige nuisible à la crédibilité de l'ouvrage .Et ce n'est bizarrement qu'à la conclusion que j'ai compris que ce livre était politiquement ciblé: anti-Sarkozy (mais cela était sous entendu dans le titre et le sous-titre ") et pro Stauss- Kahn, et ceci m'a dérangé. De plus, je pense qu'il faut être naïf pour croire que les dérives évoquées dans ce livre sont nouvelles et le fait uniquement de Sarkozy et de sa Cour" comme les auteurs le laissent sous-entendre. Plus visibles oui, mais la classe des riches n'est pas apparue le 06 mai 2007 et les avantages , et le fait de voter des lois faites pour une majorité dans le but de favoriser une minorité (voire une personne) n'est pas une chose nouvelle non plus dans notre pays que ce soit sur le plan local ou national.
En résumé, un livre bien documenté mais beaucoup trop ciblé politiquement (voire bourrage de crâne) ce qui, à mon avis nuit à sa crédibilité et à en faire une référence vraiment
sérieuse.