En 1989, le défunt roi Hassan II, dans un élan de magnanimité a cédé Tindouf à l'Algérie du président Boudiaf avec lequel il engageait le Maroc dans la construction maghrébine. Cette "cession" d'une partie du territoire marocain amputée par la France coloniale devait avoir pour "contrepartie" l'abandon du soutien et de la tutelle de l'Algérie du Polisario qu'elle a crée en 1973 pour revendiquer l'indépendance des provinces sahariennes du Maroc et permettre à la "révolution" algérienne de la période de la guerre froide de s'étendre à l'Ouest. C'était sans compter avec l'armée algérienne qui détient les véritables rênes du pouvoir. Quelques mois plus tard seulement Mohamed Boudiaf fut assassiné dans un complot qu'elle lui a concocté; la reprise des hostilités vis à vis du Maroc ont repris et l'Union du Maghreb Arabe fut gelée.
Depuis lors, le Sahara Marocain est une sorte de table de ping pong sur lequel jouent les deux pays. Devant l'impasse du plan d'autodétermination accepté par le Maroc mais inapplicable sur le terrain à cause des difficultés de recensement de la population authentique apte au vote, le Maroc a proposé un plan de large autonomie unanimement applaudi par la communauté internationale à l'exception de ... l'Algérie et de son poulain le Polisario soutenu par quelques pays d'Amérique latine avec lequel il partage la langue et le fait d'avoir été une ancienne colonie espagnole.
Jusqu'au mois de Septembre 2010, le Maroc semblait remporter une victoire finale, tant le plan international que sur le plan local à cause des défections dans les rangs du "Polisario" et du nombre croissant de marocains sahraouis qui fuient les camps de Tindouf pour "retourner dans la mère patrie". A fin Septembre, ils étaient prés de 2.000 pour l'année 2010.
La défection d'un cadre de la "police" du polisario Mohamed Salma Ould Sidi Mouloud, son ralliement au Maroc et pire encore pour l'Algérie, sa volonté de retourner aux camps de Tindouf pour défendre la solution de l'autonomie des provinces du Sud, l'agonie que les marocains du Sahara prétaient au polisario a poussé l'Algérie à contre attaquer en encourageant la contestation d'abord sociale ensuite politique à l'intérieure du Sahara Marocain. C'est ainsi que fût crée un camps au large de Laayoune et qui est devenu en moins de 30 jours un espace occupé par des milices qui tiennent en otages des populations dont le seul souci initial était celui d'améliorer leurs conditions de vie.
Ce camps a été démentelé le 8 Novembre dernier par les forces de l'ordre marocaines qui ont perdu 12 de leurs membres au cours d'une opération au cours de laquelle l'usage des armes a été interdite. 12 membres de la gendarmerie et de la protection civile marocaines ont été sauvagement lynchés. Au lieu de présenter l'information de manière équilibrée et professionnelle, la presse officielle espagnole, l'agence EFE et la TV3, ont commis l'erreur de publier des photos transmises par ces milices et dans lesquelles des enfants palestiniens victimes de bombardements israéliens sont pris pour des populations du sahara marocains. Pire, une photo d'une famille casablancaise victime d'un crime crapuleux en janvier 2010 a été publiée comme provenant de l'opération de démentèlement du camps.
Ces évènements nous interpellent sur nos relations avec nos voisins du Nord et de l'Est.
Au Nord, les relations conflictuelles du Maroc avec l'Espagne sont historiques : elles datent de 711 qui marque l'entrée de Tariq ibn Ziyad en Andalousie et son nom est associé à Gibraltar ( Gibel Tariq, montagne de Tariq) qui, ironie du sort est occupée pat l'Angleterre. La présence arabo-musulmane en Espagne a duré jusqu'en 1492, soit prés de 8 siècles et s'est clos par la "reconquista", le sang et l'expulsion des juifs et des musulmans vers le Maroc. Depuis lors, de conquètes sporadiques en libérations de ports et de présides, de batailles en guerres, la dernière celle du Rif au cours de laquelle l'armée de Abdelkébir El Khattabi a été bombardée au napalm après avoir battu l'armée espagnole à Annoual en 1923. " Une guerre contre les Espagnols s'en suivit et ils durent se retirer sur la côte. Ils n'occupaient en 1924 plus que Ceuta, Melilla, Asilah et Larache. À ce moment débutèrent les bombardements chimiques : d'après le général de l'aviation espagnole Hidalgo de Cisneros dans son autobiographie Cambio de rumbo[2], il fut le premier à larguer une bombe de 100 kilogrammes de gaz moutarde depuis son Farman F60 Goliath au cours de l'été 1924 sources
Le "protectorat" espagnol sur le Nord du Maroc est considéré comme le pire de toute l'histoire coloniale : à l'indépendance du Maroc, le Nord était une région sinistrée, sans infrastructure, sans économie viable. Excepté Tanger qui avait un statut international et un port , Ceuta et Mellilia restée sous colonie espagnole, le Rif n'a vécu, 2 générations après l'indépendance que par la contrebande et la drogue.
Que dire du Sud c'est à dire le Sahara Marocain dont l'indépendance n'a été acquise qu'en 1975 à la suite d'apres négociations activées par une marche verte de 350.000 marocains coran dans une main et drapeau dans l'autre, sinon que l'Espagne n'a pas digéré la perte d'influence culturelle et hispanophobe sur une zone nostalgique et face à Las Palmas, zone qu'elle n'a occupé que pour protéger Las Palmas.
Le Maroc a laissé en Andalousie une civilisation qui a permis de faire la conquète du monde et qui aujourd'hui a permis par le biais du tourisme de sortir l'Espagne franquiste de la misère à l'abondance. Il y a à peine quarante ans les marocains traitaient les espagnols de "sbegnol lehazaq" , les "espagnols miséreux", aujourd'hui ils se permettent de gonfler leurs torses et de trouver leur intérêt non pas dans un Maroc prospère et indépendant mais dans un Maroc pauvre et soumis à leur influence et à leur humeur néo-coloniale.
Le Maroc est aujourd'hui en droit de revendiquer l'indépendance de Ceuta et Mellilia car il est en droit de s'ouvrir sur sa partie méditerranéenne ( sans enclaves ni entraves espagnoles ) et non de lui tourner le dos, il est en droit de réclamer des dommages du génocide du Rif et de l'occupation du Nord. Il est en droit de réclamer un co développement avec ses voisins dans un cadre régional.
A l'Est, les relations algéro marocaines ne se sont pas améliorées malgré la chute du mur de Berlin, l'Algérie reste "révolutionnaire" par nostalgie à la mémoire de Fidel Castro et le Maroc reste monarchiste ( et depuis 12 siècles) et pro américain depuis ... 1789.
Dans un article rédigé en juin 2009, l'algérien Houari Kaddour écrit dans son blog un article intitulé : Tindouf (Algérie ?) : Questions de Souveraineté et de Stratégie. En voici le texte :
"L’objectif proclamé par tous les responsables maghrébins est l’unité du Maghreb. Cette unité maghrébine demeure hypothétique et dominée depuis trois décennies par la rivalité maroco-algérienne, pour ne pas dire la rivalité algérienne tout court, avivée par le conflit du Sahara, œuvre algérienne. L’un des enjeux de ce conflit est la première place à l’intérieur du Maghreb. L’Algérie cherche obstinément à obtenir «indirectement» une ouverture sur l’Atlantique tout en brisant «définitivement» les aspirations marocaines au «Grand Maroc».
-Tindouf: No man’s land ou Land of Non Droit?
Tindouf est-elle sous souveraineté algérienne, région autonome ou indépendante? Pourquoi cette question banale sur un territoire d’un pays supposé souverain? L’observateur en général ou le lecteur en particulier est intrigué de voir souvent les journaux algériens placer les informations en provenance de Tindouf, supposées algériennes, dans la rubrique « Monde », « Internationale » ou « Etranger », et constate régulièrement que la presse internationale cite Tindouf comme étant le siège du Polisario et la capitale de la RASD auto-proclamée.
Tindouf est une région et le nom d’une petite ville qui a poussé au milieu du désert à 1.900 km au Sud-Ouest d'Alger à la frontière « informelle » avec le Maroc, située entre les parallèles 26°N et 26°30'N d'une part et les méridiens 8°40'W et 11°30'W d'autre part. Le paysage désertique est caillouteux et désolant où le terme « désert » prend son vrai sens d’austérité géographique (géomorphologique) et non d’un havre touristique vanté par certains Tours Opérators. La région compte une population déclarée d’environ 34000 habitants répartis entre deux communes : « Tindouf » et « Oum Lassel » et constitue dans le jargon administratif algérien, la 37ème circonscription administrative de l'État algérien: la wilaya de Tindouf. La wilaya selon la législation algérienne est une collectivité publique territoriale dotée d’une personnalité morale, d’une autonomie financière et d'une assemblée élue dénommée «Assemblée Populaire de Wilaya» et placée sous l'autorité du Wali (Préfet) nommé par le Président de la république.
Cette petite ville très discrète, mais très médiatisée, n’est animée que par la présence en masse de militaires algériens, de membres de Polisario et de trafiquants de contrebande de tout genre : détournement des aides humanitaires, trafic d’immigrants sub-sahariens, contrebande de boissons alcoolisées et de cigarettes de marque étrangère. Les tribus qui y habitent ont une continuité spatiale et ne connaissent pas les frontières imprécises et invisibles de part et d’autre des deux pays maghrébins. Certes, les logements sont précaires mais la vie est gratuite; ici l'État algérien subventionne tout: la nourriture, l'eau, l'électricité et le transport... Les autorités algériennes ont fait de l’aéroport de Tindouf le deuxième d'Algérie pour la fréquentation étrangère et le point névralgique de toute la région; au dire de certains algériens, il serait classé deuxième après celui d’Alger grâce au trafic des avions d’aides humanitaires, d’organisations non « gouvernementales » et de l’armée algérienne!
-Tindouf: Territoire « Ensablé », Sol algérien ou un presque Etat dans l’Etat ?
La région de Tindouf est officiellement un territoire algérien, donc sous la souveraineté de l’Etat algérien, mais aussi un siège de la capitale auto-proclamée éphémère de la RASD (la République Arabe Saharaoui Démocratique) taillée à l’image de la République algérienne Populaire et Démocratique où les dirigeants algériens ont choisi de domicilier en permanence le Polisario en poste avancé à la frontière marocaine. Une question légitime qui se pose de point de vue de la responsabilité à l’égard du droit international : sol algérien, no man’s land ou Etat dans l’Etat ?
En droit international, la souveraineté nationale désigne le caractère indépendant d'un Etat qui n'est soumis à aucune autorité extérieure, qu'il s'agisse d'un autre État ou d'institutions internationales autres que celles qu'il a librement acceptées sur un territoire géographique bien défini. L'État est une collectivité dont la structure est juridique, qui est délimitée par des frontières territoriales et constituée d'institutions lui assurant un pouvoir suprême (la souveraineté). Cette définition de la souveraineté est loin d’être une réalité sur le terrain de Tindouf !
Tindouf, Bechar, Timimoum et autres territoires historiquement Marocains dont le soulèvement en 1962 a été brutalement réprimé par les autorités algériennes, ont été amputé par la France au profit de l’Algérie française. L'Algérie de la régence ottomane dans ses frontières actuelles est un pays qui n'a strictement aucune légitimité historique hormis celle d'être un ancien département d'outre-mer de l'empire colonial français, dont les frontières ont été tracées par la bienveillance du colon . Le principe d'intangibilité des frontières issu de la colonisation est infondé à partir du moment où ses frontières ont été établies en violant la légitimité historique d'Etats séculaires et au détriment des populations et des tribus qui n’ont jamais connu de frontières.
Comment le Maroc s’est-il laissé amputé d’une partie importante de ses territoires orientaux, sous le protectorat français, au profit de l’Algérie?
En 1956, la France a essayé de négocier un accord pour fixer les frontières maroco-algériennes ; le Maroc par sa loyauté aux « frères algériens » engagés dans leur lutte et leur combat pour la libération de leur territoire a refusé de s’y soumettre. Dans un esprit fraternel, un premier accord est signé le 6 juillet 1961, par Hassan II et Ferhat Abbas, alors président du G.P.R.A. (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne) concernant le tracé des frontières entre les futurs Etats maghrébins. A l’indépendance de l’Algérie, les nouveaux dirigeants algériens imprégnés par l’idéologie socialiste et communiste affirment clairement des ambitions expansionnistes et un conflit éclate dès 1963 (la guerre des sables) aux frontières maroco-algériennes. Le Maroc a refusé au début de céder ses territoires qu’il revendique comme historiquement les siens. Oufkir, préparant déjà son célèbre putsch, fait des concessions aux dirigeants algériens, dont il attend un soutien pour ses ambitions républicaines. Hassan II, confronté à une certaine gauche marocaine très admirative du modèle étatique et tiers-mondiste algérien, cèdent une partie du territoire marocain en signant l’accord de Tlemcen du 27 mai 1970. Le coup d’État échoué de juillet 1971 accélère les choses; le souverain marocain, soucieux de régler d’abord les problèmes internes, accepte le projet de frontière de juin 1972 sans être convaincu. Un accord de délimitation a été signé en 1989, par lequel le Maroc renonce notamment à la région de Tindouf. Ce tracé de frontière arrangé entre les deux parties ne sera publié d’ailleurs au Bulletin Officiel marocain qu’en 1992.
Cette portion du Sahara oubliée, située au Sud-Est du Maroc, et attribuée par la France à l'Algérie en 1962, le Maroc et les habitants de cette région la considèrent toujours comme étant historiquement marocaine. En accordant l’indépendance au Maroc et à la Tunisie, la France a tenu à conserver la majeure partie du Sahara pour son département d’outre mer. En1960, Paris avait même songé à donner l’indépendance à l’Algérie sans le Sahara. Si l’indépendance des trois pays du Maghreb avait eu lieu en même temps, le territoire de ce grand désert aurait inévitablement été partagé plus équitablement et il n’y aurait jamais eu de conflit au Sahara.
Ce rappel historique nous ramène au vrai problème frontalier entre le Maroc et l’Algérie car sur le terrain les frontières n’ont jamais véritablement été tracées. Ces frontières avancent et reculent au bon gré des dirigeants algériens et de leur armée. Les postes frontaliers de par et d’autre, ainsi que les habitants de cette région, n’ont pour seuls repères que les arbres parsemés ici et là, les amas de pierres et certaines ruines visibles, mais rien ne partage véritablement les terres des deux pays souverains. La vigilance est de mise, des deux cotés de la frontière supposée, car en cas de conflits sérieux la cartographie n’a pas d’utilité et l’appréciation à vue est préférable. Les mines sont un autre repère non visible entre les deux pays mais aucune carte des champs minés n’est disponible d’un côté comme de l’autre; seule la Minurso avait réussi à déminer quelques couloirs pour ses patrouilles. Ces contestations territoriales n’ont aujourd'hui qu’un caractère superficiel, mais peuvent être réactivées à l'occasion de ce principal litige territorial qu’est le Sahara.
Des considérations géopolitiques à plus grande échelle ont compliqué l’affaire de litige entre le Maroc et l’Algérie. L’Algérie était soutenue par l’URSS, alors que le Maroc était et reste toujours l’alliée traditionnelle des Etats-Unis et de la France... Ce clivage n’a aujourd’hui plus court et le processus de démocratisation du Maroc enlève toute ambiguïté et argument aux adversaires du Maroc, car les alibis d’hier ne tiennent pas et le Maroc propose avec courage d’aller très loin pour régler les contentieux territoriaux par la politique de la régionalisation dans le cadre de la souveraineté marocaine.
-La stratégie politico-militaire de l’Algérie passe par ses frontières avec le Maroc
Comment aujourd’hui formuler la question de la « sécurité extérieure » et de « la sécurité ou plutôt de l’insécurité intérieure » de l’Algérie? Comment et dans quelle mesure les questions de la sécurité, de la stratégie sont-elles envisagées par la doctrine militaire algérienne ? Quelles sont les stratégies mises en œuvre ? Comment sont-elles articulées, formulées, par le principal acteur concerné: l’Armée Nationale Populaire (APN).
1-La sécurité ou l’insécurité intérieure
L’armée algérienne a acquis un statut historique « légitime » dans l’Etat algérien; l’historien Mohamed Harbi écrivait dans un style ironique que «les Etats ont leur armée, alors que notre armée possède un Etat». L’ANP (Armée Nationale et Populaire ) n’a pas évolué dans son rôle ni dans sa conception du pouvoir et ni dans ses relations avec les institutions dites « civiles » à référence constitutionnelle: la Présidence, le Parlement…. Que ce soit sous la présidence de Houari Boumediene, Chadli Ben Jedid, Mohamed Boudiaf, Liamine Zeroual ou Abdelaziz bouteflika, l’armée demeure la «Colonne vertébrale» du pouvoir algérien.
L’Algérie est l’un des pays de l’Afrique et du monde arabe où l’armée (Armée nationale et populaire, ANP) jouit officiellement de la « légitimité nationale » directement héritée de la lutte de libération nationale (1954-1962). Dans les textes, l’armée était soumise à l’autorité du parti FLN (Front de Libération Nationale) mais dans les faits, les relations entre l’Etat et l’armée étaient beaucoup plus complexes. Pourtant, dès l’indépendance, le dogme de l’identité armée-nation a été gravement écorné, les chefs de l’armée confisquant par un coup d’État la légitimité politique des « pères de la révolution ». Le régime autoritaire de Boumediene (1965-1978) a maintenu l’armée dans une position subordonnée, utilisant les services secrets (la Sécurité militaire, SM), dont plusieurs de ses membres étaient issus du clan d’Oujda, comme principal instrument de son pouvoir en jouant sur les équilibres des conflits entre officiers « anciens maquisards » (ALN) et « déserteurs de l’armée française » (DAF).
Depuis 1965, la Sécurité Militaire est le cœur du pouvoir algérien et le noyau central dirigeant de l’armée. Malgré son changement d’appellation en 1988, les Algériens continuent le plus souvent à la désigner par son acronyme redouté, la « SM ». Dans les années 1980, sous l’égide du colonel Larbi Belkheir, une fraction du « clan des DAF » est parvenue à investir les positions clés au sein de l’armée et de la SM, tout en consolidant ses réseaux de corruption et en instrumentalisant la contestation islamiste naissante. Ayant dû céder à l’opposition une ouverture politique contrôlée (1989-1991), le clan Belkheir, menacé dans ses intérêts économiques par la victoire électorale du Front Islamique du Salut (FIS, décembre 1991), a annulé les élections et déclencha une féroce guerre d’« éradication » de la mouvance islamiste contestataire. Cette guerre transforma l’ANP, ou du moins une partie de celle-ci, en une armée de guerre civile militaro-populiste utilisant la violence et la répression comme principal instrument pour la gestion de la société algérienne. Fière de son caractère «populaire», l’armée algérienne avait souvent évité une confrontation directe au grand jour avec la population. Les émeutes d’Octobre 1988 ont poussé l’armée à incarner le politique comme une légitimité de la souveraineté nationale. Derrière la façade civile du gouvernement, c’est désormais l’ex-SM (devenue DRS) qui constitue le pouvoir nu du pays, une « armée spéciale » qui contrôle l’armée ordinaire pour assurer la pérennité d’une petite caste de privilégiés au pouvoir. Un principe fondamental de la doctrine militaire professionnelle est de reléguer toute identité entre l’armée et le peuple au niveau abstrait de la volonté générale et de réduire l’effet des origines sociales par l’organisation militaire. Une partie de cette logique est de couper les troupes des intérêts civils afin qu’elles acceptent les ordres de leurs officiers sans question.
2-La sécurité extérieure et la doctrine militaire
Avant même que l'affaire du Sahara ne prenne la tournure d'une crise ouverte entre le Maroc et l’Algérie, au début des années soixante-dix, Alger affichait d’une manière claire ses ambitions pour une façade sur l’Atlantique, contenues dans sa « propagande » qu'elle appelait à l’époque « l'expansionnisme chérifien, grave danger pour ses voisins de l'Est et du Sud ».
Les stratèges politico-militaires algériens, depuis l’indépendance, considèrent que la sécurité de l’Algérie passe par ses frontières avec le Maroc, et la région de Tindouf constitue le principal noyau de cette doctrine militaire algérienne. Dans leurs calculs géostratégiques, les dirigeants algériens croient en entretenant les tensions et en créant un conflit au sud du Maroc, ceci pourra briser définitivement les aspirations marocaines au « Grand Maroc », tout en assurant la première place pour l’Algérie à l’intérieur du Maghreb. Depuis la guerre des sables en 1963, avec comme conséquence directe des relations maroco-algériennes tendues, les dirigeants algériens, excepté peut-être Boudiaf (vision algérienne sincère et clairvoyante qui a payé de sa vie) cherchent sans cesse à s’imposer comme le leadership dans le Maghreb, mais de nos jours l’objectif reste très loin.
Avec l’avènement de Bouteflika aux affaires de l’Etat algérien, tout le monde croyait à l’apaisement, tant espéré, des relations maroco-algériennes. L’observateur avéré s’est trompé encore une fois sur l’attitude de l’ancien régime constamment renouvelé par des personnages issus du même appareil étatique. Nul doute sur la personne de Abdelaziz Bouteflika quant à ses connaissances des rouages de la hiérarchie militaire: l’armée et le politique ont renoué de belle dans un mariage inédit qui se prénomme le politico-militaire. Le nouveau locataire du Palais d’Al-Mouradia est un professionnel des équilibres entre le politique et le militaire.
Le modèle politico-militaire turc qui a toujours fasciné certains cercles militaires algériens clairvoyants, par sa capacité à générer un projet de société et sa faculté d’être un partenaire clef dans le système étatique sans la remise en cause de ses structures, semble d’actualité dans l’Algérie d’aujourd’hui. En attendant l’avènement d’un « Atatürk algérien», la stratégie de Bouteflika consiste à jouer sur ces équilibres politico-militaires avec le consentement, bien évidemment, d’une large frange de l’état-major de l’armée algérienne. En attendant le jour où l’armée retournera dans ses casernes, le Président est contraint de maintenir ce statu quo des équilibres internes, et vis-à-vis des supposés rivaux régionaux.
Dans le cadre de ces équilibres politico-militaires est conçue la doctrine militaire algérienne qui découle des objectifs de la politique de sécurité et de l’environnement politico-stratégique, économique et social. La conception d’une doctrine militaire est définie par les principes fondamentaux selon lesquels l’armée ou certaines de ses parties (l’armée des frontières) accomplissent leurs tâches pour atteindre les objectifs nationaux. Ces principes sont déterminants, mais ont besoin pour être concrétisés d’un Etat solide sur le plan intérieur, or c’est loin d’être le cas pour l’Algérie. L’armée des frontières ne cessera d’étendre son influence, s’érigeant en groupe de pression à l’intérieure de l’armée nationale populaire pour sauvegarder essentiellement ses intérêts vitaux.
L'armée algérienne, dont les équipements ont vieilli et les revenus pétroliers sont au plus haut, fait donc baver aujourd'hui les marchands d'armes, et ce d'autant plus que l'embargo « informel » imposé par les occidentaux 1994 sur les ventes d'armes à l’Algérie a été levé progressivement. Avec la guerre civile, l'armée taillée sur le modèle soviétique très lourd a dû opérer une transformation profonde pour devenir une armée de contre-guérilla avec un dispositif plus léger et des petites unités de troupes mobiles. Aujourd’hui comme hier, l’Algérie s’approvisionne en Ukraine, en Russie et en Egypte en véhicules blindés pour le transport de troupes, en hélicoptères légers avec un nouveau partenaire qu’est l’Afrique du Sud et elle puise toujours dans les stocks de l'ex-armée rouge, notamment pour les avions de combat, comme les MIG.
Est-ce que la doctrine militaire et stratégique de l’armée algérienne a évolué depuis l’effondrement du mur de Berlin et surtout depuis la fin de la guerre civile à grande échelle?
Il est évident que la doctrine militaire est un domaine actif qui évolue constamment en fonction de l’environnement de la politique de sécurité et des expériences acquises lors des engagements et des conflits précédents. Dans ce cadre, est ce que la refonte de l’armée opérée par les autorités militaires algériennes peut être interprétée comme une course à l'armement ?
Les avis des spécialistes divergent : certains analystes voient dans ce remodelage de l’armée algérienne une course à l’armement et une volonté tant rêvée de s’imposer par la force militaire en tant que leadership dans le Maghreb, d’autres analystes croient que l'enjeu de l'armée algérienne est de se mettre aujourd'hui au standard de l'OTAN qui lui permettra de gagner la confiance des occidentaux et particulièrement des Etats Unis pour qu’on lui délègue certaines responsabilités de sécurité en Méditerranée du sud et en Afrique. Reste à vérifier si cette nouvelle orientation de l’armée algérienne est suffisamment flexible et adaptée à des standards internationaux, de sorte qu’elle lui offre assez de place pour que la collaboration avec ces nouveaux partenaires « occidentaux » soit possible." ( fin de citation).
C'est pourquoi, depuis quelques mois, des voix s'élèvent au Maroc et non des moindres, celle du parti de l'Istiqlal et de son premier secrétaire et premier ministre Abbas El Fassi pour revendiquer "le Sahara Oriental" du Maroc et redessiner la carte du Maroc dans laquelle la frontière orientale est une ligne droite verticale de sa frontière la plus à l'ouest ( figuig) à sa frontière Nord et Sud.
Les stratèges savent que le Maroc ne lachera pas son Sahara et que l'Algérie ne lachera pas le Maroc. Mais si une guerre malheureuse doit éclater entre le Maroc et le Polisario, le Maroc sait que ce sera entre le Maroc et l'Algérie et elle ne sera pas uniquement dans son Sahara au Sud mais aussi dans son Sahara Oriental et qu'elle impliquera les convoitises de toutes les puissances, ce qui immanquablement embrasera la région.
Alors, la raison est qu'au 21 ème siècle, les voix de recours légitimes, modernes, démocratiques sont le droit international , la négociation et l'union régionale. Pour cela les deux pays sont invités à accélérer le processus de démocratisation et à entamer leur collaboration, même s'il le faut, sous tutelle américaine, seule puissance en mesure de stabiliser, pour son propre intérêt, le Maghreb.