Ce matin, le Tribunal des Prud’hommes de Boulogne valide le licenciement de trois personnes d’une société de service. Pour aller au delà de l’assertion « Facebook est dangereux » (voici un exemple de formulation), voici un article qui s’adresse aux salariés et DRH souhaitant comprendre le problème et surtout s’en protéger !
Pourquoi ces salariés ont-ils été licenciés ?
Les salariés ont été licenciés pour avoir tenu des propos dénigrant leur employeur (je reste vague sur le sujet, les propos n’ayant été ni insultants ni injurieux) sur Facebook. Ces propos ont été lus par un de leur collègue qui les a transmis à sa Direction.
Ce sont là les faits. Maintenant, et cela semble totalement occulté par la presse, il semble impensable qu’une société de service digne de ce nom décide de licencier trois personnes pour des propos tenus (en public ou pas, nous reviendrons sur ce point plus tard). DRH qui lisez ceci, accepteriez-vous de réduire en cendres une procédure de recrutement, la formation de vos salariés, l’entretien de leurs connaissances métier, leur compétence, sur le seul prétexte qu’ils se seraient vantés d’appartenir à (sic) un « club des néfastes » ? Sans compter le risque évident de contestation du licenciement !
Il est donc très probable que ces propos sur Facebook ne furent qu’un prétexte au licenciement et qu’ils ne sont qu’une cause parmi d’autres. Est-ce une cause réelle et sérieuse, là est la question… à laquelle les prud’hommes ont répondu « oui ».
Les propos tenus sur Facebook sont-ils publics ?
Il n’existe aucun précédent, aucune jurisprudence en la matière (cette première réponse des prud’hommes ne fera sans doute pas jurisprudence en l’état). Mais il semblerait logique que le caractère public ou privé d’un statut sur Facebook s’apprécie en fonction de deux critères :
- Le fait que le compte Facebook de l’utilisateur soit « public » (c’est à dire que ses messages sont lisibles par n’importe qui sur Internet ou par n’importe quel utilisateur connecté à Facebook) ou « privé » (dans ce cas, seuls ses « amis » peuvent lire son contenu).
- Dans le cas d’un compte privé, le nombre d’amis du compte. Un compte avec 5 amis aura plus tendance à être considéré comme « privé » qu’un compte disposant de 5000 amis !
Dans le cas de cette affaire, mais là encore il serait souhaitable d’avoir confirmation, les comptes étaient publics, donc les messages étaient lisibles de n’importe quel membre de Facebook. Difficile dans ce cas de prétendre à des messages à caractère privé lorsqu’ils peuvent être lus librement par 450 millions d’usagers !
NumeriCube vous recommande donc de rendre votre compte strictement privé ! Cela prend 1 minute, et l’option est très facilement accessible : Dans le menu « Compte » (en haut à droite), cliquez sur « Paramètres de confidentialité » et choisissez l’option « Amis seulement ». C’est la seule façon de vous prémunir efficacement contre une telle mésaventure.
Faut-il licencier un salarié qui tient des propos injurieux sur Facebook ?
La question renvoie aux causes profondes du licenciement et à la place du salarié dans l’entreprise. Il est certain qu’un salarié a tort de dénigrer, critiquer ou insulter son entreprise sur Facebook. Mais l’entreprise aurait, à son tour, tort de ne pas considérer cette expression de mécontentement comme… une expression de mécontentement.
Le jugement des Prud’hommes est en tous cas un jugement de première instance, susceptible d’appel, et l’issue de cet appel apparait pour l’instant bien incertaine tant le fond du litige peut être sujet à interprétation. Et la parole d’un avocat est, sur ce sujet précis, sujette à caution, puisqu’il n’existe aucune jurisprudence en la matière (voir ci-dessous l’interview de Nicolas Sauvage).
Enfin, du point de vue de la gestion de la communication, une sanction définitive est un risque de publicité négative énorme. Considérez le cas d’Alten, qui se voit brocarder sur Internet à cause de cette attitude… Si au lieu de cela les salariés avaient été convoqués, sanctionnés avec plus de clémence (avertissement, mise à pied, …) en contrepartie du retrait de leurs propos sur Facebook (c’est facile, rapide et définitif de supprimer un post sur Facebook, même si d’une certaine façon le mal est déjà fait), l’affaire n’aurait pas « bénéficié » de la même publicité.
Comment surveiller ce que dises ses salariés (ou d’autres !) sur Facebook ?
Une entreprise, et sa section Ressources Humaines en particulier a tout intérêt à suivre les propos tenus par les salariés au sujet de l’entreprise. Pas seulement sur Facebook, mais aussi sur d’autres réseaux publics (twitter, par exemple). Il s’agit là d’une activité de veille d’e-réputation, c’est à dire de surveillance de la « réputation électronique » de votre entreprise.
De nombreux outils existent pour faciliter ce travail, le premier d’entre eux étant Google Alertes. Vous saisissez tout simplement le nom de votre entreprise (ou les termes à surveiller), et vous recevrez chaque jour un mail si de nouvelles pages la concernant sont trouvées par Google. Cette recherche n’inclut pas les pages Facebook.
Pour Facebook, le meilleur moyen de surveiller ce qui se dit est… d’y participer. C’est à dire de vous inscrire à Facebook, ouvertement, et de vous faire « amis » avec vos collègues de travail. En tant que DRH, votre participation professionnelle sur Facebook présente deux avantages très concrets :
- d’une part, cela vous permet, donc, de suivre ce que vos salariés expriment sur Facebook ; sans parler des injures, vous pouvez ainsi y détecter des problèmes plus personnels (dépression, perte familiale, …), un malaise non exprimé dans la société (inquiétudes sur la santé financière de la société, rancoeurs sur tel ou tel sujet) qui vous permettent éventuellement de communiquer, au sein de l’entreprise, pour apaiser ces sujets ;
- d’autre part, la présence d’un membre de la direction sur Facebook, même s’il n’est pas « amis » avec l’intégralité du personnel — ce qui aurait peu de sens — permet tout simplement d’éviter que des propos injurieux n’apparaissent ! Un salarié réfléchirait sans doute à deux fois avant de critiquer son patron s’il sait que celui-ci est présent sur Facebook et peut le lire.
Pour aller plus loin
Peu de ressources existent actuellement en France sur les liens entre RH et Réseaux Sociaux.
Néanmoins, quelques unes peuvent valoir un coup d’oeil attentif :
Une excellente présentation d’un avocat (Nicolas Sauvage) sur le lien RH / Réseaux Sociaux. Son intervention commence à la 120ème minute de la vidéo (n’hésitez pas à accélérer le début), je vous la recommande chaudement !
Aller voir le site
Dans cette vidéo est mentionné un White Paper du cabinet Reed Smith. Ce document, qui mentionne de nombreux aspects juridiques des réseaux sociaux. Attention, c’est un document anglo-saxon et donc orienté droit anglo-saxon, fort différent du droit français en particulier pour les affaires. Le droit anglo-saxon est nettement plus centré autour de la notion de contrat que le droit français, plus orienté code/loi/réglement.