Maîtresse du tempo, Martine Aubry refuse catégoriquement de donner suite à la demande de modification du calendrier approuvé par les militants en 2009 qui prévoit un dépôt des candidatures en juin et un scrutin en octobre, après les élections sénatoriales. Dés le départ, François Hollande a critiqué une désignation trop tardive.
A la suite du coup d’accélérateur élyséen, son analyse est aujourd’hui partagée, par des personnalités diverses telles Manuel Valls, Ségolène Royal et Jean-Marc Ayrault. Même Benoît Hamon a déclaré ne pas y être hostile avant d’être rappelé à l’ordre par la direction du PS.
La Première secrétaire considère qu’avancer l’échéance reviendrait à exclure de la compétition DSK. Mercredi soir sur TF1, elle a clairement fermé la porte à toute modification. “Aujourd’hui, il n’y a pas vraiment de raison de changer les choses“, a déclaré Martine Aubry, estimant que, “ce qui m’importe c’est qu’on soit en état de marche en 2012“.
Une position cohérente pour la Maire de Lille qui s’est toujours refusée à se plier au temps médiatique et au métronome élyséen. Il en résulte souvent une impression de décalage voire d’absence de la patronne des socialistes dans le débat public. Une stratégie qui amène à s’interroger pour savoir si Martine Aubry vit avec son époque ou si elle est restée dans des schémas des années 80. Qu’elle le veuille pourtant ou non, les présidentielles sont devenues un affrontement essentiellement médiatique dans lequel le face à face des personnalités compte autant que le choc des idées.
De toute évidence, les raisons techniques avancées pour justifier le status quo au niveau du calendrier ne sont pas les vrais motifs. Olivier Ferrand, qui s’était rendu avec Arnaud Montebourg aux États-Unis pour observer et importer le concept de primaires affirme qu’il est “politiquement aberrant et techniquement impossible” de changer le calendrier en raison de la lourde logistique nécessaire à la mise en place du déroulement de ces primaires. Le président de la fondation Terra Nova reconnaît toutefois qu’à l’issue de celles-ci le PS sera dans les temps mais pas en avance.
La principale explication réside dans le pas de deux de Martine Aubry et de DSK qui, se tenant par la barbichette, jouent à celui qui dévoilera ses intentions, d’y aller ou pas, au plus tard. En donnant la priorité à l’élaboration du projet formalisé, Martine Aubry cherche à gagner du temps.
La vraie question est de savoir ce que veut la fille de Jacques Delors et si oui ou non elle souhaite porter les couleurs de son camp lors des présidentielles. Les mauvaises langues avancent que les chiens ne font pas des chats et que décidément, dans cette famille, on hésite beaucoup pour finalement jeter le gant.
L’argument avancé selon lequel le match Aubry-Sarkozy ce serait un peu une adaptation moderne de la fable du lièvre et de la tortue est peu convaincante. C’est en tout cas le sentiment de Jean-Marc Ayrault.
Lors d’un déjeuner de presse le président du groupe socialiste à l’assemblée nationale a précisé pourquoi il lui semblait indispensable de bousculer les échéances socialistes. “Le déclic pour moi, ça a été le mouvement des retraites, explique-t-il. “Dans la rue, même si les gens se doutaient qu’on n’allait pas forcément gagner, ils nous ont reconnu comme légitimes dans notre rôle d’opposant. Mais ils avaient une question qui revenait sans cesse: “Qu’est-ce que vous faites?“
Le chef de file des députés socialistes craint de voir son parti tourner en rond et souligne que “Si Dominique veut vraiment être candidat, il ne peut pas attendre septembre 2011 pour se déclarer. Personne ne le peut“.
Une observation qui vaut également pour Martine Aubry qui avance un peu vite que “tous ceux qui nous poussent à anticiper la campagne le font par calcul personnel, parfois peut-être un peu par fébrilité“. L’inverse ne serait-il pas également vrai ?
Obnubilés par leurs avenirs personnels les dirigeants socialistes oublient l’essentiel : il y a le feu au lac socialiste. Même sujet à caution le dernier sondage Harris Interactive pour Marianne souligne la faiblesse du socle socialiste au premier tour des présidentielles avec seulement 20 % d’intentions de vote. Une telle faiblesse à l’issue d’un mouvement social d’ampleur devrait pourtant réveiller la hantise de voir le PS absent du second tour.
Partager et découvrir