Je parlais d'envie ce soir, finalement plus de désir, ce nécessaire moteur à l'évolution personnelle quand, finalement, une question me vint. Accepter sa condition d'homme ne revient-il pas finalement à perdre l'emprise que ne pouvons avoir sur les choses qui nous entourent ou les croyances que nous avons à ce sujet, ne finit-on pas par se priver de désir, du désir de changer notre condition ? Je poursuivais mon raisonnement sur mon cyclomoteur, écoutant la résonance de ma réflexion à travers mon expérience personnelle.
Tout au plus pourra-ton dire à mon sujet, qu'il faut parfois lutter avec acharnement et contre son gré pour simplement exister, au sens latin du terme “ex(s)itere” pour “sortir de” ou “se manifester”. A ne pas vouloir jouer à ce petit jeu là on finit par accepter tout et n'importe quoi, laissant finalement le soin à autrui de définir son espace vital et sa propre condition, voire sa réduction. Qui n'a pas eu à subir la gêne d'un voisin trop bruyant ou d'un collègue carriériste ?
Avoir le désir d'être tout simplement est sans doute le symptôme de ce sentiment d'accomplissement que nous cherchons tous à atteindre. Sentiment que la société nous donne à voir, à sentir à travers des messages implicites comme “le bonheur à portée de main” ou “faîtes de vos rêves une réalité” et qu'elle reprend aussitôt en nous faisant replonger dans notre réalité quotidienne qui n'est pas forcément folichonne.
Il faudrait peut-être alors d'abord accepter d'être avant de vouloir s'accomplir et de changer notre condition mais ne finit-on pas alors par accepter le “petit”, “l'insignifiant”, et se contenter de ce que l'on nous donne au mépris, peut-être de notre désir ? Parce-que si je me mets à désirer quelque chose, je ne vais peut-être pas l'avoir ou bien une fois que je l'aurai, je pourrais peut-être perdre cet “objet” désiré ? Le désir renvoie irrémédiablement à son double négatif : l'insatisfaction. Accepter et ne rien désirer c'est résoudre le problème de l'insatisfaction : je me satisfais de tout puisque je ne désire rien.
Pour autant, et Malraux le résume très bien dans son roman “la condition humaine”, l'homme sait qu'il ne pourra jamais avoir tout ce qu'il désire (dans l'accomplissement, le partage) tout en ayant la certitude qu'il peut, peut-être, triompher de son destin et y arriver quand même.
La voie médiane serait alors de trouver à satisfaire son désir dans le “petit-à-petit l'oiseau fait son nid” encore faut-il trouver l'essence pour s'accomplir dans les “petites choses” qui mènent aux grandes et ne pas avoir peur de trébucher sur les marches de nos désirs ?
(à bien y réfléchir, épicuriens, stoïciens et ascètes s'empoignent sur les mêmes questions depuis des lustres)