Bon à vrai dire je ne sais plus trop où je m'étais arrêté mais tant pis.Le premier fait marquant, qui servira ici de transition, sont les élections ici au Brésil. Plus particulièrement à Belem.Pierre et Laure ont la chance d'habiter un immeuble idéalement situé sur la Doca, grande avenue percée d'un canal central où se déversent des eaux aux parfums chaleureux. Ce boulevard dessert, à la manière d'un poulpe (Gad Elmaleh ©), pas mal des quartiers centraux de Belem. Là où ça devient intéressant c'est que c'est au précisément au pied de l'immeuble où nous habitons que se réunissent les partisans d'un des candidats au poste de gouverneur local : Jatene.
Tous vêtus de jaune on pourrait croire qu'ils sont tous fans du tour de France ou que c'est une secte qui voue un culte au taxi de Oui-Oui. Mais il n'en est rien. Ces gens sont pour la plupart payés pour faire la propagande du candidat.Et quoi de mieux pour faire la propagande que de diffuser de la musique ? Mais je ne parle pas de n'importe quelle musique, je parle bien sur de la Brega (la fameuse !). Pour ceux qui seraient arrivés en cours de route c'est une espèce de musique électronique au rythme saccadé genre reggaeton, mais avec une voix digitalisée et vraiment nasillarde. Bref dégueulasse.Et quoi de mieux encore que de faire une propagande musicale, mais avec UNE SEULE musique ? Genre un jingle de 45 secondes qui tourne en boucle d'environ 18h à 23h voire plus tard dans la nuit certains soirs...
Les premiers jours mes oreilles profanes n'ont pas cerné toute l'étendue lobotomisante de cette douce mélodie, mais au bout d'une semaine vous avez la chanson dans la tête matin, midi et soir. Et le volume sonore est assourdissant. La nuit vous avez le choix entre crever de chaud ou entendre cette musique pourrie. Inutile de dire qu'on a branché les ventilateurs.
Bon venons en au fait. Les élections opposaient pour la ville de Belem, Jatene le jaune contre Anna Julia la rouge. Cette dernière était gouverneur sortant, d'après Pierre, une piètre élue, qui s'en est mis plein les poches au cours de son mandat (mais est-ce vraiment étonnant pour un politique au Brésil ?).
Et au niveau national, on avait droit à l'opposition Dilma (PT - parti de Lula, président sortant, et également parti d'Anna Julia - les rouges quoi) contre Serra (candidat de l'opposition - partis divers - dont le PSDB, les jaunes).Les sondages donnaient Jatene large vainqueur à Belem, et Dilma large vainqueur au Brésil. Quoi qu'il arrive, à priori tout le monde ferait la fête le soir des résultats.Et ça n'a pas loupé, Dilma a été élue et Jatene aussi.
Le soir des résultats on a tenté une escapade sur la Doca, où une marée jaune avait envahi la rue. J'avais joué les têtes brulées en emportant mon appareil et j'ai pu prendre quelques clichés. (pas d'une qualité technique sensationnelle, beaucoup de flou, peu de lumière, et il a fallu être rapide pour éviter d'attirer les convoitises...)
En 15 minutes nous avons atteint un cul de sac humain, impossible d'avancer plus à travers une foule épaisse d'hommes en jaune. Dans ce laps de temps Pierre a eu le temps de se faire délester de son téléphone, on a donc choisi de rapidement rebrousser chemin.
Voila, nous avons par la suite pu dormir plus sereinement.
Pour la suite pas grand chose à signaler à Belem, la suite de mon séjour ici s'est continué par un interlude à Marajo, comme annoncé dans le précédent post. Marajo, une ile grande comme la Suisse, qui marque mon retour au transport par bateau, chose qui m'avait bien évidemment beaucoup manqué depuis mon voyage à Bailique.Mais cette fois-ci la phase "je tangue tellement que tout le monde crie de peur qu'on se retourne" n'a durée qu'une heure, et j'ai réussi à dormir pendant la moitié du temps. L'aller a donc été relativement rapide. Arrivée à la pousada Canto do Frances (tenue par un français, bizarre hein) une heure plus tard avec une grosse envie de sieste. Quand même. Il faut dire que j'étais levé depuis 5h30, que je suis arrivé sur l'ile à 9h30, qu'ensuite j'ai fait presque 1h30 de bus pour arrivé à Souré, la ville principale. Bref j'étais vraiment crevé et j'ai pas fait grand chose de rare de ma première journée, à part une brève balade en ville (très jolie au demeurant).Le lendemain, visite en moto/à pied d'une fazenda (sorte de grande exploitation d'élevage d'animaux) pour voir les fameux buffles, ibis rouges, caïmans, caïpivaras, chevaux, rapaces et vautours divers, paresseux, perroquets... Un anaconda également, mais de loin, quand même. Assez impressionnant, des paysages magnifiques, des animaux partout, un calme général et apaisant.L'après midi, sieste. Le soir je déguste une pièce de buffle cuisinée par le maître de maison, avec des frites maison. un REGAL. Sans doute la meilleur viande que j'ai mangé depuis que je suis capable de m'en souvenir. Le lendemain, farniente à la plage, ma première rencontre avec du sable brésilien d'ailleurs, que je vais côtoyer plus chaleureusement dans les semaines qui viennent avec ma descente du littoral atlantique. Une plage magnifique, ma première rencontre avec une -jolie- brésilienne en string également. Je sais, les stéréotypes vont bon train, mais ça fait quand même son petit effet, je vous assure. Je me soule à la bière une bonne partie de l'après midi, prends quelques photos et rentre.Le soir je tente d'aller manger dans un restaurant que recommande le guide du routard. Le reste de la soirée est racontée à vif telle que je l'ai écrit dans mon carnet le soir même.
Marajo - 14/11/2010 - 23h11 - à la pousada
" J'ai fait ce soir l'une de ces rencontres fortuites qui vous laisse de beaux souvenirs dans la tête. De celles qui vous laissent à penser que le karma (Genevieve Simon ©), la chance, l'hospitalité, le partage, ne sont pas juste des mots qu'on trouve à divers endroits du petit Robert. Non, car la rencontre de ce soir est de celles que l'on provoque. De celles qui, quand vous avez l'impression que la nostalgie, le confort ou la routine vous font stagner, voire régresser, celles là vous donnent le coup de fouet pour repartir. Comme pour vous prouver une fois de plus que c'est possible.
Venons en au fait. Je suis à Marajo, 19h30, j'ai faim. J'ai très mal dormi la veille, pas réveillé pour le petit dej, pas plus pour le grand dej. Bref j'ai la maxi dalle. Je ne m'y suis pas pris assez tôt pour demander à Thierry, proprio français de la pousada (et ex photographe de pub, décidément c'est la diaspora ici...), de me préparer un morceau de buffle que j'ai eu l'occasion de manger la veille.
Pour résumer, si je veux manger, il faut que j'aille trouver un resto parmi les rues en terre battue et quasi sans éclairages de Soure. Ce qui en soit n'est pas forcément difficile. Seulement quand ladite ville est remplie de semi-fanatiques religieux préparant le Cirio à coup de pétards surement importés, vu leur taille, d'une ex république soviétique.Donc c'est la guerre, et dans cette guerre, moi je suis le petit blanc qui veut un bout de viande.
J'ai la brillante idée de recopier l'adresse du seul resto de la ville recommandé par le Routard. La mission est donc de trouver une moto taxi pour m'y rendre.Je traverse donc la moitié de la ville, trouve une moto taxi, me fait déposer au resto, qui, pour la seule fois de l'année est réservé en totalité par les membres d'une église évangéliste locale, que la bienséance m'empêchera d'appeler secte.On rebrousse donc chemin et le taxi m'emmène à un resto à l'opposé exact de ma pousada, genre paumé. Je commande mon steak de buffle bien mérité. Je le demande "muito mal pasado" (littéralement très pas cuit), et on me sert un résidu de moquette carbonisé. Mais j'ai trop faim et 30 minutes plus tard me voila reparti.
J'ai la flemme de retraverser la ville pour trouver un taxi et choisit donc de rentrer à pied. Grand bien m'en a pris puisque au détour d'une rue, une façade kitshissime aux allures de tract de propagande catholique (mais en mur) m'attire le regard. Mais ce n'est pas un relent soudain de foi qui s'est emparé de moi, c'est juste que devant, il y a deux vieux qui jouent de la guitare. Il y a une photo à prendre me dis-je. Sauf que je me dis ça 200 fois par jour et que j'en prends 2 dans le meilleur des cas.Sauf que là, touché par la grâce (ou la graisse, du steak, je ne sais pas), j'y vais, demande à la femme qui se tient à leurs côtés si je peux prendre une photo. Elle répond oui, tout sourire. La photo est prise, j'en prends même plusieurs, je fais le dingue.
Une conversation s'entame en portugais. J'envoie mes meilleurs conjugaisons et ça fait mouche, on m'invite à m'asseoir.S'en suivent 1h30 de musique brésilienne, chantée et jouée à la guitare par les deux vieux, qui devaient avoir 150 ans à eux deux.Je participe tant bien que mal quand on me tend la guitare. D'autres gens rejoignent l'assemblée, les femmes dansent, les hommes chantent et jouent. On me sert des bières sans que je n'ai rien à demander, on me ressert même quand je dis non.La pluie interrompt finalement notre petit concert, l'occasion pour moi de plier bagage. Un des deux hommes me propose de me raccompagner et les propriétaires de la maison m'invite à y revenir dès que possible.
Sur le chemin du retour, je complimente l'homme sur sa voix et son jeu à la guitare. Il me renvoie poliment les éloges.Arrivés devant la pousada, nous nous donnons l'accolade sous les yeux de Jedilson, le guide qui m'a emmené à la fazenda la veille.Une fois rentrés, il me dit : "- Ah, l'homme qui t'a raccompagné tu le connais ? - Non. - Et ben c'est le compositeur le plus connu de Marajo. "Bref si le hasard existe, lui et moi avons du être bons amis dans une vie antérieure. "
Voila donc. Le lendemain matin, le Cirio se déroule sous une énorme averse qui durera toute la matinée, impossible donc de prendre des photos, malheureusement. Mais c'est très impressionnant, les gens avaient tous décorés les façades de leurs maisons pour l'occasion (allant de la banderole type manifestation à la composition florale incroyable) et malgré la pluie ça restera un grand souvenir.
Le bateau pour Belem est à 15h, Thierry me conseille de ne pas attendre le bac qui fait la traversée Soure/Salvaterra (Soure est de l'autre coté d'un fleuve, qu'il faut traverser pour revenir au port d'où partent les bateaux pour le continent), puisqu'avec le Cirio il risque d'être plein à craquer et les places dans le bus au débarquement risquent d'êtres prises d'assaut. Il me conseille donc de prendre une petite barque à moteur et de traverser le fleuve avant le départ du bac.Grossière erreur. Je me plante de barque, elle ne va pas au débarcadère ou attendent les bus pour le port. Pire encore, elle part au final après le bac, qui est au final presque vide. La double arnaque. Je me sens très con, à ce moment là.Et je me dis surtout que vu l'horaire il y a des chances pour que je loupe mon bateau si je ne trouve pas un bus ou un taxi rapidement.
Je débarque donc à Salvaterra même, qui à cette heure là est désespérément vide. Je marche, demande comme je peux aux quelques passants où est-ce que passent les bus, personne ne me répond la même chose, je commence à paniquer, un peu.Finalement après 15 minutes de déambulation je finis par tomber sur un relai taxi, un mec accepte de m'amener au port pour 40 reals (après négociations, le bandit avait du voir mon incroyable teint blanc de touriste lambda). C'est cher mais je n'ai pas le temps de jouer au con à attendre un hypothétique bus.
Je monte dans une épave, pardon une voiture. Le mec verrouille les portes 5 min après le départ. Je me demande si ça ne sentirait pas la grosse quenelle des familles. Je scrute le moindre panneau pour vérifier qu'on est sur la bonne route, étant donné qu'on ne croise aucune voiture dans un sens ni dans l'autre, ni tous les fameux bus qui devaient attendre le bac. La pression monte et au bout d'un moment, on passe devant un panneau qui me confirme qu'on va bien à Camara, le port. Soulagement.J'arrive finalement 20 minutes avant le départ du bateau, coup de maître.
Le retour sera beaucoup plus calme et stable que l'aller, le bateau étant plus massif et plus moderne. J'ai même eu l'occasion de m'assoupir devant un match de foot. Grand luxe.Retour sur Belem et reprise de la vie normale. Je fais face en ce moment à une grosse phase nostalgique qui met relativement du temps à passer et c'est assez perturbant puisque je n'avais pas ressenti ça depuis ma première semaine difficile à Macapa. Mais je m'accroche et me dit que comme tout le reste, ça finira par passer.Mon départ est prévu pour la semaine prochaine, direction São Luis de Maranhão et le parc national des Lençois, apparemment fabuleux.