A l’heure des buzz internet (Paranormal Activity), des petits budgets (District 9) et des monstres extraterrestres en nouvelles métaphores politiques (Cloverfield), Monsters, œuvre britannique d’un illustre inconnu, sort de nulle part et inscrit sa SF contemplative au Nouveau-Mexique, quelque part entre l’errance poétique d’un Malick, la lecture écolo d’un Miyazaki et la vision post-apocalyptique d’un Hillcoat (The Road). Eparpillé mais maîtrisé, mélancolique et séduisant, le récit de ce photographe (Scoot McNairy) devant escorter une jeune femme (Whitney Able) dans les ruines d’un monde détruit et malade, prend plusieurs formes : road movie méditatif et aérien, drame humain puissant, vive critique politique sous-jacente. Gareth Edwards préfère l’observation minutieuse aux grands discours, la tristesse assumée à l’agressivité habituelle du genre. Ainsi, son film- qui partage avec le District 9 de Blomkamp un sévère dégoût pour les autorités - cache sous sa douceur apparente, pires monstres que les bébêtes alien : l’Humain, et le comportement déplorable des armées et gouvernements face à une population sinistrée. Soit un mur infranchissable qui rappelle le problème de l’immigration aux Etats-Unis, soit une nature dévastée et toute puissante qui évoque clairement les ravages de l’ouragan Katrina. Soit, aussi, la création d’un tout nouveau genre cinématographique : la parabole fantastique- intelligente et novatrice- sur des sujets majeurs contemporains, la ségrégation en Afrique du Sud pour le premier ; la situation des populations sinistrées (Nouvelle-Orléans) et/ou pauvres (Mexique) pour le second. A la lecture des actualités, et des catastrophes que vivent aujourd’hui des pays comme l’Indonésie, Haïti ou le Viet Nam, le film de Gareth Edwards possède une résonnance toute particulière, en rappel à l’ordre soucieux, sombre, désespéré. Saupoudré d’un rapprochement semi amoureux entre les héros, ultime issue de secours dans l’univers poussiéreux de la "zone infectée " et avant les œillères confortables qu’implique un retour "chez soi", Monsters (ou l’esthétisme de l’horreur) est un film fort, aux pleurs silencieux et à la noirceur éclatante, qui chuchote à l’oreille les mots les plus durs à entendre- faussement calme, et, affreusement beau.
sortie France: 1er décembre 2010.