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Quand l’Etat se mêle d’industrie…

Publié le 18 novembre 2010 par Lecriducontribuable
Train à grande vitesse (TGV)

La politique industrielle, fierté de la France, a été en réalité un échec, dénonce l’économiste Jean-Pierre Chamoux. Démonstration.

La politique industrielle sert-elle à quelque chose ? C’est la question que s’est posée Jean-Pierre Chamoux, professeur à l’université Paris-Descartes, lors d’un séminaire organisé par l’institut Turgot, au mois d’octobre à Paris.

Pour y répondre, un détour par l’histoire s’impose. La politique industrielle, en France, est une tradition quadricentenaire. Qu’on songe aux arsenaux de Richelieu ou à la fondation de Saint-Gobain par Colbert. Le mouvement se poursuivra au XVIIIe siècle et s’accentuera au XIXe avec les forges, le télégraphe ou les chemins de fer. Dès cette époque on voit se dégager plusieurs caractéristiques spécifiques de cette politique à la française : d’une part le quadrillage du territoire, et d’autre part le fait que les programmes qu’elle met en route sont fondés par des grands corps d’ingénieurs très bien formés et très bien rémunérés : polytechniciens, ingénieurs des ponts, des mines, et plus tard des télécommunications.

Plus près de nous, depuis 1945, quelle forme a prise la politique industrielle ? On peut la diviser en trois phases, estime Jean-Pierre Chamoux. La première (1944-1974), a lieu durant ce que Jean Fourastié a appelé les « trente glorieuses ». On peut citer le plan hydraulique, financé par les emprunts publics. Avec ce « plan » comme avec tous les autres (le plan Calcul…), la technocratie entend lutter contre le hasard et les aléas de la vie.

Deuxième phase : 1975–1986. C’est l’ère du volontarisme industriel, avec notamment les nationalisations de 1982. L’Etat est là pour piloter l’économie française.

La troisième phase, qui démarre en 1986 et qui se prolonge de nos jours, est plus floue. On y trouve des éléments libéraux, au premier rang desquels les privatisations lancées par le gouvernement Chirac (1986–1988), mais la volonté d’intervenir est toujours présente au sommet de l’Etat. Le commissariat au plan a disparu, il a été remplacé par le Centre d’analyse stratégique…

Cette politique industrielle, globalement, a échoué. Prenons quelques exemples.

Le TGV est un succès dit-on. L’idée est à nuancer : tout a été fait pour le transport des passagers. Le fret a été totalement sacrifié. Aux Pays-Bas, le parti pris a été exactement inverse : « Si Rotterdam et Anvers sont des ports aussi dynamiques, c’est grâce aux trains de marchandise en provenance d’Allemagne », remarque Jean-Pierre Chamoux. Autre exemple : la modernisation du réseau téléphonique durant les années Giscard. Elle est indiscutable. Mais ceux qui la portent aux nues oublient que si le rattrapage était à ce point nécessaire, c’est en raison du niveau extrêmement bas dont nous partions ; 80 % des communes n’avait pas l’automatique en 1974, c’était l’époque du « 22 à Asnières ». Situation due à la politique industrielle précédente !

Les raisons de ces échecs ? Jean-Pierre Chamoux en voit principalement deux. La première est le décalage entre le temps politique, qui est un temps court, rythmé par les élections (c’est le « stop and go », la gestion à court terme), marqué par l’exigence de résultats immédiats, et le temps industriel qui est nécessairement un temps long. La politique industrielle est d’abord victime de cette insurmontable contradiction.

Ensuite elle est victime du temps administratif… qui est long lui aussi. Cette idée n’est pas contradictoire avec la précédente. « L’administration française est honnête et scrupuleuse, argumente Jean-Pierre Chamoux. Toute opération impliquant des marchés publics mobilise des corps de contrôle, d’inspection et de vérification, dont l’intervention mobilise tant l’attribution des crédits que leur liquidation ; les procédures sont publiques, et très longues. Alors que les entreprises privées sont par nature plus réactives que les administrations, et elles agissent de façon secrète. C’est un double avantage ».

« Que faudrait-il alors, pour plus d’industrie ? » s’est demandé l’orateur en conclusion. Réponse : « Plus d’air et moins de contrainte ! »

Charles-Henri d’Andigné

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