Un peu d'humour ne peut pas faire de mal et Reynald Harlaut est expert en la matière :
« Lundi soir, le conseil municipal, c’était « Au théâtre ce soir ». Et les spectateurs se pressaient au poulailler. Il faut dire que la soirée avait démarré très fort. Une haie d’honneur formée de porteurs d’eau brandissait au passage des élus des bouteilles sur lesquelles les étiquettes disaient : « Ma facture d’eau est imbuvable », « L’eau n’est pas une marchandise », « L’accès à l’eau est un droit pour tous », etc.
Les trois coups n’étaient pas encore frappés que la tension était déjà palpable.
À peine Olivier Aubert prit-il la parole dans le rôle du dindon de la farce que l’Écrêté de la rue au Coq, se dressant sur ses ergots, souleva les bras comme s’il battait des ailes et lui vola dans les plumes, pour commencer d’assouvir sa colère. Il avait eu l’imprudence, à propos de la Villa Calderon, d’avancer des chiffres qui mêlaient choux et navets. Cocorico de l’Écrêté, affirmant que Louviers était la première ville culturelle de l’Eure. Autour de lui, la basse-cour caquetait d’aise en picorant, la tête dans sa mangeoire.
Cet encouragement lui donna hélas trop d’élan. Clamant alors publiquement « qu’il n’était ni à droite ni à gauche, mais de la Gauche moderne » – celle qui s’allie à l’UMP – il bascula enfin de son perchoir et perdit le peu qui lui restait de son label rouge – souvenir d’un temps très lointain où il se disait maoïste – label depuis fort longtemps usurpé dans d’incertains marais centristes.
Très prudente et bien organisée, l’opposition de gauche n’avait pas mis tous ses œufs dans le même panier. Quand arriva l’examen du rapport annuel sur les services publics délégués : l’élimination des déchets, l’eau, l’assainissement, les transports, elle se partagea fort bien la tâche. Ce qui mit hors de lui l’Écrêté. Défendant bec et ongles la délégation exclusive à Veolia de ces services, en particulier de celui de l’eau, il n’hésita pas à multiplier contre-vérités et insultes à son égard comme à celui du public présent. Il crut même pouvoir se prévaloir de la volaille qui fait l’opinion pour justifier l’injustifiable : une association pour l’information et la médiation à caractère de service public, financée par le contribuable et dont le président n’est autre que l’un des cadres de Veolia.
Depuis trop longtemps élevé au grain, l’Écrêté ne supporte plus la moindre contradiction et moins encore — comme lorsqu’il fut mis en échec aux cantonales de 2008 — qu’on le prive de son blé, du moins de celui qu’il pense être naturellement le sien. Avec ses presque 10 000 euros par mois d’indemnités diverses, l’Écrêté de la rue au Coq a enfin trouvé sa poule aux œufs d’or. Et, curiosité de la nature, c’est lui qui les couve jalousement.
Reynald Harlaut