Magazine Cinéma
Théâtre de La Michodière
4bis, rue de La Michodière
75002 Paris
Tel : 01 47 42 95 22
Métro : Quatre-septembre
Une pièce de Derek Benfield
Adaptée par Stewart Vaughan et Jean-Christophe Barc
Mise en scène par Jean-luc Moreau
Décor de Charlie Mangel
Costumes de Juliette Chanaud
Avec Arthur Jugnot, Garnier & Sentou, Mathilde Penin, Juliette Meyniac
Ma note : 7/10
L’histoire : Qu’une femme et son amant se donnent rendez-vous dans un hôtel perdu aux abords de Paris… n’a rien d’extraordinaire.
Qu’un homme et sa maîtresse se retrouvent dans ce même hôtel désuet… relève de la coïncidence.
Mais lorsque la discrétion de nos quatre infidèles, leur tranquillité, leur confort et plus encore, viennent à dépendre entièrement du maître des lieux… ça devient franchement loufoque !
Car, pour le plus grand bonheur de son portefeuille, notre hôte, plus margoulin que gérant suppléant, découvre que nos deux couples illégitimes ont, chacun, un secret à cacher…
Mon avis : L’idée de partager la scène en deux pour nous permettre de suivre les événements qui vont se produire dans deux des chambres – la bleue et la verte - de ce petit hôtel est aussi judicieuse qu’efficace. Devant l’excitation des deux messieurs qui les occupent respectivement, on se doute que les rendez-vous pris fleurent bon l’illégitimité. Pendant ce temps, à l’accueil, on peut déjà prendre la mesure de la mentalité du gérant. Dire qu’il considère sa tâche avec désinvolture est un doux euphémisme. Il n’y a plus grand-chose qui fonctionne normalement dans l’établissement, mais c’est le cadet de ses soucis. Il assure un intérim pour rendre service, moins il en aura à faire, mieux ce sera.
Jusqu’au moment où les deux partenaires de ces messieurs débarquent en ordre dispersé. Dans le genre écervelées, elles se posent un peu là. Ou plutôt, elles ne se posent pas. Elles n’en auront guère le temps. A la fois émoustillées et gênées de donner un premier coup de canif dans le contrat de mariage, elles n’osent pas trop se lâcher. Tous les protagonistes de la putative double coucherie adultérine se trouvant donc réunis, notre paisible hôtel francilien va se retrouver à l’épicentre d’un véritable cataclysme.
Pris dans l’œil du cyclone, notre gérant va tenter de s’extirper d’un maelström de situations toutes plus délicates à gérer les unes que les autres. Pire encore, elles vont aller en s’amplifiant jusqu’à devenir paroxystiques. Mais comme notre homme est très vénal, il va faire son maximum pour que, moyennement finances, ça ne tourne pas au drame… Ce qui, au départ, ne devait se résumer qu’à deux parties fines vire brutalement à la partie de chasse. Notre auberge devient le cadre d’un chassé-croisé frénétique dans lequel chacun tente désespérément de sauver la face. Ce n’est plus du boulevard, c’est une autoroute à quatre voies sans limitation de vitesse où tous les excès sont permis. Quant au gérant, de plus en plus dépassé, il va quand même tenter tant bien que mal de réguler la bonne circulation sur ses terres de quatre bolides incontrôlables.
Sur le plan de l’écriture, ce n’est certes pas la pièce de l’année, mais sur le plan du rythme et de l’énergie dépensée, elle n’est sans doute pas loin d’être la plus trépidante. Il n’y a pas une seconde de répit. On se demande sans cesse par quels nouveaux mensonges et astuces les auteurs de cette pantalonnade vont sortir leurs personnages de situations de plus en plus rocambolesques… En fait, A deux lits du délit est un véritable dessin animé. Tout y est plus rapide, carrément sur-multiplié. Les portes ne cessent de s’ouvrir et de se fermer, les lits se transforment en trampolines propices aux roulés-boulés et autres cascades, ça s’agite, ça saute, ça court, ça crie… Inutile de chercher à se raccrocher à quelque chose qui soit quelque peu réaliste. De toute façon, on s’en moque. C’est comme ces jeux en forme de pièce montée auxquels on essaie de toujours ajouter un élément. On voit que ça branle dangereusement, que ça menace de s’écrouler d’un instant à l’autre, mais on continue d’en rajouter.
Les quelques réticences vis-à-vis de certaines facilités textuelles sont bien vite balayées par la tornade qui chamboule tout dans cet hôtel en folie. Les cinq comédiens, Arthur Jugnot en tête, font preuve d’une incroyable générosité. Physiquement, cette pièce est un véritable décathlon. Ils doivent tous perdre quelques centaines de grammes par séance. Même si j’émets quelques réserves quant au jeu un tantinet excessif que le metteur en scène a imposé à Mathilde Penin (elle en fait quand même des tonnes dans les attitudes et dans les gestes), on ne peut que saluer la quintuple performance accomplie. C’est une des pièces les plus toniques, extravagantes et tonitruantes qu’il m’ait été donné de voir… je vous l’ai dit : on est dans notre fauteuil et on assiste, totalement fasciné, à un cartoon joué à un rythme invraisemblable par des êtres humains. Et si « délit » il y a, ce ne peut être qu’un excès de vitesse.