A se laisser couler dans l'esgourde

Robert Giraud : L’argot du bistrot.

Quel meilleur jour que celui du bojol, du beaujolo, du bojolpif, du bojolpince, bref du Beaujolais nouveau ! pour vous parler de la réédition d’un livre culte de Robert Giraud, grâce auquel aucun clairon ni aucune rouillarde n’auront encore de secrets pour vous. Avec l’Argot du bistrot en poche, vous pourrez faire la tournée des grands ducs et écumer les zincs en vous sentant comme un poisson dans l’eau, sans craindre (quoi que…) de passer pour un cave. Ce qui est certain, c’est que si vous ne faites pas le siroteur, alors ce rectangle ne vous prémunira pas de terminer la soirée rond comme … une balle pour Emile Zola, des boudins chez Maurice Fombeure, une soucoupe avec Marcel Aymé. La collision de chopines n’est pas loin et plutôt qu’avec le papier, c’est avec le pavé que vous risquerez d’avoir des mots.

Après le Royaume d’argot (1965) Robert Giraud, Bob pour ses amis, a publié plusieurs livres sur la langue verte. Des livres qui sont, au-delà de la richesse du lexique, avant tout des témoignages d’une époque. Une époque qui s’est progressivement effacée quand les écrivains et le petit peuple ont disparu des bistroquets. Une époque et un langage que Bob rapporte ici depuis deux de ses terrains de jeux préférés. Les troquets bien entendu, où il n’a pas fait que boire, mais où il a su écouter et observer. Les livres ensuite, en compagnie de Boudard, Blondin, Fallet (Le Beaujolais nouveau est arrivé), Bastiani, Simenon et tant d’autres.

Publiée en 1989, la première édition comportait en outre une trentaine de photos de Robert Doisneau, un fidèle camarade de route, d’Edouard Boubat, d’Izis, de Willy Ronis, de Denise Colomb, ou encore de René-Jacques, là également pour n’en citer que quelques uns. Elles auront disparu au passage, mais on ne peut pas tout avoir à un tarif aussi modeste… La préface originale de Roland Topor a cédé la place à une nouvelle mouture signée Sébastien Lapaque. L’esprit des lieux a bien été préservé et nous revient ainsi avec une nouvelle jeunesse. Allez, on peut tranquillement s’en aller relever un factionnaire. A moins que vous ne préfériez carrément vous arrondir, au rouge-bord ou au chien tout pur !

L’argot du bistrot. Robert Giraud. Préface de Sébastien Lapaque. 272 pages. Editions de la Table Ronde, collection La Petite Vermillon. 2010 (première édition de 1989). 8,50 €.