"Vu les articles 1641 et 1643 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 juin 2009), que Mme X..., qui avait acquis des époux Y... un appartement dont la fiche de conformité établissait que des éléments de l'installation électrique étaient " non aux normes mais acceptables ", a assigné ses vendeurs en responsabilité sur le fondement des articles 1641 et 1792 du code civil au vu d'une expertise judiciaire faisant état de défectuosités et d'une dangerosité certaine de l'installation électrique ; que les époux Y... ont appelé en garantie la société civile professionnelle C...-D...-E... (la SCP notariale) qui avait négocié la vente et délivré une fiche technique décrivant un bien en bon état ;
Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande en garantie des vices cachés, l'arrêt retient que les travaux de bricolage que les époux Y... ont effectués pour étendre l'installation électrique ne leur confèrent pas le statut de professionnels les empêchant de se prévaloir de la clause d'exonération de la garantie des vices cachés stipulée dans l'acte de vente ; qu'ils n'ont pas respecté les normes et les règles techniques en vigueur pour ces travaux se greffant sur une installation ancienne dont cependant aucun dysfonctionnement n'est établi de nature à attirer leur attention et caractériser leur mauvaise foi ; que les époux Y... sont de bonne foi ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à exclure la connaissance du vice par le vendeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne les époux Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux Y... à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour de Mme X...
ll est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de ses demandes dirigées contre les époux Y...,
AUX MOTIFS QUE « Sur l'expertise : L'expert, Monsieur Z..., a constaté que l'installation électrique est constituée d'éléments anciens (conducteurs sous baguette bois) et d'extensions récentes effectuées en auto-construction par les époux Y.... Indépendamment de la vétusté, il a retenu principalement que des aménagements et des travaux sur l'installation électrique comportent des défectuosités et une dangerosité certaine. C'est ainsi que l'électricien, Monsieur A..., a refusé d'effectuer des travaux dans mise en conformité de l'installation, en juillet 2003, cette analyse étant confortée par un rapport de contrôle effectué par Promotelec en décembre 2003, ce contrôle faisant apparaître de graves anomalies et 9 défauts importants, classés de type A, faisant courir un risque grave et nécessitant des travaux dans l'urgence. L'expert a relevé par ailleurs 7 autres défauts de moindre importance mais faisant courir un risque potentiel à l'utilisateur. Il a retenu l'impropriété de l'immeuble à sa destination du fait de la dangerosité de l'installation électrique défaillante et non conforme, en précisant que cette impropriété « liée aux risques graves encourus par les usagers dépend directement d'une intervention critiquable faite par un non professionnel sur l'installation électrique, plutôt que de l'âge de cette installation » et en ajoutant que « la notion d'impropriété à sa destination consiste dans l'impossibilité de faire exécuter des travaux de branchements électriques sans une réfection totale et une remise aux normes de l'installation ». De ces constatations, l'expert a retenu que les vendeurs ont procédé à des travaux qui tiennent plus du bricolage que d'une maîtrise d'ouvrage, tout en estimant qu'ils se sont placés en situation de constructeur tenu aux obligations générées par les règles techniques de référence (DTU et normes), et laissant au tribunal le soin d'apprécier « s'ils avaient conscience que leur incompétence pouvait avoir des conséquences graves ». La majorité des anomalies ont été retenues par l'expert comme pouvant échapper à un non-professionnel et en particulier à l'acquéreur, ne pouvant certes ignorer la vétusté de l'installation mais sans pouvoir apprécier lors des visites ni la dangerosité, ni les non conformités techniques. Par contre deux non-conformités ne pouvaient, selon lui, échapper à la vigilance des négociateurs de la vente, à savoir « la prise de courant dans le volume de protection de la baignoire » et « une perruque de fils non gainés, disposés sans protection des connexions, sur l'étagère d'une armoire ». Ces signes visibles et caractéristiques auraient dû, selon l'expert, attirer l'attention des professionnels de la vente et les conduire à conseiller un diagnostic. Sur la garantie des vices cachés : Il résulte de ces constatations et énonciations que l'appartement vendu par les époux B... est affecté d'un vice de construction concernant l'installation électrique. Ce vice n'était pas apparent pour Madame X... qui n'est pas une professionnelle et il rend le logement impropre à sa destination. Selon l'article 1641 du code civil, « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ». Et selon l'article 1643 du code civil : « il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie ». Le contrat de vente litigieux stipule une clause d'exonération de la garantie à raison des vices cachés qui est rappelée par Maître C..., soulignant que la responsabilité des vendeurs n'est susceptible d'être engagée que si leur mauvaise foi est établie et de nature à l'exonérer lui-même. Le jugement déféré a retenu la bonne foi des époux Y... du fait de leur occupation des lieux, en famille. Et ils font valoir la transparence qu'ils ont assurée à l'occasion de la vente, en laissant toutes responsabilités de visites et en remettant tous documents permettant à l'agence notariale d'apprécier les qualités et les défauts du bien et à fortiori les éventuels dangers sur lesquels ils n'ont reçu aucune alerte ni aucun conseil, en préconisant notamment un diagnostic. Ils nient de ce fait toute connaissance du vice établi par l'expert, tenant à la dangerosité de l'installation électrique qu'ils ont effectuée. Et ils contestent toute dissimulation pouvant être induite de l'encombrement du logement qu'ils occupaient lors des visites, au cours desquelles il n'est allégué aucune restriction d'accès aux installations ou de réponse aux éventuelles interrogations que n'aurait pas dû manquer de susciter la flagrance des défauts désormais reprochés, alors que Madame X... était accompagnée de sa propre négociatrice, puis d'un artisan. Les époux Y... ont acquis cet appartement en 1999. Les travaux de bricolage qu'ils ont effectués pour étendre l'installation électrique ne leur confèrent pas le statut de professionnels, les empêchant de se prévaloir de la clause d'exonération de la garantie des vices cachés stipulée dans l'acte de vente. Ils n'ont pas respecté les normes et les règles techniques en vigueur pour ces travaux se greffant sur une installation ancienne dont cependant aucun dysfonctionnement n'est établi, de nature à attirer leur attention et caractériser leur mauvaise foi, alors que les professionnels de la vente eux-mêmes n'ont élevé aucune remarque ni prodigué aucun avertissement sur des anomalies flagrantes touchant à la sécurité d'une installation visiblement vétuste et devant éveiller particulièrement leur vigilance. La cour rejoint l'appréciation du jugement déféré en ce qu'il a retenu la bonne foi des époux Y..., mais le réformé sur les conséquences qu'il convient d'en tirer, en écartant de ce fait leur responsabilité. Les éléments du dossier ne caractérisent pas la réalisation par les époux Y... d'un ouvrage de nature à engager leur responsabilité en application des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil. Pour ces motifs le jugement déféré sera réformé en déboutant Madame X... de ses demandes à l'encontre de Monsieur et Madame Y.... Sur la garantie de la SCP Notariale C...-D...-E... : Madame X... n'a dirigé son action qu'à l'encontre des époux Y... dont la demande en garantie se trouve sans objet à l'égard de la SCP C...-D...-E... » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie ; qu'une clause de non-garantie des vices cachés ne peut exonérer le vendeur, fût-il non professionnel, de son obligation à garantie des vices résultant de travaux qu'il a lui-même effectués ; qu'en déboutant Madame X... de son action en garantie des vices cachés contre les époux Y..., au motif que ces derniers auraient de bonne foi ignoré les vices affectant l'installation électrique de l'appartement qu'ils lui avaient vendu, cependant qu'elle constatait que les désordres résultaient de l'exécution de travaux sur l'installation électrique réalisés par les époux Y... eux-mêmes, lesquels avaient reconnu s'être placés en situation de constructeur tenu au respect des règles techniques, la Cour d'appel a violé les articles 1641 et 1643 du code civil.
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le vendeur non-professionnel ne peut exciper de la clause d'exclusion de garantie des vices cachés qu'à condition d'avoir ignoré l'existence des vices dont il est demandé réparation ; que pour retenir la bonne foi des époux Y..., la Cour d'appel se borne à relever (arrêt, pages 4 et 5) qu'ils avaient occupé l'appartement en famille et n'avaient pas cherché à dissimuler les vices de l'installation électrique ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'ignorance dans laquelle se trouvaient les vendeurs des vices de l'installation électrique, et ce d'autant que l'arrêt relève que beaucoup des anomalies constatées étaient graves et visibles à l'oeil nu (fils non gainés, prises de courant dans le volume de protection de la baignoire, etc...) la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1643 du code civil ;
ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'arrêt constate que l'installation électrique de l'appartement dont Madame X... avait fait l'acquisition était affectée d'« anomalies flagrantes touchant à la sécurité » ; qu'en jugeant néanmoins que les époux Y..., lesquels, bien que non-professionnels, avaient effectué des travaux sur l'installation électrique, étaient de bonne foi et n'avaient pas eu connaissance des vices affectant ladite installation, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles 1641 et 1643 du code civil."