HADOPI : La riposte graduée est morte comme le Disco

Publié le 17 novembre 2010 par Olivier Laurelli

Il en aura fallu du temps pour faire comprendre à certains ne serait-ce que 10% de la bêtise du mécanisme de riposte graduée… Mais apparemment, ça commence, petit à petit, à rentrer. Si certains députés de la majorité (en plus de ceux de l’opposition) s’étaient déjà clairement opposés à la riposte graduée, soulignant le caractère liberticide et injuste, l’infaisabilité technique et le gouffre financier qu’allait représenter son application, on gardera à l’esprit que le texte est passé comme une lettre à la Poste, ce après une censure au Conseil Constitutionnel. L’avertissement du  Conseil des Sages n’avait pas été jugé suffisant… quelle monumentale erreur.

Aujourd’hui, la riposte graduée semble avoir du plomb dans l’aile

Commençons par la député Marland-Militello qui quelques semaines après avoir demandé à ce que 2 millions de plus soient accordés à la HADOPI dans la loi de finance 2011,  veut maintenant mettre l’accent sur le volet préventif, à savoir l’offre légale… ça, c’est nouveau, et passé le style stalinien qui caractérise sa prose, toujours à la gloire du chef, la député Marland-Militello appelle maintenant à un gèle de la riposte graduée à l’étape 1 tant que l’offre légale est insatisfaisante, ce qui nous fait, comme nous l’avions prévu dés le début… 12 millions pour une machine à spam, la classe !

Ce dont la député Marland-Militello ne semble pas prendre la mesure, c’est que cette offre légale, tant que les majors n’auront pas remis leur stratégie en question… elle n’est pas prête de voir le jour… et donc l’HADOPI n’est pas prête de passer à l’étape 2, le courrier recommandé.

La « révolution culturelle et éthique » dont parle la député Marland-Militello dans son dernier billet est donc bien en marche… mais à reculons.

Du consensus à « l’auto désaccord de l’Elysée avec lui même »

Plus sérieusement maintenant, le Nouvel Obs et 20 Minutes rapportent que selon le député Tardy, Nicolas Sarkozy lui même aurait évolué sur les questions numériques. La scène s’est jouée à huis-clos devant des députés de la majorité, le chef de l’Etat aurait exprimé des doutes sur le cap de sa politique numérique. Sans jamais la nommer, Nicolas Sarkozy semblait implicitement faire référence à l’HADOPI, identifiant un nouvel ennemi, cette fois ci clairement désigné, à savoir Google.

«Nicolas Sarkozy a parlé d’Hadopi sans la nommer, mais pour une fois ce n’était pas pour la vanter, mais pour dire que le texte avait été difficile à adopter et qu’il y aurait pas mal de choses à revoir sur le numérique» rapporte le député. Et d’ajouter : «J’ai l’impression qu’il y a une vraie prise de conscience du chef de l’Etat sur le numérique, qu’il est en train de se dire que c’est un vrai sujet et qu’il va falloir l’aborder autrement que par le seul côté répressif (… ) Peut-être qu’il se rend compte que ce n’est pas à l’échelle de la France que ça se joue. Ce serait intéressant qu’il en fasse une question internationale ».

Ce mea culpa Élyséeen, c’est bien… mais c’est trop tard

Tout ce temps perdu pour en arriver à la conclusion que nous venons de perdre encore 3 ans. Pendant ce temps, Google, lui, a préparé sa riposte non graduée à l’industrie du disque, et ça va faire mal… très mal. La taxe Google revient donc sur la table. Taxer les services en ligne est une idée assez étrange, une sorte de cyber protectionnisme alors que notre industrie culturelle n’a absolument rien à y opposer… pourquoi pas, mais permettez moi de douter. Usuellement, quand on prend des mesures protectionnistes, c’est qu’on a une offre équivalente à mettre en avant… nous on a tellement même pas de quoi faire illusion, que c’est encore le contribuable qui s’y colle.

Aujourd’hui, je dois vous avouer que j’ai les yeux rivés sur la « majorette » EMI que l’on sait assez mal en point. EMI intéresserait fortement Warner Music. Si Warner parvenait à se porter acquéreur d’EMI, il ne resterait donc plus que 3 majors pour se partager le gros du catalogue mondial. Warner  offrirait 750 millions de dollars à Terra Firma Capital Partners, principal actionnaire d’EMI et le plus gros créancier de la majorette, Citigroup, pousserait également Terra Firma Capitals Partners à céder ses parts. Il ne resterait donc plus, si ce rachat venait à se concrétiser, que Sony (qui avait déjà croqué BMG), Universal Music (Vivendi), et Warner Music Group dont le titre boursier a pris presque 7% depuis le jour de la propagation de la rumeur… Et ça pour l’industrie du disque, c’est dans le meilleur des cas…

Devinez ce qui arriverait si Apple, qui détient déjà la plateforme de distribution (iTune), ou Google qui a des vues manifestes sur les contenus musicaux, se décidaient à faire une offre pour croquer EMI. Ceci sonnerait tout simplement le glas de l’industrie du disque « à la papa » à laquelle l’ami Pascal tente de se raccrocher comme il le peut.

Le combat n’est cependant pas terminé

Maintenant que la conséquence semble vouée à une petite mort, il va falloir se débarrasser de la cause. Le délit que sanctionne la riposte graduée est bien pire que la riposte graduée elle même, la contravention pour négligence caractérisée DOIT être purement et simplement supprimée du texte de loi. Le défaut de sécurisation de l’accès Internet reste d’une bêtise sans nom et fait planer le spectre d’une sanction sur les plus vulnérables. Ce n’est pas acceptable et nous ne l’accepterons pas.

La rémunération des créateurs est toujours la grande oubliée

HADOPI n’a trompé personne, les auteurs n’ont jamais eu à y gagner quoi que ce soit, et ça commence aussi à se voir. D’ailleurs, ça se voit tellement que le législateur veut maintenant taxer de manière outrancière les gros bénéfices d’une industrie qu’HADOPI était sensée sauver d’une mort certaine… du grand n’importe quoi. Taxer les bénéfice d’une industrie en crise ? Vous le voyez mieux l’impact du piratage sur cette industrie maintenant ?

Et pendant ce temps, les créateurs, eux, sont toujours victimes de l’opacité de la redistribution de la taxe sur la copie privée et victimes des conditions financières des majors qui ont surtout profité du virage numérique pour manger encore plus de marge sur les oeuvres vendues une fois dématérialisées.

Tout ça pour ça…

/-)