Sur Poseidon IV, un monde en marge de la galaxie, Speed vit de petites rapines et autres coups foireux qui lui valent une attention particulière de la police locale. Alors qu’il tente de lui échapper encore une fois, il trouve l’aide inattendue d’un certain Braxtor qui a besoin de gars comme lui pour mener à bien une expédition… particulière. Accompagnés de la jeune Nadia comme pilote et escortés par l’androïde mercenaire Vran, Speed et son employeur mystérieux vont traverser le territoire des redoutables Akay avant de plonger au cœur d’une étoile noire – là où les attendent les secrets de civilisations disparues depuis si longtemps qu’elles en sont devenue légendes…
Sur un scénario de Ricardo Barreiro, cette seconde production de Juan Giménez à franchir l’océan Atlantique se caractérise par un sens de l’aventure spatiale typique de ce space opera « classique » remis au goût du jour à la fin des années 70 par le premier volet de la trilogie Star Wars originale. Avec son intrigue minimale et pour le moins linéaire, son univers à peine ébauché et ses personnages tout ce qu’il y a de plus clichés, L’Étoile noire se rattrape néanmoins par ses scènes d’action cosmiques et une idée de départ qui ne manque pas d’intérêt – même s’il s’agit somme toute d’une simple transposition de « l’île au trésor » dans un contexte futuriste.
Car ici le terme « étoile noire » désigne un astre bien particulier. Il s’agit d’une étoile binaire, c’est-à-dire constituée de deux soleils au lieu d’un seul, dont la plus grosse est parvenue à la fin de son cycle de vie et a explosé en laissant ainsi sa matière emprisonner la seconde dans une écorce de plasma solidifié qui dissimule la clarté de l’astre restant et le rend donc invisible depuis l’extérieur. Bien que jamais observé, ni même envisagé par les scientifiques, un tel phénomène propose un élément de départ intéressant puisque la surface intérieure de cette écorce – qui rappelle bien sûr une sphère de Dyson – peut en théorie abriter tout ce que l’imagination de l’auteur voudra bien y mettre.
Là où le bât blesse, c’est que Barreiro, dans ce cas précis, ne parvient pas à tirer toute la substantifique moelle de ce concept de base pourtant riche en possibilités narratives. Il en résulte donc un space opera pour le moins basique qui laisse la part belle à l’action et à un mystère de bazar où le fantastique et l’horreur le disputent à la plupart des clichés du cinéma de science-fiction le plus mal inspiré. Reste malgré tout une aventure distrayante et assez imaginative dans sa juxtaposition de thèmes a priori incompatibles, et d’autant plus que la brièveté du récit l’empêche de sombrer dans la lourdeur…
Mais ce fut surtout l’occasion pour Giménez de confirmer son talent au public francophone, à travers des graphismes élaborés, des designs originaux, un sens de la lumière et des matières comme on en voyait encore assez peu à l’époque en BD et qui contribuèrent beaucoup à asseoir sa réputation par chez nous – même si son art ne manqua pas d’évoluer par la suite, pour atteindre les sommets qu’on lui connaît aujourd’hui.
En-dehors de cet aspect « historique » dans la découverte d’un artiste devenu majeur du média BD, il reste difficile de recommander ce one shot – mais cet aspect-là, justement, suffit parfois à décider de nombreux lecteurs…
L’Étoile noire, Ricardo Barreiro & Juan Giménez, 1981
Glénat, collection Comics USA, juin 1993
48 pages, env. 13 €, ISBN : 2-7234-1616-X