Les stratčges, industriels et technocrates américains estiment que le successeur du redoutable F-22 Raptor devra entrer en service en 2030. Il serait donc plus que temps, disent-ils en chœur, de commencer ŕ y penser sérieusement. D’oů un premier tour de table exploratoire, les constructeurs susceptibles d’assurer la maîtrise d’œuvre d’un tel programme (ils ne sont plus que deux…) étant invités ŕ soumettre un premier commentaire dčs le 17 décembre.
Que les historiens, tout au moins les plus jeunes d’entre eux, notent soigneusement cette date ! Elle correspond, en effet, au tout début d’une saga industrielle qui pourrait durer longtemps, trčs longtemps. Le futur systčme d’armes, en attente d’un nom de code, est en effet susceptible de rester en service, au minimum, jusqu’en 2060, peut-ętre au-delŕ. Avant cela, des milliers de réunions secrčtes vont se succéder au Pentagone, sachant que des opinions profondément contradictoires vont animer les débats.
D’ici lŕ, l’ambiance sera assurément trčs nerveuse. On note tout d’abord que le 187e et dernier Raptor est actuellement en construction. Ce qui revient ŕ dire que l’ultime bataille visant ŕ prolonger la série grâce ŕ des commandes supplémentaires est discrčtement engagée. A l’origine, 750 puis 381 exemplaires étaient prévus mais la fin de la guerre froide, les contraintes budgétaires et la volonté de protéger le F-35 Joint Strike Fighter ont justifié des coupes sombres dans les commandes. Malgré cela, le F-35 semble aujourd’hui en grand danger, sachant qu’il est question d’annuler la version ŤBť ŕ décollage vertical (le Royaume-Uni y renonce) pour concentrer tous les efforts, budgétaires et industriels sur la version de base F-35A. Laquelle devrait ętre produite au rythme endiablé de 80 exemplaires par an. Mais les jeux sont loin d’ętre faits et de nouveaux rebondissements pointent ŕ l’horizon.
Dans le jargon du Pentagone, le Raptor est un systčme d’armes d’ Ťair dominanceť, une appellation qui se passe de traduction. En termes plus classiques, c’est un appareil de supériorité aérienne, version fin du XXe sičcle. Ses performances sont remarquables mais il porte le poids de ses origines, lesquelles sont antérieures ŕ la chute du Mur de Berlin. Aussi ses adversaires ne se sont-ils jamais privés de le présenter comme une relique de la guerre froide.
Baptisé ŕ l’origine Advanced Tactical Fighter (ce qui était trompeur), le F-22 a été conçu, il y aura bientôt 30 ans, pour succéder au F-15, lequel, soit dit en passant, est toujours en production. A cette époque, le nombre d’avionneurs capables de présenter des propositions était encore important et l’appel d’offres a été adressé, en 1983, ŕ Boeing, General Dynamics, Grumman, McDonnell Douglas, Northrop et Rockwell International. Deux finalistes, Lockheed et Northrop, ont construit deux démonstrateurs/prototypes chacun, les YF-22 et YF-23, le second l’a emporté et a aussitôt fait alliance avec Boeing.
L’histoire du Raptor a été compliquée, jalonnée de débats houleux. De plus, soucieux d’éviter des transferts de technologies sensibles, męme vers des pays réputés amis, le département de la Défense n’a pas autorisé la vente ŕ l’exportation, pas męme au Japon. On se réjouit d’avance des passes d’armes militaro-politiques que suscitera le chapitre suivant. Heureusement, nous avons tout le temps de nous y préparer.
Pierre Sparaco - AeroMorning