Mathis der Maler, donné cette semaine à Bastille sous la direction de Christoph Eschenbach évoque le destin du peintre Matthias Grünewald, auteur du prodigieux Retable d'Issenheim qu'on peut voir à Colmar.Paul Hindemith a entrepris au début des années 1930 de traduire en fresque sonore les visions géniales du peintre de la Renaissance. Cette «biographie rêvée »en sept tableaux , est d'emblée placée sous le signe du politique par le metteur en scène Olivier Py. L'oeuvre entre classicisme raffiné et modernisme pré-moderne est bien né en pleine montée du nazisme mais son livret se déroule à Mayence en pleine montée du Luthérianisme. Premier regret : que font donc ces bergers allemands qui circulent entre étudiants protestants et évêque catholique prêt à la conversion aux côtés de SS en uniformes prompts à l'autodafé ...Que font ces créatures du retable sorties de l'apocalyptique polyptyque au premier étage de décombres de guerre d'Irak circulant comme des zombies de films gore entre des chars de la guerre de 14...Au bout d'un moment on a la sensation étrange que tout pourrait apparaître dans ces décombres : Géronimo, Marie Madeleine ou Geoffrey de Peyrac...Rien ne garantit que la problèmatique métaphysique du propos tout interéssante soit-elle (le déchirement intérieur du créateur entre son oeuvre et l'engagement aux côtés des paysans protestants du Lac de Paladru) ne finisse un peu par lasser (surtout dans le lent et magnifique dernier tableau).On l'aura compris, Py s'en donne à coeur joie mais ces anachronismes finissent par nuire au sens .Pis, aux sens ...d'une musique qui elle reste vraiment révolutionnaire. Hindemith n'a écrit que deux opéras mais alors...quels opéras ! Après Cardillac, travail d'orfèvre,Mathis le Peintre mérite vraiment de figurer au répertoire. Mathias Goerne(excellent Wolfram dans Tannhaüser) est impressionnant dans le rôle immortalisé par Dietrich Fischer-Dieskau. . Pour la musique comme dit la chanson sotte.