La démocratie participative, ça sert à quoi ? A La Bretagne, ça sert à mettre des ralentisseurs partout. Pour l’automobiliste qui habite ce quartier de Saint-Denis, descendre sur le littoral relève désormais du parcours du combattant. Route Gabriel-Macé (qui, à partir de l’église, devient route Jules-Reydellet), il faut désormais franchir quatorze ralentisseurs pour entrer ou sortir du quartier. Là où l’an dernier, il n’y en avait que six. Quatorze ralentisseurs sur une distance d’à peine trois kilomètres.
Le rapport avec la démocratie participative ? « En ce qui concerne la ville de Saint-Denis, je peux vous assurer que c’est la principale doléance venant des conseils de secteur. En tant qu’élu, on a été mis en place justement pour répondre aux attentes des administrés. Ces ralentisseurs en sont un, ne pas y répondre serait une erreur d’autant que ça concerne la sécurité des plus vulnérables », expliquait Gérald Maillot, conseiller général, vice-président de la Cinor, à notre confrère Michel Zitte, dans les colonnes du Quotidien du 22 octobre 2010.
Les conseillers de secteur, habitants du quartier, auraient donc demandé l’installation de ralentisseurs pour des raisons de sécurité. L’intention est louable sur le papier. A l’usage, on peut se le demander.
D’abord, on a du mal à se souvenir d’un accident mortel dû à une vitesse excessive, survenu sur la D50 ces dernières années. Dans les faits, à cause de ces ralentisseurs, des bus et des camionnettes des marchands forains, on roule plus à 30 à l’heure qu’à 50 route Gabriel-Macé. Parfait pour les embouteillages, donc le bilan carbone.
Ensuite, pourquoi quatorze ralentisseurs sur une distance aussi courte ? N’y aurait-il pas, au minimum, exagération ? C’est ce que pensent les automobilistes dont les vertèbres sont mises à l’épreuve tous les jours. D’autant que certains de ces dos d’âne sont si mal dessinés qu’on est obligé de ralentir à fond, et de repasser la première pour les franchir !
A se demander si la législation est bien respectée. A y regarder de plus près, elle est contournée, par ceux-là mêmes qui sont censés l’appliquer.
Les normes des ralentisseurs ont été définies par le décret 94-447 du 27 mai 1994. Vérification faite, aucune hauteur n’est précisée. En revanche, plusieurs des critères définis par le texte de loi ne sont pas respectés à la Bretagne. Par exemple la limitation de vitesse : elle est, à plusieurs endroits, limitée à 50 km/h alors qu’un ralentisseur exige une limitation à 30 km/h. Dans les faits, on l’a vu, impossible de les franchir à 50 km/h sous peine de casser son auto.
Autre critère : la pente. Selon le même décret, on ne peut construire un ralentisseur dans une rue dont la déclivité dépasse les 4%. Route Gabriel-Macé, la pente est bien souvent au-delà de cette valeur.
Les services du conseil général, donc dépend la route départementale 50, sont-ils dans l’illégalité ? La réalité est plus savoureuse. Explication d’un interlocuteur du service des routes du Département : « Les dispositifs du CD 50 ne sont pas des ralentisseurs, mais des plateaux surélevés ». Traduction : comme il n’y a pas besoin de respecter le décret du 27 mai 1994, on peut faire n’importe quoi. Sous prétexte de sécurité, pour satisfaire une petite frange d’habitants et emmerder tous ceux qui doivent prendre leur voiture pour se déplacer.
Comprenons-nous bien : il n’est pas question ici de défendre le tout-bagnole et la vitesse. Comme tout le monde ou presque, on aimerait pouvoir utiliser des transports en commun, écologiques, à passages fréquents, plutôt que des bus lents, qu’on attend des heures et qui doivent, en plus passer sur les ralentisseurs ! Mais créer de tels transports en commun coûte sans doute plus cher que placer des « plateaux surélevés » tous les deux cents mètres. Au final, ces quatorze ralentisseurs (on ne compte pas ceux des chemins adjacents, qui ont fait leur apparition récemment, y compris dans des secteurs où il est impossible de rouler vite !) relèvent de la poudre aux yeux.
On espère que ce n’est pas un calcul électoral en vue de mars 2011. Car une chose est sûre : il y a plus d’automobilistes que de conseillers de secteur à la Bretagne. Ils peuvent voter. Et c’est valable partout sur l’île.
Denis