Stephen KING - Charlie : 9,5/10
« Charlie » est l’un des romans de Stephen King les plus aboutis, comme l’est Shining, roman peut-être plus connu.
Ces deux oeuvres, qui font partie des meilleures de l'auteur, sont très différentes l’une de l’autre et ont pourtant un point commun : les deux mettent au centre de leur histoire un jeune enfant qui a un étrange talent et son père.
Les premières lignes de « Charlie », dont le titre original « Firestarter » est nettement plus parlant, nous projettent immédiatement dans l’action et nous présentent l’héroïne, une petite fille de huit ans, Charlie :
- Papa, je suis fatiguée ! se plaignit la fillette en pantalon rouge et chemisier vert. On s’arrête ?
Voilà la première phrase d’un roman prenant.Et je peux vous dire ceci : la petite fille fatiguée en pantalon rouge n’a pas fini de courir !
L’histoire est celle d’une famille, Andrew et Vicky McGee et leur fille Charlie.
Andy et Vicky se sont connus alors qu’ils étaient étudiants et participaient tous deux à une expérience dirigée par le Docteur Wanless. Une douzaine d’étudiants participaient à cette étude.
L’expérience, qui était sensée être anodine et sans danger, a eu d'étranges conséquences : depuis, Andy est capable d’influencer d’autres personnes par la pensée, néanmoins au prix de violents maux de tête. Vicky, elle, est presque inconsciente de son nouveau talent, la télékinésie.
Ce couple attire surtout l’attention de la Boîte – qui est à l’origine de l’expérience - puisqu’ils se marient et ont un enfant, Charlie. Un enfant qui, dès son plus jeune âge manifeste d’étranges pouvoirs que le couple tente pourtant d’ignorer. Son talent le plus dangereux et le plus puissant est celui de la pyrokinésie – Charlie provoque le feu par la pensée, et son pouvoir s’accroît de jour en jour.
La Boite se met donc à la recherche de la fille – et ses parents, tentent de la cacher et de la protéger.
C'est ainsi que nous rejoignons, au début du roman, Andy et Charlie en fuite. Ils sont poursuivis par la Boite.
La première partie du livre, construite, globalement en trois, est consacrée à cette fuite impossible. C’est une fillette fatiguée et dépassée par les évènements qui court derrière son père, réclamant sa maman, et son père tentera de la protéger. Pour cela il se sert de son propre pouvoir un peu trop souvent.
Lors de leur fuite, Charlie sera amenée à utiliser bien malgré elle de ses dons et pour protéger son père elle mettra même le feu à ses poursuivants. A huit ans, cela est difficile, et Charlie jure alors que plus jamais jamais elle ne se servira de ce don si terrible qu’elle ne maîtrise absolument pas. Et à cet âge, un tel serment a valeur de loi, que dis-je, de constitution.
Finalement père et fille trouvent un refuge pour l’hiver, Andy tente de contacter les médias – mais sont-ils en sécurité, la Boite semble si omniprésente ??
Cette première partie est intense et on n’a pas plus le temps de souffler qu’Andy et sa fille.
La deuxième partie nous présente, justement, la boite, son patron Cap, ses mécanismes, la présence du Dr. Wanless, et surtout l’effrayant Rainbird, un tueur engagée par la boite, un homme sans pitié qui se mettra à la recherche de Charlie et de son père.
La boite n’a qu’un but : trouver Charlier et l’étudier. Son père ? Sans importance. Sa mère ? Elle n’a aucune valeur.
Enfin, la troisième partie est la plus oppressante, Charlie et son père se trouvent captifs de la Boite, séparés l’un de l’autre, et les deux seront, lentement et sûrement, soumis à un lavage de cerveau. La Boite emploie tous les moyens possibles pour que Charlie se serve de son talent malgré son serment.
Et Rainbird tentera alors de la manipuler, et avec une adresse inouïe il s’infiltre dans la vie d’une fillette perdue et seule.
C’est un roman dont l’intrigue est travaillée de façon si précise qu’on ne peut lui trouver aucune zone grise, l’auteur a pensé à chaque détail. Que ce soit les « talents » et de leurs conséquences sur leurs propriétaires ou leurs victimes, que ce soit le fond de l’histoire, cette étrange expérimentation, rien n’est laissé au hasard. C’est un livre pleinement abouti.
D’ailleurs, l’évolution de tous caractères est palpable, que ce soit le père, Charlie, le patron de « la Boite », ou même Rainbird et l’étrange fixation qu’il fait sur Charlie.
Et au milieu flotte toujours le souvenir de cette étrange histoire de l’expérimentation ratée du Dr. Wanless – que s’est-il passé ? Que sont devenus les autres participants ? Qu'est-il arrivé à la mère de Charlie ?
J’ai lu ce livre à plusieurs reprises, la première fois à huit ans (et oui), puis adolescente, puis adulte.
A chaque fois je le lisais avec d’autres yeux. Et à chaque fois je ne pouvais qu’admirer Stephen King et le détail qu’il apporte à cette histoire qui est autant celle de l’amour entre un père et sa fille que celle d’une entreprise qui tente de dissimuler ses erreurs et détruire toutes les preuves de ses actes. Surtout, qui tente de se servir du monstre qu’elle a créé bien malgré elle.
Et au milieu gravitent tous ces caractères, effrayants ou courageux, perdus ou dépassés. Chaque personnage est travaillé avec soin, chacun a ses forces, ses faiblesses, ses zones de lumière et d’ombre.
Une réussite.
Moins effrayant que Shiningpeut-être, mais tout aussi passionnant.