Reçu au PC de la course aujourd'hui à 15 h 48 :
" J'ai percuté une baleine hier après-midi. Le bateau filait entre 8 et 9 noeuds, j'étais dans la couchette quand le bateau à stoppé comme si j'avais talonné un banc de sable. Un grand crack. J'ai cru au début que j'étais en train de perdre le mât. Le bateau s'est couché, a dérapé et s'est redressé. Je suis sorti en catastrophe et c'est là que j'ai compris en voyant cet animal agonisant juste à côté du bateau. J'en aurais chialé, tellement la vue était hors sujet par rapport à mon idée de la mer, du respect qu'on lui doit, et elle, blessée par ma faute dans cet océan bleu marine sous ce soleil paradisiaque. Je ne pouvais rien faire. Je n'ai rien fait. Je savais qu'il fallait que je me dépêche d'inspecter le bateau. Mais je restais comme un con à lui parler, à m'excuser dans ma langue d'éternel prédateur humain. Elle a sondé entrainant avec elle son sillage rougeâtre. Je suis allé faire l'inspection du bateau : pas de voie d'eau, pas de fissure au puits de quille, les boulons n'ont pas bougé, pas de décollement de varangues, pas de jeu ni de points durs dans les safrans. Juste la gaine de la bastaque qui a pété dans son taquet. J'ai rangé tout ce qui avait volé dans le bateau et je suis reparti, le coeur meurtri, avec le sentiment d'être impuissant et lâche. Je vous parlerai de course demain… " Jean-Edouard Criquioche.