La crise financière qui agite l'Europe depuis le printemps dernier a montré la fragilité de l'Union européenne et son inexistence politique que le président des Etats-Unis d'Amérique, Barack Obama avait déjà illustrée à sa manière, en témoignant d'un certain désintérêt pour le Vieux Continent. On ne saurait lui en faire grief car face aux Etats-Unis d'Amérique, où sont les Etats-Unis d'Europe? [1] Les Européens eux-mêmes ne se reconnaissent pas dans cette "union" européenne car "plus que jamais, l'Europe est l'affaire des diplomates (un peu) et des experts (surtout), et nullement des citoyens. Ce sont donc des fonctionnaires qui n'ont pas de comptes à rendre au peuple qui font les choix fondamentaux. On passe ainsi d'un système démocratique national à un "technosystème" européen qui écarte le citoyen de tout droit de regard sur la décision politique" [2]. Ils s'y reconnaissent d'autant moins que les pays membres se sont vu dépouiller peu à peu d'une partie de leur souveraineté: "Traité après traité, la construction européenne s'est accomplie par un dessaisissement progressif des attributions des parlements nationaux, qui n'a pas été compensée par la mise en place d'une capacité législative et d'une capacité de contrôle à la mesure des attributions transférées au niveau européen"[3]. En clair, le fonctionnement des institutions européennes est assuré par des gens qui ne sont pas des élus mais des technocrates qui prennent des décisions devant ensuite s'imposer à tous les pays membres. L'Europe n'a donc pas de véritables institutions politiques au point que l'on ne peut parler d'union, surtout quand elle se compose de vingt-sept pays membres. On pourrait énumérer à l'envi toutes les tares de ce qu'il faut bien appeler le conglomérat européen mais tel n'est pas notre propos. Nous nous attacherons plutôt à montrer comment l'Europe a manqué une occasion unique de faire son unité, tout d'abord parce qu'elle a renié son histoire, le tribunal de Nuremberg n'ayant pas cherché les causes profondes qui ont fait basculer l'Europe dans l'horreur; c'est pourquoi, il nous faut, une fois de plus, nous plonger dans l'Histoire pour mettre en évidence le fait que la question de l'unité européenne trouve ses origines dans l'empire romain et celui de Charlemagne et que tout le reste en découle. L'empire carolingien, archétype de l'unité européenne.
Lorsque les Romains se lancent à la conquête de l'Europe, ils connaissent un grave échec quand ils veulent soumettre les Germains qui vivent sur la rive droite du Rhin : en l'an 9, le général romain Varus perd trois légions et sa propre vie après la bataille de Teutobourg donnant la victoire à son adversaire, Arminius et laissant la majorité des Germains à l'écart de l'empire romain, ce qui ne sera pas sans conséquences comme nous le verrons plus loin. Un autre évènement, majeur celui-là, se produit: l'empereur Constantin, par l'édit de Milan promulgué en 313, accorde la liberté de pratique pour toutes les religions, mettant fin aux persécutions exercées à l'encontre des chrétiens et au culte de l'empereur. Mais les vieilles habitudes ont la vie dure: Constantin écarte le pape Sylvestre 1er du synode d'Arles et surtout du concile de Nicée; dès le départ, l'autorité temporelle a tendance à empiéter sur l'autorité spirituelle. Clovis, roi des Francs, s'il est soumis au pape, connaît de grandes difficultés pour unifier son royaume, se trouvant en butte aux Germains christianisés qui avaient opté pour l'arianisme qui permet au roi de s'identifier au Christ surhomme et de devenir le chef de l'Église, conservant ainsi son pouvoir religieux. Ce n'est qu'avec Charlemagne que l'on peut à nouveau parler d'empire en Europe occidentale et qui apparaît comme un renouveau de l'Empire romain mais sous une autre forme quand le pape Léon III le couronne: " Léon III inaugure une stratégie nouvelle: celle d'un empire chrétien où l'empereur serait le défenseur de la cité de Dieu. L'empereur tient alors ses pouvoirs du pape dont il reproduit dans l'ordre temporel les pouvoirs spirituels. Toute la querelle des investitures, on le sait, sortira de cette formulation équivoque, qui fait de l'empereur un sujet dans l'ordre spirituel mais le place en même temps à la tête d'une hiérarchie temporelle dont on affirmera bientôt le caractère sacral"[4]. Evidemment ce nouvel empire ne s'est pas créé ex nihilo: " Romulus Augustule, dernier empereur de l'Occident latin, est déposé en 475. Seul subsiste alors l'empire d'Orient. Cependant, après le démembrement de l'empire d'Occident, une nouvelle conscience unitaire semble se faire jour en Europe occidentale. Dès 795, le pape Léon III date ses bulles, non plus du règne de l'empereur de Constantinople, mais de celui de Charles, roi des Francs et patricien des Romains. Cinq ans plus tard, le jour de Noël de l'an 800, Léon III dépose à Rome la couronne impériale sur la tête de Charlemagne"[5]. Toutefois, l'Empire se distingue de la nation: " Qu'est-ce qui distingue fondamentalement l'Empire de la nation ? C'est d'abord le fait que l'Empire n'est pas avant tout un territoire, mais fondamentalement un principe ou une idée. L'ordre politique y est en effet déterminé, non par des facteurs matériels ou par la possession d'une étendue géographique, mais par une idée spirituelle ou politico-juridique. Ce serait donc une erreur de s'imaginer que l'Empire diffère de la nation avant tout par la taille, qu'il est en quelque sorte "une nation plus grande que les autres". Certes, par définition, un empire couvre une large superficie. Mais l'essentiel n'est pas là. L'essentiel tient au fait que l'empereur tient son pouvoir de ce qu'il incarne quelque chose qui excède la simple possession. En tant que dominus mundi, il est le suzerain des princes comme des rois, c'est-à-dire qu'il règne sur des souverains, non sur des territoires, qu'il représente une puissance transcendant la communauté dont il a la direction"[6]. Et ce qui transcende l'Empire et l'empereur lui-même, c'est le pouvoir spirituel incarné par le pape, vicaire du Christ. C'est pourquoi " L'unité de l'Empire n'est pas une unité mécanique, mais une unité composée, organique, qui excède le contour des États. Dans la mesure même où il incarne un principe, l'Empire n'envisage d'unité qu'au niveau de ce principe. Alors que la nation engendre sa propre culture ou prend appui sur elle pour se former, il englobe des cultures variées. Alors que la nation cherche à faire se correspondre le peuple et l'État, il associe des peuples différents. Sa loi générale est celle de l'autonomie et du respect de la diversité. L'Empire vise à unifier à un niveau supérieur sans supprimer la diversité des cultures, des ethnies et des peuples. Il constitue un tout dont les parties peuvent être d'autant plus autonomes que ce qui les réunit est plus solide. Ces parties restent organiques et différenciées. L'Empire s'appuie par là beaucoup plus sur les peuples que sur l'État ; il cherche à les associer à une communauté de destin sans les réduire à l'identique"[7]. Charlemagne illustre parfaitement ces principes qui régissent l'Empire, même s'il ne résiste pas toujours à la tentation d'empiéter sur l'autorité spirituelle en organisant un concile à Aix-la-Chapelle en 809 au cours duquel, et malgré l'opposition du pape Léon III, il introduit la notion de , détonateur (et non cause principale) du schisme d'Orient qui se produira deux siècles et demi plus tard. Il n'en demeure pas moins que Charlemagne est à l'origine d'un renouveau culturel majeur en Occident qui se prolonge avec Louis le Pieux (814-840) et Charles le Chauve (843-877), c'est la renaissance carolingienne: " La renaissance carolingienne, première période de renouveau culturel majeur au Moyen Âge à l'échelle de l'Occident, est une période d'importants progrès intellectuels, notamment grâce à la redécouverte de la langue latine, à la sauvegarde de nombreux auteurs classiques, et à la promotion des arts libéraux"[8]. Malgré les tribulations qui ont suivi l'effondrement de l'empire romain, l'Occident n'avait pas perdu pour autant le legs de l'Antiquité [9]. L'empire carolingien est vraiment l'archétype de l'unité européenne mais il finit à son tour par se disloquer: " Le traité de Verdun (843) ayant consacré le partage de l'empire des Francs entre les trois petits-fils de Charlemagne, Lothaire Ier, Louis le Germanique et Charles le Chauve, le roi de Saxe Henri Ier est à son tour couronné empereur en 919. L'Empire devient ainsi plus nettement germanique. Après la dislocation de la puissance carolingienne, il est à nouveau restauré en 962 au profit du roi Otton Ier de Germanie. Il se reconstitue alors au centre de l'Europe avec les Othoniens et les Saliens. Il restera la principale puissance politique en Europe jusqu'au milieu du XIIIe siècle, date à laquelle il se transforme officiellement en Sacrum Romanum Imperium. On ajoutera "de nation germanique" à partir de 1442"[10]. Cette dislocation de l'empire carolingien n'était pas seulement due au partage de celui-ci entre les héritiers de Charlemagne mais aussi à une fracture entre monde germain et monde latin qui nous plonge au cœur de la problématique de l'unité européenne, surtout quand cette fracture se combine avec les relations difficiles entre les empereurs germaniques et le pape, dans le cadre du conflit entre pouvoir spirituel et pouvoir temporel.
L'antagonisme germano-latinComme la plupart des peuples germains n'ont pas connu l'empire romain, ils n'ont pas été "latinisés" et ont donc vécu une existence séparée du reste de l'Occident. Il y a donc une véritable fracture culturelle entre les civilisations latine et germaine. Elle se manifeste de façon éclatante avec la querelle des investitures qui opposa la papauté et le Saint-Empire romain germanique entre 1075 et 1122. Depuis Othon 1 er, les empereurs estimaient que le fait de confier à un évêque des biens matériels leur donnait le droit de le choisir eux-mêmes et de lui accorder l'investiture spirituelle. C'est ce qu'on appelle le césaropapisme. Avec un tel système, on ne pouvait qu'assister à un déclin du clergé auquel le pape Nicolas II veut remédier en imposant la nomination des évêques par les cardinaux; son successeur, Grégoire VII, promulgue un décret interdisant aux laïcs de choisir et d'investir les évêques. A la suite de cette décision, l'empereur Henri IV fait prononcer la déposition du pape par le concile de Worms, ce qui lui vaut en retour d'être excommunié par le souverain pontife. La situation est grave pour Henri IV car les princes de l'empire menacent de le déposer si le conflit avec Rome n'est pas résolu. L'empereur décide d'aller à la rencontre du pape à Canossa où il est en villégiature pour venir s'humilier devant lui à tel point que Grégoire VII lève l'excommunication. Ce qui n'empêche pas Henri IV de faire déposer le pape à nouveau pour installer un antipape, Guibert, l'archevêque de Ravenne. Cette querelle des investitures se termine avec le concordat de Worms en 1122 conclu entre l'empereur Henri V et le pape Calixte II et met fin au césaropapisme. Pourtant, la lutte entre le pontificat et l'empire connut un ultime épisode car l'empereur Philippe II s'oppose aux papes Grégoire IX et Innocent IV, ce dernier réunissant à Lyon, en 1245, un concile au cours duquel il dépose l'empereur. Cet antagonisme germano-latin devait largement déborder le cadre d'un conflit entre l'empereur et le pape pour s'étendre aux princes et à la population au point d'embraser l'Europe, nous voulons parler de la Réforme protestante.
La Réforme protestante, un grand schisme européenA la fin du XVI ème siècle, les fidèles inquiets de leur salut face à une époque marquée par les guerres (Guerre de Cent Ans) et les épidémies (peste noire), la peur de la mort et de l'enfer, voient se développer le commerce des indulgences dont le principe consiste à gagner le paradis sur terre au prix d'un séjour au purgatoire. Au départ, l'indulgence était obtenue en échange d'un acte de piété (pèlerinage, prière, mortification) pour devenir par la suite un commerce lucratif. Le clergé était corrompu à un tel point que l'on voyait des fils de prêtres devenir prêtres ou des évêques vivre comme des seigneurs. On a beaucoup mis en exergue la question des indulgences alors qu'elle n'était que le détonateur d'un mouvement plus profond qui vise à étudier les textes saints directement, sans l'intermédiaire d'une hiérarchie ecclésiastique, grâce à la traduction de la Bible dans les langues vernaculaires et à l'imprimerie qui en permet la diffusion. Un autre élément, politique, celui-là, est constitué par les princes qui ne supportent plus la domination du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel et veulent développer leurs Etats, non seulement au détriment du pape et de l'Eglise, mais également à celui de l'empereur qui, ne l'oublions pas, tient sa légitimité du souverain pontife. Il se pose donc un grave problème d'allégeance des princes protestants à l'Empereur dont ils ne reconnaissent plus la légitimité, mettant en péril l'existence même de l'Empire. C'est à cette situation que se trouve confronté Charles-Quint lorsqu'il devient officiellement empereur du Saint Empire romain germanique en 1517. En réalité, il doit se battre sur trois fronts: contre les princes allemands qui se convertissent au protestantisme, contre Soliman le Magnifique, à la tête de l'empire ottoman, qui veut conquérir l'Europe et contre François 1 er, roi de France, qui n'hésite pas à s'acoquiner avec l'empereur ottoman, au grand scandale des cours européennes et à s'allier avec des princes allemands protestants, aveuglé par sa haine des Habsbourg. En 1546, l'empereur choisit l'option militaire et combat les princes luthériens coalisés dans la ligue de Schmalkalden. Bien qu'il les ait vaincus, il doit négocier et c'est ainsi que la Paix d'Augsbourg est signée le 3 octobre 1555; c'est un compromis qui laisse de côté toutes les questions qui fâchent et qui repose sur le principe suivant: cujus regio ejus religio, c'est-à-dire tel prince, telle religion. Et les vassaux qui ne veulent pas adhérer à la religion de leur suzerain ont le droit d'émigrer. C'est incontestablement la décomposition du Saint Empire romain germanique qui est amorcée car cette paix entérine sa fragmentation au profit des princes. Elle n'a pas résolu les problèmes de fond et c'est pourquoi elle prendra fin en 1618 avec la défenestration de Prague qui conduira à la Guerre de Trente Ans et aux Traités de Westphalie.
Du Saint Empire romain germanique à l'Empire germaniqueLa Guerre de Trente Ans eut des effets dévastateurs pour l'Allemagne qui en sortit ruinée et impliqua la France, qui n'a jamais cessé de combattre les Habsbourg, les Provinces-Unies (Pays-Bas) et la Suède, puissance montante en Europe du Nord. Les traités de Westphalie amputent l'Empire de certains territoires comme la Poméranie occidentale au profit de la Suède et des cantons suisses dont ils reconnaissent l'indépendance ainsi qu'aux Provinces-Unies. La France annexe les Trois-Évêchés (Metz, Toul et Verdun), la Haute-Alsace, Brisach (Allemagne) et Pignerol, ville du Piémont. L'enjeu de ces traités est capital: il s'agit d'assurer une paix [11] durable dont tout le reste de l'Europe dépend et de régler enfin les questions religieuses. C'est pourquoi ils comportent toute une série de dispositions constitutionnelles régissant les relations entre l'Empire et les Etats le composant. L'Empereur ne peut pratiquement rien faire sans l'accord des Etats réunis en diète (assemblée) qui se voient accorder les droits complets de souveraineté. Enfin, en ce qui concerne le volet religieux, les trois confessions catholique, luthérienne et calviniste sont reconnues par les traités. C'est la fin du Saint Empire romain germanique, puisque l'Empereur ne peut plus, depuis la Réforme, administrer son empire à travers l'Eglise et qu'il a perdu sa légitimité papale auprès de ses sujets: c'est la fin de la notion d'empire telle que nous l'avons définie plus haut. Dans les faits, on a désormais affaire à un empire germanique obéissant à des règles purement juridiques, l'unité religieuse étant définitivement rompue. Il n'a plus désormais qu'une existence formelle, ce qui le rend particulièrement vulnérable, fragilisé de l'intérieur par la Prusse et l'Autriche qui tendent à s'en détacher et ne tardent pas à entrer en rivalité, et de l'extérieur par les appétits de conquête de puissances étrangères comme la France dont le roi, Louis XIV, veut agrandir le territoire.
La fragmentation et la fin de l'EmpireL'empereur s'oppose à la politique des réunions de Louis XIV et obtient le concours de la Suède, des Provinces-Unies et de l'Espagne pour former avec succès la Ligue d'Augsbourg, la France étant obligée de restituer tous les territoires qu'elle avait annexés, à l'exception de la Basse-Alsace et de Sarrelouis. Il faut dire que Louis XIV avait commis une énorme erreur stratégique en mettant le Palatinat à feu et à sang, ce qui avait entraîné le ralliement de la plupart des princes allemands à la bannière de l'empereur.
Pourtant, un danger beaucoup plus grand menace l'Empire, c'est la rivalité austro-prussienne qui tourne à l'affrontement: la Prusse remporte les deux guerres de Silésie et en prive définitivement l'Autriche. En revanche, cette dernière gagne la guerre de succession d'Autriche. Frédéric II, roi de Prusse à l'ambition démesurée, cherche à supplanter les Habsbourg. Cette rivalité trouve son paroxysme avec la Guerre de Sept Ans qui oppose également le Royaume de France au Royaume de Grande-Bretagne. Avec le jeu des alliances qui se rapportent à ces deux couples de belligérants, c'est toute l'Europe qui est touchée par ce conflit. Bien que Frédéric II ait failli conduire la Prusse au désastre lors de cette guerre, celle-ci jouit d'un prestige auprès d'un nombre grandissant d'Etats impériaux et conduit les Habsbourg à se recentrer sur l'Autriche qui se retrouve diplomatiquement isolée. Cependant, un nouveau danger menace l'Empire: la Révolution française. En effet, la France envahit la rive gauche du Rhin en 1794 conformément à la doctrine des frontières naturelles comme l'a dit Danton à la tribune de la Convention le 13 janvier 1793: "Les limites de la France sont marquées par la nature, nous les atteindrons des quatre coins de l'horizon, du côté du Rhin, du côté de l'Océan, du côté des Alpes. Là doivent finir les bornes de notre République". Si la Révolution française était au début bien accueillie par la plupart des intellectuels allemands, cette invasion et les annexions de territoires par la France change leur attitude à son égard et exalte en retour le sentiment national qui se répand dans toute la population allemande. Surtout lorsque le Premier Consul, Napoléon Bonaparte, réorganise l'Empire en réduisant les Etats de 330 à 100, supprime les principautés ecclésiastiques, renforçant de cette manière l'influence du protestantisme. Bonaparte, devenu Napoléon 1 er, oblige l'empereur François II à abdiquer en 1806. Il crée la Confédération du Rhin composée de 16 Etats. C'en est fini de l'Empire germanique comme l'Empereur des Français l'écrit à Talleyrand: " J'aurai cependant arrangé la partie de l'Allemagne qui m'intéresse : il n'y aura plus de diète à Ratisbonne, puisque Ratisbonne appartiendra à la Bavière ; il n'y aura donc plus d'Empire germanique, et nous nous en tiendrons là". Et si l'épopée napoléonienne s'achève pour l'Allemagne en 1813 après la bataille de Leipzig, elle y laisse des traces profondes, notamment en Prusse, pays qui a connu l'humiliation en voyant les troupes françaises défiler à Berlin après la bataille d'Iéna. Tout ceci génère en Allemagne une francophobie et marque le début d'un antagonisme franco-allemand.
Les philosophes allemands définissent la Nation comme l'ensemble des individus ayant en commun la langue, la religion, la culture, l'histoire. En revanche, la définition française de la Nation, repose sur l'universalité, celle de la raison et sur le contrat social entre les citoyens: " En France c'est l'État qui crée la nation, laquelle "produit " à son tour le peuple français, alors qu'à l'époque moderne, dans les pays de tradition impériale, ce sera au contraire le peuple qui créera la nation, celle-ci se dotant à son tour d'un État"[12]. Néanmoins, Napoléon propagea outre-Rhin les idéaux de la Révolution au point de marquer profondément la société allemande: la bourgeoisie libérale réclame des constitutions et des institutions pour le peuple. Ces revendications prennent corps après le Congrès de Vienne en 1815 et la création de la Confédération germanique regroupant 39 Etats, pâle succédané de l'Empire pour des théoriciens du nationalisme allemand comme Johann Gottlieb Fichte qui prennent conscience de la nécessité de créer un état allemand moderne et unifié. Elles débouchent sur les révolutions de mars 1848 dans 38 Etats allemands. Elles avaient été précédées par la révolution qui s'était déroulée en France le mois précédent pour donner naissance à la Deuxième République et donne de ce fait un signal encourageant aux révolutionnaires allemands. Mais ils doivent déchanter: ces révolutions sont réprimées et le modèle français se transforme en repoussoir lorsque Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République, fait son coup d'état le 2 décembre 1851 pour instaurer le Second Empire, ravivant ainsi le souvenir douloureux de Napoléon 1 er. En attendant, la Prusse et l'Autriche continuent de s'affronter et cette dernière perd la bataille de Sadowa le 3 juillet 1866. La Confédération germanique est dissoute et remplacée par la Confédération d'Allemagne du Nord totalement dominée par la Prusse. Elle est l'œuvre de Bismarck qui ne compte pas en rester là car il veut fonder un nouvel empire; il se heurte toutefois à une difficulté: les Etats allemands du Sud, notamment la Bavière, sont rétifs à une telle intégration tant les sentiments antiprussiens y sont vifs. Pour Bismarck, il n'y a qu'une seule solution: fédérer tous les Etats allemands face à un ennemi commun, la France. Le Second Empire a, dans un premier temps, suscité des craintes chez les Allemands qui voient bien au bout du compte que Napoléon III n'a pas l'envergure de son oncle, loin s'en faut. Bien au contraire, sa politique étrangère désastreuse donne des idées à Bismarck qui tend un piège à Napoléon III pour l'inciter à déclarer la guerre à la Prusse qui en sort victorieuse tant sa supériorité militaire est écrasante. Et ce n'est pas un hasard si l'empire allemand est fondé le 18 janvier 1871 en proclamant comme empereur Guillaume 1 er de Prusse dans la Galerie des Glaces au château de Versailles, le palais de Louis XIV, le roi dont les troupes avaient ravagé le Palatinat. Et là, on touche un point important: le nationalisme allemand se nourrit d'un esprit de revanche et s'oppose au nationalisme français, ce qui n'a plus rien à voir avec le patriotisme [13]. L'Allemagne moderne, pour son malheur, a fait son unité sous la férule d'un Etat militariste et conquérant, farouchement luthérien et anticatholique: Bismarck engage le Kuturkampf (combat pour la culture) contre les catholiques dont il perçoit la loyauté au pape comme une menace pour l'unité du pays, réveillant d'une façon inattendue le vieil antagonisme germano-latin. Cette politique est un échec, puisque le Zentrum, le parti des catholiques allemands, renforce sa position au Reichstag après les élections de 1874, devenant pour Bismarck un partenaire incontournable. Si la guerre franco-prussienne a permis à Bismarck de cimenter l'unification de l'Allemagne, il s'était opposé à l'annexion de l'Alsace et de la Lorraine, sa politique étrangère ayant toujours consisté à ne s'aliéner aucun pays afin de se ménager le plus grand choix possible pour d'éventuelles alliances. Or, avec cette annexion, il se développe en France une véritable germanophobie nourrie par une volonté de reconquête des territoires perdus, laissant présager à terme un nouveau conflit. L'avènement de Guillaume II va dans ce sens: le nouvel empereur, après avoir évincé Bismarck, concentre tous les pouvoirs et veut faire de son pays une grande puissance pour faire pièce à la France et à la Grande-Bretagne et entre en rivalité avec ces deux pays pour leur disputer des colonies en Afrique. Chose plus inquiétante, Guillaume II se livre à une course aux armements en développant une marine de guerre, menaçant la suprématie maritime du Royaume-Uni. L'Allemagne est donc passée de l'Empire à l'impérialisme avec cette constante: l'esprit de revanche. On connaît la suite et le calamiteux Traité de Versailles qui n'a fait qu'humilier l'Allemagne sans vraiment l'affaiblir et la stupidité en la matière des dirigeants français accrochés à cette antienne: "L'Allemagne paiera"[14]. Les Allemands ont signé l'armistice alors qu'aucune des troupes alliées n'avaient foulé leur sol, si bien qu'ils ne se sont jamais considérés comme vaincus. Pire encore, la France et la Belgique, sous un prétexte futile, envoient, le 11 janvier 1923, des troupes occuper la Ruhr pour obliger l'Allemagne à payer. Or, cette année-là, le pays connaît une hyperinflation de sorte qu'on arrive à une situation telle que le dollar américain vaut 4200 milliards de marks [15]! Si cette inflation avait des causes propres à l'Allemagne, les réparations de guerre exigées par la France n'ont fait qu'accroître la rancœur de la population allemande. C'est cependant la crise de 1929 qui sera déterminante quant à l'arrivée d'Hitler au pouvoir. En effet, après 1918, des hommes d'affaires américains avaient investi en Allemagne, attirés par sa puissance industrielle. Elle est donc le pays d'Europe le plus touché par le krach de Wall Street qui y produit ses effets destructeurs. Tous les historiens sont d'accord sur ce point: la montée du parti nazi est en étroite corrélation avec celle du chômage qui touche plus de dix millions de personnes. Le nazisme reprend tous les thèmes du nationalisme allemand en y ajoutant une notion de race, la race aryenne dont les Germains seraient les plus purs représentants; ce racisme biologique se combine avec la théorie de l'espace vital () qui préconise une extension territoriale et c'est l'Europe de l'Est qui devient une source de nouvel espace. Cette fois, on sort de l'antagonisme franco-allemand, cette nouvelle forme d'impérialisme touchant toute l'Europe. Et, chose sans précédent dans l'Histoire, cet impérialisme se double d'une volonté d'élimination de peuples considérés comme une race inférieure tels que les Juifs et les Tsiganes tout en ayant soin de le faire à l'abri des regards de la population allemande: les camps d'extermination comme Auschwitz, Chełmno, Belzec, Sobibor et Treblinka étaient situés en Pologne.
Le nazisme, ultime horizon de l'histoire de l'Europe?Après cette rétrospective à laquelle nous venons de procéder, les douze années terrifiantes du nazisme ne sauraient à priori occulter les siècles précédents qui ont marqué l'histoire européenne. Il ne s'agit évidemment pas de minimiser cette période et encore moins les horreurs qui l'ont marquée mais de la relativiser en l'inscrivant dans le long cours de l'Histoire, ce qui n'est pas du tout la même chose. Intrinsèquement, l'ignominie tapie au fond de l'âme humaine reste la même au cours des siècles, seuls les moyens changent; la cruauté des massacreurs de Vendée ne le cède en rien à celle des bourreaux des camps d'extermination car c'est la France qui a inauguré le premier génocide de l'Histoire. Elle traversa, de 1789 à 1795, six années de folie collective, le peuple participant activement à la Terreur. On peut dire que cette folie était un accident de l'Histoire et que, par conséquent les Français ne sont pas tombés définitivement dans la barbarie; certes, mais alors, pourquoi ne pas le reconnaître également pour les Allemands, alors que dans les deux cas, nous avons affaire à des peuples cultivés? Il persiste en France une profonde méconnaissance du monde germanique [16], malgré les efforts entrepris depuis le Traité franco-allemand que signèrent Charles de Gaulle et Konrad Adenauer le 22 janvier 1963. Les deux chefs d'Etat avaient parfaitement compris que le couple franco-allemand était le moteur de l'Europe et qu'une réconciliation officielle en était le préalable [17]. En attendant, on ne cesse, dans les médias, à tout propos et hors de propos, de se référer à la période nazie, Hitler étant devenu la référence ultime de tous les massacres et autres crimes contre l'humanité dans le monde. Cette référence vire à l'imbécillité, quand dans une discussion ou un débat, se trouvant à court d'argument, on en vient à une comparaison avec les nazis ou Hitler. C'est la loi de Godwin , du nom de son auteur, qui en a énoncé le principe. Tout ceci montre que l'Europe reste figée sur la plus sombre période de son histoire, donc qu'elle est incapable de la dépasser, surtout quand les sionistes, depuis la création d'Israël, ne cessent de vouloir la culpabiliser ad vitam aeternam en instrumentalisant de façon éhontée la Shoah et en procédant à cet effet à des "piqures de rappel" dans les médias: il ne se passe pas un mois sans qu'on évoque d'une façon ou d'une autre la période de la Deuxième Guerre mondiale et la "solution finale". La conséquence en est que l'on a cherché à faire l'union européenne sur le rejet de l'Histoire ("plus jamais ça"), en faisant table rase du passé, comme le firent les colons britanniques d'Amérique du Nord par la Déclaration d'Indépendance du 4 juillet 1776, prélude aux Etats-Unis d'Amérique.
Une construction européenne à l'américaineDans un précédent article , nous avions montré que les Américains avaient orchestré la construction européenne. Ils l'ont fait avec d'autant plus de facilité que les Européens ont adhéré à leur doctrine du libre-échange et puis ils se sont dit que les peuples qui commercent entre eux ne peuvent pas se faire la guerre comme l'écrit Montesquieu qui est à ce sujet sur la même ligne qu'Adam Smith, le père du libéralisme économique:
" Le commerce guérit des préjugés destructeurs, et c'est presque une règle générale que, partout où il y a des mœurs douces, il y a du commerce; et que partout où il y a du commerce, il y a des mœurs douces." [...] " L'effet naturel du commerce est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l'une a intérêt d'acheter, l'autre a intérêt de vendre ; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels"[18]. Si on comprend aisément que la question économique ait pu être prioritaire dans un premier temps pour une Europe dévastée par la guerre, on comprend moins pourquoi aujourd'hui encore, on ne parle de l'Europe qu'en termes d'économie et de finance. Cela s'explique par le fait, que dès le départ, il n'y avait aucun projet politique pour l'Europe. Par conséquent, on a considéré que le Traité de Rome à caractère purement économique et signé par la France, l'Allemagne, l'Italie, et les trois pays du Benelux (Belgique, Luxembourg et Pays-Bas) comme un acte fondateur dont tous les autres traités devaient nécessairement découler et non comme une étape vers l'union européenne. Cette erreur de perspective se trouve mise à nu par la fin des Trente Glorieuses et la mondialisation pour laisser apparaître l'inexistence de l'Europe politique. L'assertion selon laquelle les échanges économiques sont un facteur de paix pour les nations qui s'y livrent n'est valable qu'en période de prospérité mais plus lorsque survient une crise, la belle entente entre les pays se délite et peut conduire à une guerre économique. Car il y a une caractéristique commune à toutes les théories économiques, c'est l'optimisme béat de leurs auteurs qui, à aucun moment, n'y intègrent la notion de crise. On en a une illustration éclatante aujourd'hui avec la Banque centrale européenne qui est dans l'incapacité de venir au secours des pays de l'Union les plus endettés, simplement parce que ce n'est pas prévu dans ses statuts et qu'on n'y a pas pensé lorsque l'euro fut instauré. Les Européens n'ont pas imité les Américains au point de créer comme eux une sorte de réserve fédérale européenne. Ils ont également oublié que le crédo américain du rapprochement des peuples par le libre-échange ne peut s'appliquer que s'ils parlent la même langue et appartiennent à la même culture; ce ne sont qu'à ces deux conditions qu'ont pu se créer les Etats-Unis d'Amérique, cas sans précédent d'un pays entièrement nouveau, donc sans passé, à la différence d'une Europe qui se distingue par sa diversité et dont l'histoire remonte jusqu'à Charlemagne. C'est pourquoi on aurait tort de faire des Etats-Unis le bouc émissaire des tares de l'Union européenne. Par son économisme forcené et exclusif, l'Europe a oublié qu'elle était composée de nations et de cultures différentes.
Le propre de l'économisme, c'est de faire abstraction de toute considération nationale, culturelle ou sociologique. Aussi a-t-il servi les desseins des pères de l'Europe qui considéraient que les malheurs du Vieux Continent avaient pour cause le nationalisme, produit de la nation dont il fallait s'abstraire en se lançant à corps perdu dans l'économie: la construction européenne s'est faite sur le déni des nations qui va de pair avec le rejet de l'Histoire. Ensuite, on est passé du déni des nations à la dépossession progressive de leur souveraineté. En guise de gouvernement, il y a la Commission européenne composée de 27 commissaires choisis par les 27 pays membres. Depuis le traité de Lisbonne, les directives émises par cette commission doivent être ratifiées par le Parlement européen, seule institution politique de l'Union européenne. Cependant, il ne peut censurer la Commission que sur sa gestion, mais cela n'entraîne aucunement la démission de ses membres. L'Union européenne ne se contente pas d'échapper au contrôle des peuples, elle s'est montrée au fil du temps de plus en plus antidémocratique.
Une Europe antidémocratiqueOn n'a pas oublié la façon dont a été organisée en 1992 la ratification du Traité de Maastricht: les Danois, dans un premier temps, avaient voté non et comme cela ne plaisait pas aux technocrates de Bruxelles, on fit revoter le Danemark quelques mois plus tard, qui vota "dans le bon sens". On n'a pas oublié non plus à cette occasion le terrorisme intellectuel auquel s'était livré Jacques Delors qui présidait la Commission européenne par cet argument qui peut être résumé ainsi: si vous votez contre le Traité de Maastricht, vous votez contre l'Europe. Les Monnet, Schuman, Spaak et consorts ont bien atteint leur objectif en empêchant d'emblée tout débat sur la construction européenne, conformément à la doctrine américaine. L'impudence de ces messieurs de Bruxelles ne s'est pas arrêtée là avec le Traité constitutionnel de 2005 qui, après avoir été rejeté par les Néerlandais et les Français est devenu le Traité de Lisbonne après, il est vrai, des ambitions revues à la baisse (notamment il n'est plus "constitutionnel") mais gardant l'essentiel du TCE (Traité constitutionnel européen). Après, il ne faut pas s'étonner de voir l'abstention grandir à chaque renouvellement du Parlement européen. Il ne faut pas s'étonner davantage de voir une population de plus en plus irritée par l'arrogance de Bruxelles et de l'immixtion de tel ou tel commissaire européen dans la vie politique d'un des pays membres. Mais le pire, c'est que la Commission européenne est vendue aux lobbys (qui ont d'ailleurs pignon sur rue à Bruxelles) que constituent les multinationales, notamment du côté de l'agro-alimentaire et pharmaceutique. C'est ainsi qu'une directive européenne , émise le 31 mars 2004 et interdisant de fait l'usage des plantes médicinales doit entrer en application le 1 er avril 2011 au profit immédiat de "Big Pharma". Voilà où mène l'économisme quand il se combine avec l'ultralibéralisme. Une autre Europe était-elle impossible comme on a voulu nous le faire accroire? Certainement pas. Il ne s'agit évidemment pas de restaurer sous une forme ou sous une autre l'empire carolingien, surtout quand on voit la déchristianisation actuelle des sociétés occidentales mais de recourir à son avatar moderne, le fédéralisme
Le fédéralisme, seule alternative pour l'EuropeDéjà, on constate que tous les grands pays démocratiques ont un système parlementaire bicaméral (deux chambres) sauf exceptions, quand leur petite taille ou leur faible population les en dispense, comme en Suède, à savoir: une représentation du peuple par les députés qui votent les lois et contrôlent le gouvernement et une représentation des collectivités territoriales. On pouvait s'inspirer de la Confédération suisse pour créer des institutions respectant les nations tout en créant une véritable union. En Suisse, le pouvoir législatif est exercé par l'Assemblée fédérale, qui est formée de deux chambres : le Conseil national (200 membres), formé des représentants du peuple, et le Conseil des États (46 membres), le pouvoir exécutif est exercé par le Conseil fédéral, formé de 7 membres (conseillers fédéraux). Pourquoi la Suisse? Parce que c'est le seul pays qui a fait son unité avec quatre langues officielles (allemand, français, italien, romanche), qui résout ses problèmes de société en consultant la population et dont le mode d'organisation politique est l'héritage moderne et démocratique du Saint Empire romain germanique auquel les cantons suisses ont appartenu.
Un rendez-vous manqué avec l'HistoireIl y a eu une période durant laquelle il était possible de construire un autre Europe, c'était celle qui allait de 1963 (année de la signature du Traité franco-allemand) à 1981 (avant la présidence de Ronald Reagan, le champion de l'ultralibéralisme qui a contaminé l'économie mondiale). Puisque les deux conflits mondiaux résultaient principalement d'une incompréhension entre les peuples français et allemand, on pouvait commencer par se plonger dans l'Histoire comme nous l'avons esquissé et par conséquent mettre la culture au cœur de l'unification de l'Europe, tant il est vrai que la haine, génératrice de conflits, est un des fruits vénéneux de l'ignorance. L'Europe a des racines culturelles profondes et sa civilisation est chrétienne. Il y avait une possibilité de mettre en exergue tout le riche patrimoine culturel de l'Europe, nos racines car si on ne sait plus d'où on vient, comment savoir où on va? Seule une telle démarche, tout en reconnaissant la diversité de l'Europe, était susceptible de mettre en évidence ce que les nations qui la composent ont en commun. On a fait l'inverse en faisant comme si les nations ne devaient plus exister, oubliant au passage que les institutions européennes leur doit leur existence, tandis que la culture a été traitée à la marge quand elle n'a pas été reléguée au rang de gadget. Non seulement tout a reposé sur l'économie mais l'Union européenne s'est lancée à corps perdu dans le libre-échange. Et de 2004 à 2007, elle est passée à 27 pays membres, essentiellement de l'Europe de l'Est, en se montrant beaucoup moins exigeante sur les critères d'adhésion que lors des élargissements précédents avec pour conséquence des délocalisations massives en raison de la faiblesse des revenus et des systèmes sociaux des anciens Pays de l'Est. Avec l'euro, on a péché par monétarisme, en s'imaginant que la monnaie unique allait entraîner la convergence des économies alors que cette dernière était au contraire un préalable à sa création. Enfin, il y a une contradiction flagrante entre une gestion rigide de l'euro et un libre-échange incontrôlé, tout cela laissant présager un effondrement de l'Union européenne surtout quand celle-ci, pour fonctionner, devient d'année en année toujours plus complexe au point de consommer, comme l'ont estimé les Allemands et les Britanniques en 2009, 4,5% du PIB.
Au bout du compte, ce que l'on nomme Union européenne n'est plus qu'une métastase de 27 pays dont le seul point commun est de se situer sur le même continent, une Europe du néant.