Rogier van der Weyden (Tournai, c.1399-Bruxelles, 1464),
Vierge à l’Enfant, c.1433.
Huile sur bois, 15,8 x 11,4 cm,
Madrid, Musée Thyssen-Bornemisza.
De Gilles Binchois (c.1400-1460), on connaît surtout des chansons, dont on conserve une soixantaine qui se placent parmi les plus belles écrites au XVe siècle. Sa production sacrée demeure encore peu explorée et la parution, dans le cadre de la nouvelle collection dédiée à la musique médiévale initiée par le label Æon, de L’Argument de beauté, qui en présente un choix, est assurément une excellente nouvelle, d’autant qu’il permet également de retrouver l’excellent ensemble féminin Discantus.
Contrairement à ses contemporains, et particulièrement à l’illustre Guillaume Du Fay (c.1400-1474), la composition d’œuvres
sacrées semble n’avoir qu’assez peu retenu l’attention de Binchois. C’est, du moins, ce que nous permettent de déduire, en l’absence des livres de chœur de la Chapelle du duc de Bourgogne, au
service duquel le musicien fut de la fin des années 1420 à 1453, les œuvres dispersées dans différents manuscrits, avec tous les problèmes d’authenticité qu’induit cet éparpillement. En l’état
actuel de nos connaissances, Binchois semble n’avoir écrit aucune de ces vastes messes unitaires qui permettaient à ses collègues de faire montre de leur maîtrise.
Pour notre plus grand bonheur, les enregistrements de Discantus (photo ci-dessous) se suivent et se ressemblent pour ce qui
est de leur qualité et je saisis l’occasion que m’offre cette chronique pour saluer le travail de cet ensemble qui, depuis une vingtaine d’années, œuvre avec grâce et détermination pour faire
revivre tout un pan de la musique du Moyen-Âge. L’Argument de beauté est une nouvelle réussite à mettre à son actif et on y retrouve la souplesse, la luminosité, la tendresse qui
caractérisent son approche de ce répertoire. Fruit de recherches musicologiques menées par Brigitte Lesne, Isabelle Ragnard et la fidèle Marie-Noël Colette, cette anthologie intègre de façon
convaincante, tout au long d’un parcours qui met très judicieusement en résonance des pièces de Binchois et d’anonymes de la même époque, les trouvailles les plus récentes en matière de
prononciation du latin et de musica ficta, preuve supplémentaire de l’extraordinaire vitalité de ce laboratoire que constituent les musiques anciennes.
Ce nouvel enregistrement de Discantus est incontestablement à marquer d’une pierre blanche, tant par le choix d’œuvres qu’il propose que par la qualité de l’interprétation. Le voyage qu’il offre dans la musique de Gilles Binchois et du XVe siècle est superbe et l’auditeur, toutes réserves bannies, ne peut que succomber devant cet imparable Argument de beauté.
Discantus
Brigitte Lesne, chant, cloches à main & direction
1 CD [durée totale : 57’37”] Æon ÆCD 1096. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.
Extraits proposés :
1. Gilles Binchois : Salve sancta parens, Introït
2. Anonyme : Omnes una gaudeamus, Carol
3. Gilles Binchois : Kyrie
4. Anonyme : Diffusa est gracia – Propter veritatem, Graduel
Illustrations complémentaires :
Jan van Eyck (Maaseik ? c.1390/95-Bruges, 1441), Portrait d’homme, dit Tymotheos (Gilles Binchois ?), 1432. Huile sur bois, 34,5 x 19 cm, Londres, National Gallery.
La photographie de l’ensemble Discantus est tirée du site du Centre de musique médiévale de Paris.