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Mardi 9 novembre 2010 - Séance de 16 heures 15 - Compte rendu n° 13
Présidence de M. Christian Jacob Président et de M. Patrick Ollier Président de la commission des affaires économiques
– Audition, commune avec la commission des affaires économiques, de M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur la filière photovoltaïque
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a auditionné, conjointement avec la commission des affaires économiques, M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur la filière photovoltaïque.
M. le président Patrick Ollier. Monsieur le ministre d’État, les membres de Commission des affaires économiques et ceux de la Commission du développement durable sont heureux de vous entendre sur le pilotage de la filière solaire photovoltaïque. En effet, nous nous interrogeons les uns et les autres sur son développement.
L’explosion de la bulle, avec les derniers arrêtés tarifaires, pose plusieurs problèmes. Comment redresser la barre afin de respecter la trajectoire prévue par la programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité (PPI) ? Quel est l’avis du Gouvernement sur les propositions du rapport de la mission relative à la régulation et au développement de la filière photovoltaïque en France – dit aussi « rapport Charpin » ?
S’agissant du mode de financement, pourrons-nous nous en tenir à la seule contribution au service public de l’électricité ? Nous sommes très inquiets de la progression quasiment géométrique de la contribution au service public de l’électricité (CSPE).
Quelle stratégie industrielle pouvons-nous définir ?
Après les derniers arrêtés tarifaires, l’état de la « file d’attente » nous préoccupe aussi beaucoup.
Notre commission souhaite que des dispositions réglementaires, dont certaines ont déjà été prises, puissent empêcher une spéculation scandaleuse sur l’énergie photovoltaïque. Autant le développement d’une énergie renouvelable de qualité doit être encouragé, autant il faut éviter que la spéculation transforme une incitation fiscale vertueuse au soutien d’une énergie renouvelable en moyen de spéculation scandaleux.
M. le président Christian Jacob. Mes préoccupations rejoignent largement celles du président Patrick Ollier.
Monsieur le ministre d’État, pouvez-vous d’abord nous éclairer sur les files d’attente ? En se fondant sur le nombre de propositions techniques et financières (PTF), 90 % des objectifs fixés en 2020 seraient atteints, nous dit-on, dès 2009. Mais, selon d’autres informations, l’écart entre les PTF et le nombre de projets réalisés serait relativement élevé.
Cette situation s’explique par des prises de positions, par lesquelles quelques gros porteurs de projets s’assurent des tarifs d’un niveau élevé. Pour remédier à cette situation, une fois la PTF déposée et l’autorisation accordée, ne serait-il pas possible de fixer, pour la réalisation du projet, un délai maximal d’un an ou deux ans au-delà duquel l’engagement sur les tarifs deviendrait caduc ? Ainsi, les chiffres ne seraient pas faussés.
L’augmentation des tarifs de l’électricité aurait pour origine, nous dit-on aussi, la seule énergie photovoltaïque. Pourriez-vous clarifier à notre intention la clef de répartition de la CSPE ? Elle contribue au financement des tarifs sociaux, de la cogénération, de l’éolien, des autres énergies renouvelables, de la continuité territoriale. Quelle est sa part consacrée au photovoltaïque ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Nul ne peut contester, comme le rappelait excellemment Serge Poignant dans son rapport, que, pour s’équiper ou changer son bouquet énergétique, le monde se tournera vers des énergies locales. Celles-ci sont extrêmement diverses : biomasse, énergie hydraulique, énergie marine, éolien implanté en mer, énergie solaire, photovoltaïque…L’une des grandes batailles économiques dans le monde porte sur ces filières professionnelles. Pour diverses raisons, ces dernières années, la France a peu développé les équipements de production de ces énergies ou les filières professionnelles destinées à les fabriquer.
L’enjeu est clair : tout en maintenant ses capacités nucléaires, la France est-elle capable, grâce au prix extrêmement bas de l’énergie nucléaire elle-même, de développer des filières pour ces différentes énergies ? Le Parlement a répondu oui. Avec la PPI, il a même établi une programmation extrêmement précise de production et de financement filière par filière.
Le développement des filières thermique, solaire, éolienne et de la biomasse se poursuit, pour l’heure, sans effet perturbateur. Il est même en avance sur la PPI.
Pour développer une filière, pour que des artisans se forment, un pays doit être pourvu d’un marché domestique. Dans le monde occidental, l’instrument essentiel de développement de l’ensemble des filières du secteur photovoltaïque a été l’obligation de rachat par l’opérateur principal à un tarif imposé.
Dans l’ensemble, les nomenclatures adoptées sont assez proches des nôtres, du bâti intégré jusqu’à la ferme solaire au sol en forêt. En revanche, eu égard à l’ampleur de son retard, la France a adopté des tarifs légèrement plus élevés que ceux de l’Espagne ou de l’Allemagne. Des simplifications administratives ont été effectuées : deux autorisations ont remplacé les douze existantes, cinq pages en ont remplacé 50. En revanche, la fixation du tarif reste une question posée.
En France, la filière professionnelle, constituée uniquement d’installateurs, de conseillers, d’assembleurs, est aujourd’hui en train de se qualifier : 32 000 artisans ont été formés par le programme de recherche et d’expérimentations sur l’énergie dans le bâtiment (PREBAT). En revanche, la France ne compte ni concepteurs, ni constructeurs de cellules. Si deux investissements internationaux – seulement – sont en cours, le succès de ces opérations indispensables n’est absolument pas certain.
Nous devons faire face à deux enjeux. Le premier consiste à maintenir le rythme de développement en évitant les effets d’aubaine.
Le deuxième est d’offrir aux opérateurs une lisibilité suffisante. Toutefois, des tarifs élevés longtemps garantis ne sauraient en tenir lieu : chacun, et d’abord les professionnels, sait que cette solution n’est pas durable. Le risque est celui d’un violent « effet de cloche », comme en Allemagne ou en Espagne, où la filière s’est quasiment arrêtée il y a deux mois. Personne ne peut penser qu’un pays peut être massivement équipé pour la plus coûteuse de celles des énergies qu’il produit.
Néanmoins, l’accompagnement du développement de la filière doit être poursuivi. Des taux de croissance de 250 % à 300 % par an offrent en effet par eux-mêmes une vraie visibilité non seulement aux installateurs, aux exploitants et aux assembleurs, mais aussi aux industriels.
Une filière durable doit être construite, sur la base de cellules dont le prix s’effondrera durablement. La France dispose des compétences nécessaires. Autour des équipes du directeur délégué aux énergies renouvelables du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), M. Jean Therme, à Chambéry et à Grenoble, travaillent 650 ingénieurs du CEA, de l’Institut national de l’énergie solaire (INES), du CNRS, du CEA, du BRGM et de l’IFP Énergies nouvelles. Alors qu’une augmentation de 1 % de la performance d’une cellule sur un an produit déjà des résultats considérables, c’est 2 % à 3 % qu’ils essaient de gagner.
L’importation massive de produits chinois est une difficulté que nous partageons avec l’Allemagne et l’Espagne.
Pour nous doter d’un secteur industriel, nous devons de disposer d’un starter et assurer un soutien. Cependant, celui-ci doit être proportionnel à l’effondrement du prix de production du produit ; autrement, il ne créerait qu’un effet d’aubaine, dont le consommateur retrouverait le coût sur les montants de ses factures d’électricité.
La répartition des financements de la CSPE est trompeuse. Certes, aujourd’hui, alors que les énergies renouvelables en représentent 20 %, la part du photovoltaïque n’en est que 2 %, dix fois moins – soit, en valeur absolu 66 millions en 2009. Cependant, le raisonnement doit être tenu sur cinq ans. Cela étant, le rythme actuel d’accroissement de la demande, de 1 000 % ou 1 200 % – le rythme de 200 % à 300 % est celui du développement des installations – conduit, malgré les réductions de tarifs, à un schéma sans rapport avec celui arrêté par le Parlement, c’est-à-dire une filière professionnelle ayant la capacité de produire, à l’horizon 2020, 5 400 mégawatts durant trente ou quarante ans.
Si, à performance équivalente, les prix du photovoltaïque ne baissaient pas, et si ceux de l’électricité traditionnelle, qui inclut le nucléaire, n’augmentaient pas – deux hypothèses peu probables, mais nous ne sommes pas capables de proposer un chiffrage –, le développement du photovoltaïque aboutirait à un surcoût de 2,4 milliards d'euros en 2020. Nous considérons néanmoins cette hypothèse comme peu probable ; pour nous, ce surcoût se limitera à 1 ou 1,5 milliard d'euros, sauf à ce que les prix de l’électricité augmentent beaucoup, hors CSPE.
Chacun argue de son besoin de lisibilité pour demander le maintien des tarifs dans les mois qui viennent. Mais le maintien des tarifs ne créera pas de lisibilité ! L’absence d’adaptation permanente des tarifs au coût réel de production créerait au contraire un accélérateur invraisemblable. Le produit cesserait d’être un produit énergétique pour devenir l’objet d’une bulle financière. Le marché serait alors tué : aucun industriel ne se développera pour appuyer un marché devenu un simple effet spéculatif.
La lisibilité, c’est donc l’adaptation permanente proposée par le rapport Charpin. Au reste, la modification de tarif que nous avons décidée n’a créé un phénomène d’accélération que pendant les deux semaines qui l’ont précédée. Néanmoins, cette baisse, de l’ordre de 12 % – et qui n’a exclu que le seul secteur du bâti intégré, où nous défendons une technologie française spécifique et performante –, n’a pas empêché l’accélération du nombre de demandes de raccordement.
Qu’est-ce que la « file d’attente » ? En même temps qu’il présente un projet et ses spécificités techniques, un opérateur demande le raccordement au réseau de distribution électrique et la mise en oeuvre de l’obligation d’achat par EDF. La file d’attente, c’est celle des projets déposés mais non encore raccordés : c’est en effet au moment du raccordement que l’obligation de rachat est décidée.
Les mêmes qui plaident pour le maintien du tarif, au motif que la file d’attente est « bidon », sont aussi ceux qui la créent !
Les demandes de la file d’attente antérieure ont été presque toutes honorées. Seuls les projets sans consistance, envoyés simplement « au cas où », ou non financés, ne l’ont pas été. Les dossiers non pris en compte sont ceux de personnes qui trichent, parce qu’elles n’ont pas l’accord des propriétaires, agissent pour compte de tiers, ou ont inscrit des projets sans contenu réel simplement pour préempter des baisses de tarifs ; or les personnes qui présentent ces projets ne peuvent pas faire partie de la file d’attente.
Notre raisonnement est fondé sur les projets en demande sérieuse de raccordement auprès d’ERDF : leur progression est de 800 %. La file d’attente correspondant, quant à elle, à la totalité de la puissance installée en 2020, tous les projets qui y sont inscrits n’iront pas, Dieu merci, à leur terme.
En tout état de cause, la question de fond est celle des tarifs de demain. Nous ne pouvons malheureusement pas trouver d’autre procédure.
Nous sommes d’accord pour appliquer, à l’essai, la demande de la commission du développement durable d’une purge plus fréquente de la file d’attente, tous les ans. Nous avions fixé une durée de 24 mois car, pour traiter certains dossiers objectivement sérieux, il faut parfois un délai supérieur à un an. Si la révision annuelle de la liste d’attente n’interdit pas les réinscriptions, nous ne voyons pas d’obstacle à l’expérimentation de ce nouveau délai.
Le rapport Charpin considère que les opérations « au sol », c’est-à-dire les opérations importantes qui à la fois coûtent et aboutissent à de très larges dépassements des objectifs, doivent être conduites par appel d’offres et contrôlées chaque année. Pour le reste, il conseille de ne pas trop bouger sur le bâti, sur le bâti intégré, sur, globalement, tout ce qui est à haute valeur ajoutée.
Nous voulons désormais ajouter une éco-condition aux panneaux photovoltaïques. La vocation de la filière professionnelle n’est pas de subventionner des panneaux venus de pays très amis, mais très lointains. Sous réserve de faisabilité juridique, nous allons donc introduire un dispositif de bonus-malus sur les panneaux, fondé sur leur bilan carbone. Dès lors que nous avons déjà mis en œuvre un tel dispositif, pourquoi ne pourrions-nous pas recommencer ? Ajouté à la formation, aux travaux et au génie des équipes de Jean Therme, aux deux investissements industriels et à la baisse des prix des panneaux eux-mêmes, ce nouveau dispositif devrait nous permettre de développer la filière.
Les zones propices au développement des éoliennes en mer, que vous avez souhaité voir établir dans le cadre de la PPI, sont à peu près définies. La réalisation du projet global de six gigawatts devrait avancer, prudemment, par tranches de deux. Nous n’allons pas, je crois, au-devant de très fortes difficultés. Le pilotage devra bien entendu être effectué au vu des conséquences pour la CSPE, et en gardant à l’esprit le développement des filières professionnelles. Bien sûr, les élus concernés seront associés très étroitement au préalable.
M. François Brottes. Nous sommes réunis aujourd’hui pour nous livrer à un examen de la situation de crise que traversent certaines filières. Nous avons du mal à savoir si, en cette affaire, le pilotage est vraiment assuré.
L’Europe a fixé deux objectifs forts, les économies d’énergies et le développement de celles qui sont renouvelables. L’évolution, annoncée comme favorable en termes d’objectifs, semble l’être moins sur le terrain.
Il se trouve que les mêmes règles sont appliquées à des pays aux bouquets énergétiques différents. Or, celui de la France est très spécifique. De plus, nous appliquons aux énergies renouvelables des méthodes, des règles différentes selon leur nature : ici, il est procédé par appels d’offres ; là, il y a effet d’aubaine ; là encore – pour l’éolien –, il y a surréglementation.
De plus, l’ensemble des productions énergétiques nouvelles doit circuler sur un réseau unique. Or, la problématique d’équilibre qui s’applique sur celui-ci aboutit à rendre inutile le développement des énergies renouvelables dans des régions déjà excédentaires en énergie.
Alors que l’énergie devrait être répartie pour être régulée, nous ne disposons pas de dispositions de régulation, même si des schémas régionaux ont été adoptés dans le cadre du Grenelle.
Disposons-nous, pour produire localement de l’énergie, de la capacité de constituer des réseaux indépendants du réseau principal ?
Encourageons-nous autant qu’il le faudrait l’économie d’énergie ? Cet été, les tarifs « heures creuses » ont été augmentés sans vergogne. Pourtant, leur objectif est de mieux répartir la consommation d’énergie tout au long de l’année.
Nous ne pouvons que constater une gestion absolument erratique !
Monsieur le ministre d’État, vous n’avez pas toutes les cartes en main : certains dossiers sont gérés à l’Élysée, d’autres à Bercy, d’autres encore au sein de vos services. D’où des incohérences de traitement, une fois aux dépens du photovoltaïque, une autre de l’éolien, une troisième du solaire non photovoltaïque. Le recours à ce dernier – dont on parle peu – ayant l’avantage d’éviter de consommer de l’énergie du réseau, on aurait tort de ne pas encourager son développement.
La primauté de l’énergie nucléaire, mais aussi le poids de l’électricité hydroélectrique, donnent au bouquet français un caractère particulier qui empêche d’y traiter des énergies renouvelables selon les mêmes modalités que dans les autres pays.
Monsieur le ministre d’État, une gestion locale de la production d’énergie, dotée de réseaux locaux faisant fi d’un réseau principal, est-elle possible ?
D’autre part la mise en œuvre des énergies renouvelables ne devrait-elle pas être régulée, sur le plan tant de leurs heures d’utilisation que de leur implantation géographique, les deux étant liées ?
Une méthodologie de mise en œuvre dans des conditions comparables des filières ne devrait-elle pas remplacer la démarche actuelle, qui, selon les cas et les circonstances, privilégie les unes ou les autres ? Quelles perspectives de régulation de l’ensemble des énergies renouvelables et des économies d’énergie envisagez-vous ? Il me semble difficile de ne traiter que du seul secteur photovoltaïque.
M. Serge Grouard. La logique d’amorçage très rapide que nous connaissons nous ouvre deux voies d’interprétation. La première est celle du rattrapage du temps perdu et d’une brusque montée en puissance. Celle-ci crée forcément des turbulences, causées par la réussite elle-même. Leur absence signifierait, du reste, l’échec du développement des filières.
La deuxième est la persistance d’un immobilisme, qui, comme cela a été le cas pour les périodes antérieures, nous amènera au bout de vingt ans à constater une quasi-absence de réalisation.
Les turbulences et difficultés que nous rencontrons me semblent donc, plutôt, les signes positifs d’un foisonnement et d’une croissance forte.
Ensuite se pose la question de la régulation. Du côté de la demande, je constate certes l’existence d’effets d’aubaine, mais aussi – et c’est pour moi l’élément essentiel – l’envie, la volonté de nos concitoyens de progresser vers un bouquet énergétique diversifié et un recours accru aux énergies renouvelables.
Du côté de l’offre, je voudrais aborder à la fois l’effet qualité et l’effet prix. Je m’interroge sur la bonne facture des matériels et des équipements importés. Mon sentiment – que je ne peux cependant pas démontrer – est celui de l’existence de marges qualitatives fortes, et donc d’une opportunité tout aussi forte pour le développement d’une filière industrielle française.
Monsieur le ministre, vous nous avez signalé l’existence de programmes de recherche, de développement et d’innovation. Mais les délais que demandent la recherche et l’innovation ne s’inscrivent pas dans le temps court d’une montée en puissance rapide. Par ailleurs, leurs processus sont non pas linéaires mais itératifs. Enfin, la France butte toujours devant une difficulté récurrente, celle de la transformation de la recherche en innovation industrielle. Dans le domaine du photovoltaïque, mais aussi, de façon plus générale, dans celui des énergies renouvelables, nous disposons d’un tissu de chercheurs et d’ingénieurs de grand talent, mais pas forcément de filières industrielles. Comment donc convertir avec profit nos belles découvertes en processus industriels ?
S’agissant de l’effet prix, pouvons-nous disposer aujourd’hui de simulations, de modélisations et de perspectives quant à son évolution dans les dix ans qui viennent ? Une prospective efficace nous permettrait de répondre à la question des tarifs
M. Daniel Paul. Nous sommes aujourd’hui tous d’accord pour la mise en place dans notre pays d’un bouquet énergétique prenant en compte les moyens de production de l’ensemble des filières et tendant à les développer de façon aussi harmonisée que possible.
Il y a une quarantaine d’année, la France a su inventer de nouvelles technologies, en particulier la technologie nucléaire, tout en maintenant un tarif bas de l’électricité et en développant la recherche et l’emploi. Monsieur le ministre, ce succès difficile, a été accompli par une entreprise publique. Il faut y parvenir pour les ENR.
Aujourd’hui, nous avons visiblement changé de monde. Depuis quelques années, la libéralisation du secteur a créé une nouvelle donne. Pourtant, la CSPE devrait continuer à s’accroître. Or, à travers la CSPE, ce sont les usagers de l’électricité – terme que je préfère à celui de clients – qui sont taxés.
Ces constats m’amènent à trois questions.
Monsieur le ministre, ne faudrait-il pas cesser de faire prendre en charge les surcoûts dus aux énergies renouvelables par la seule CSPE, et au contraire les transférer à l’État ?
M. Thierry Benoit. Il n’en a pas les moyens !
M. Daniel Paul. Pensez-vous que les usagers ont les moyens de payer ce qui va leur être demandé ?
De plus, tout confirme que d’autres éléments vont venir faire exploser les tarifs de l’électricité ; je pense notamment à ce qui se prépare dans le domaine de la distribution et aux aventures internationales de certains.
Deuxièmement, comment veiller, monsieur le ministre, à ce que l’augmentation en volume de la production d’énergie renouvelable corresponde bien à la réduction de l’usage des énergies fossiles les plus polluantes à l’issue de la décennie, dans la ligne de la PPI actuelle ?
Troisièmement, quelle est, dans la production des énergies renouvelables – y compris le photovoltaïque –, la part de la filiale spécialisée d’EDF, EDF-Énergies nouvelles ?
M. Jean Dionis du Séjour. Depuis l’origine, les centristes se considèrent comme des militants du Grenelle. Nous sommes reconnaissants du réel décollage des filières d’énergie renouvelable qu’il a permis. Nous commençons à voir apparaître les emplois qui lui sont consécutifs : les deux dernières implantations industrielles nouvelles en Lot-et-Garonne sont une usine de panneaux photovoltaïques – Fonroche – à Agen, et une autre travaillant dans la filière bois. Tout en ne méconnaissant pas les enjeux financiers de la CSPE, nous constatons que la filière industrielle française a multiplié sa capacité de production par huit en trois ou quatre ans. Aujourd’hui 305 mégawatts sont installés ; il y en aura environ 610 en 2012.
Puisqu’il faut, nous le savons bien, réguler le développement du photovoltaïque, quel quota annuel d’accroissement de puissance envisagez-vous : 500 mégawatts ? 800 mégawatts ? Les Espagnols ont tué très vite leur filière photovoltaïque : le quota solaire a brutalement chuté de deux gigawatts à 500 mégawatts ! La régulation doit donc être conduite avec doigté.
La filière va aussi progressivement gagner en valeur ajoutée. Composée uniquement d’assembleurs de panneaux, elle intègre progressivement la fabrication des cellules photovoltaïques. Si aujourd’hui une seule société, Photowatt, en fabrique, on estime qu’en 2012, pratiquement 60 % de ces cellules seront construites en France.
Comment allez-vous protéger cette filière ? L’instauration d’un bonus-malus sur le bilan carbone est-elle la bonne idée ? Lors de votre visite à Agen, nous avions constaté, avec les fabricants de panneaux, qu’un tel dispositif serait difficile à mettre en œuvre. Les Chinois aussi disposent d’énergie propre : il suffit d’évoquer le barrage des Trois Gorges et ses 23 gigawatts de puissance hydroélectrique.
L’industrie vous suggère d’autres pistes. La première est celle d’un système de quotas. Son souhait est qu’une partie massive de l’accroissement de puissance qui sera ouvert par la régulation soit réservée au bâtiment – toitures industrielles, agricoles, tertiaires –, une partie aux particuliers et le moins possible, voire rien, aux fermes au sol, car, en ce domaine, les Chinois sont très forts. Êtes-vous ouvert à ce système de sous-quotas ?
Seriez-vous également ouvert, monsieur le ministre, à une autre proposition de l’industrie, celle de tarifs dégressifs selon la puissance du projet et consistant en un tarif plein en dessous de 250 kilowatts diminuant ensuite par tranche ? Elle nous semble quant à nous positive pour aider la filière et dissuader la concurrence.
Enfin, monsieur le président, la Commission pourrait entendre l’industrie photovoltaïque de France, et plus particulièrement M. Yann Moss, président de la Fonroche.
M. le président Patrick Ollier. Le président Christian Jacob rappelle que nous entendrons la semaine prochaine les porteurs de projets. Monsieur le député, nous allons également réfléchir à votre suggestion.
M. le ministre d’État. Monsieur Brottes, un Allemand paye son électricité 87 % de plus qu’un Français. La moitié de cet écart est due à la stratégie allemande de développement des ENR. Vouloir porter immédiatement à quelque 35 % en France la part des énergies renouvelables va tuer la filière. Ce sont les prix extraordinairement bas du nucléaire qui nous permettent de concevoir une stratégie.
Le Parlement a voté à l’occasion de la loi « Grenelle II » un article sur les schémas locaux de raccordement aux réseaux. La vraie difficulté pour l’optimisation de la production est son insertion dans le réseau. Autrefois, la production d’énergie alternative française était si faible qu’elle pouvait être prise en charge dans le réseau sans équipements spécifiques. Tel n’est plus le cas – j’ai d’ailleurs visité près de Saint-Denis une nouvelle structure de dispatching. Aujourd’hui, par exemple, la production d’énergie alternative, c'est-à-dire intermittente, du département des Landes correspond à trois fois et demie sa consommation, ce qui crée une véritable difficulté de gestion.
La conception de schémas de gestion et la réglementation des prévisions sont absolument nécessaires. Quant à l’élaboration de schémas locaux de production, elle ne rencontre aucune hostilité de ma part.
Considérer que la politique des énergies renouvelables serait gérée sans concertation par plusieurs acteurs – l’Élysée, Bercy, et le ministère du développement durable –, relève de la bande dessinée. La réalité est celle d’une stratégie qui s’adapte en permanence. Nous tentons de développer, au moindre coût, une filière professionnelle solide et durable, disposant de visibilité. Quant aux produits concernés, ils sont très mobiles, géographiquement et en termes de coûts.
Monsieur Grouard, quel autre secteur profite d’une croissance de 800 % à 1 000 % en 24 mois, autrement dit de 500 % par an ? Une telle évolution mérite une gestion spécifique. Je suis très heureux que vos commissions continuent à s’y intéresser autant. Nous aurons en effet besoin d’analyses croisées sur la turbulence, sur les risques de surchauffe, sur l’intérêt de cette filière pour l’emploi. Que le développement du photovoltaïque en France provoque un surcoût d’un ou deux points de pourcentage est acceptable s’il aboutit à la création d’une filière durable. Si le surcoût est trop important, son intérêt est moins évident. Nous devons travailler à établir les critères.
Nous avons entrepris d’analyser la qualité des matériaux importés. En pourcentage instantané de performance, ils sont moins mauvais que ce qu’on nous avait raconté ; en revanche, sur la durée, ils sont presque aussi mauvais qu’on nous l’avait dit.
La recherche est en effet notre grande difficulté. Cela dit, les équipes sont très opérationnelles. Ce sont, au départ – et pour parler vite – celles de Photowatt. Elles sont en relation avec les équipes de Renault et de Bolloré qui travaillent sur les batteries au lithium polymère. Je rappelle que vous avez voté 1,2 milliard d'euros de crédits de recherche. Les investissements de recherche en France sur ces filières sont équivalents à ceux consentis pour le nucléaire.
Imaginer que les industriels français deviennent des leaders majeurs du secteur n’a rien d’absurde. Les Français, j’en suis sûr, deviendront les leaders mondiaux des voitures électriques. La France, qui a longtemps été le leader mondial de l’hydraulique, en reste par sa compétence professionnelle l’une des grandes nations. Nous avons construit la centrale solaire Thémis dans les Pyrénées. Rien ne permet de préjuger d’une incapacité de notre part à entrer avec force dans les énergies renouvelables. En revanche, la concurrence est très forte.
Monsieur Paul, l’intérêt de transférer les financements de la CSPE au budget de l’État me paraît très limité. Au final, ce sont toujours les mêmes qui payent.
M. Daniel Paul. Non !
M. le ministre d’État. Je ne suis pas très favorable à ce que le financement des énergies renouvelables se trouve mis en concurrence avec, par exemple, celui du plan CAMPUS. Je préfère la situation actuelle, où il est clairement identifié.
Monsieur Dionis du Séjour, la réduction des tarifs n’est pas seule responsable de l’effondrement du photovoltaïque en Espagne. La pente était invraisemblable, éloignée de taux raisonnables, de 4 % par exemple. Notre taux de progression doit être suffisant non seulement pour permettre la création d’une filière mais aussi pour éviter tout effondrement : un avion dont la pente de décollage est trop élevée court au décrochage !
Le bilan carbone du photovoltaïque n’est pas seulement celui de la production d’énergie. Il faut y ajouter celui du transport : son impact est considérable. J’ajoute que c’est nous qui décidons du sort de l’euro affecté.
Nous sommes défavorables à des quotas par nature d’équipements. En revanche, nous faisons nôtres les conclusions du rapport Charpin d’un quota par département sur le solaire au sol, établi en réalité par le moyen d’appels d’offres.
Le tarif dégressif est une bonne idée.
M. Bertrand Pancher. Je suis certain, monsieur le ministre d’État, qu’en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre et les 20 % d’économies d’énergie, nous atteindrons nos objectifs. Peut-être même les dépasserons-nous. En revanche, qu’en sera-t-il de nos ambitions en matière d’énergies renouvelables ? Nous assistons, en effet, à une stagnation de la production hydroélectrique. Nous rencontrons des difficultés en matière d’éolien en mer. L’édification des grands parcs photovoltaïques, domaine dans lequel les projets explosent sur le territoire, se heurte aux réticences des agriculteurs et de la population, réticences auxquelles il convient d’ajouter des retards de raccordement. De plus, cette filière est remise en cause par les tenants du tout nucléaire.
Où en est la mise en place des schémas régionaux d’énergies renouvelables et des schémas de raccordement, qui devaient lever ces blocages ?
Enfin, le rapport Charpin, qui dresse un tableau de l’impact de la filière photovoltaïque sur le développement de l’économie nationale, doit faire l’objet d’une concertation : y associerez-vous tous les acteurs ?
M. Jean-Yves Le Déaut. Afin de développer en France une filière solaire performante et innovante, vous avez annoncé, lors de l’examen du Grenelle de l’environnement, un plan solaire dit plan « Borloo », permettant l’installation de centrales solaires dans chaque région française, y compris dans les régions moins ensoleillées du nord et de l’est, pour une puissance cumulée de 300 mégawatts. Dois-je rappeler que l’Allemagne a réussi le développement de l’énergie solaire ? Ce projet est utile au développement du secteur, en termes de conception et de recherche, de fabrication de panneaux solaires et de leur installation, ou encore d’emploi – on a évoqué 15 000 emplois à l’horizon 2012.
Si nous ne contestons pas les arrêtés tarifaires que vous avez pris, toutefois nous n’avons aucune nouvelle, depuis un an, de l’appel d’offres. Est-il vrai que celui-ci serait déclaré infructueux pour les régions du nord et de l’est de la France alors que cinq mégawatts étaient promis à chacune d’entre elles ? Si tel était le cas, ce serait scandaleux !
Selon la CRE, en effet, les prix seraient très supérieurs à ceux fixés par les arrêtés tarifaires, notamment de 2012, que vous avez baissés de 12 %. Il convient pourtant de réaliser le plan Borloo : je pense notamment au cas d’une friche industrielle polluée située à Homécourt, qui aurait pu être reconvertie en zone solaire.
M. Daniel Fasquelle. Monsieur le ministre d’État, quelle devra être la part du photovoltaïque dans la réalisation de l’objectif de 23 % d’énergies renouvelables en 2020 ? Il convient également de tenir compte des économies d’énergie à réaliser.
Par ailleurs, l’installation de panneaux photovoltaïques sur certains bâtiments agricoles est une source importante de revenus pour les agriculteurs. Or ces derniers rencontrent parfois des difficultés dans leurs démarches auprès de l’administration, d’autant que les dossiers ne seraient pas instruits suivant les mêmes critères selon les départements. Pourriez-vous donner des instructions tendant à faciliter les démarches des agriculteurs ?
Enfin, je tiens à vous remercier de l’attention que vous avez portée aux préoccupations des élus des communes littorales et touristiques relatives à l’éolien en mer. Il convient en effet de concilier le développement de l’éolien et la préservation de l’économie touristique.
M. Philippe Plisson. Le 11 octobre dernier, Saint-Gobain a annoncé la conclusion d’un accord avec Hyundai pour la construction d’une usine de panneaux solaires en Corée du Sud. Monsieur le ministre d’État, comment comptez-vous favoriser les projets industriels français, générateurs d’emplois sur le territoire, et qui échapperaient au risque de délocalisation ?
Par ailleurs, votre cabinet a indiqué préparer, avec l’Allemagne, une plainte auprès de la Commission européenne contre nos nouveaux amis chinois : où en est cette démarche ?
Enfin, vous avez prévu une nouvelle hausse de 3 % des tarifs de l’électricité au 1er janvier 2011. Cette augmentation, que le ministre du budget a justifiée par le coût du rachat par EDF de l’électricité solaire, porterait, compte tenu de la hausse intervenue au mois d’août dernier, à plus de 6 % l’augmentation sur six mois des tarifs de l’électricité. Ce serait une des plus fortes progressions depuis trente ans. N’avez-vous pas choisi de faire porter le chapeau de cette augmentation aux énergies renouvelables et de la faire payer aux consommateurs, alors que, depuis la privatisation, les titres EDF ont augmenté cinq fois plus que le CAC 40 ?
M. Franck Reynier. Je tiens à vous féliciter, monsieur le ministre d’État, des effets bénéfiques du Grenelle de l'environnement.
En matière de gestion du réseau, les solutions sont diverses, la palette allant du bâti intégré à la ferme photovoltaïque. Il est donc difficile d’intégrer la microproduction aux réseaux. Le Grenelle de l'environnement a prévu des bâtiments neutres ou à énergie positive. Ne devrions-nous pas réfléchir à favoriser une gestion de proximité en promouvant la consommation produite par les équipements ? Ce serait inverser la logique actuelle.
Mme Pascale Got. La Commission et le Parlement européens doivent s’accorder sur un texte commun relatif à l’application au solaire de la directive européenne visant à réduire l’utilisation de substances dangereuses. Or les panneaux photovoltaïques seraient exclus de cette directive jusqu’en 2014. Quelle est votre position en la matière, monsieur le ministre d’État ?
Par ailleurs, quelles mesures comptez-vous prendre en faveur du recyclage des panneaux photovoltaïques ? Alors que l’installation de First Solar a fait polémique en France, il faut reconnaître qu’elle est la seule entreprise ou presque à assurer ce recyclage.
M. Jacques Le Nay. J’ai l’impression qu’il demeure un hiatus entre, d’une part, la volonté du Gouvernement de développer le photovoltaïque et, d’autre part, l’instruction des projets sur le terrain. Leur aboutissement rencontre de nombreux obstacles, sous des prétextes divers, touchant notamment à l’urbanisme. De nombreux maires nous demandent des explications à ce sujet. Qu’en est-il exactement, monsieur le ministre d’État ?
Mme Frédérique Massat. Monsieur le ministre d’État, ne conviendrait-il pas de faire supporter le coût des énergies renouvelables à d’autres acteurs que les consommateurs, ce qui supposerait de recourir à une autre méthode de financement ? Ce sont souvent les dépenses énergétiques qui rendent difficiles les fins de mois des ménages les plus modestes.
Par ailleurs, selon le rapport Charpin, une action visant uniquement à baisser rapidement le niveau des tarifs de rachat sans autre accompagnement comporterait des risques. Il conviendrait d’annoncer en même temps qu’une baisse des tarifs un plan d’action globale articulant une stratégie de nouveaux objectifs, des outils de régulation et une stratégie industrielle. Monsieur le ministre, où est cette stratégie ?
Enfin, la CRE a publié son rapport sur la qualité de l’électricité, qui porte notamment sur l’intégration des énergies renouvelables aux réseaux de distribution. En ce qui concerne plus particulièrement les réseaux basse tension, le Grenelle de l'environnement prévoit de rendre prioritaire, sous peine de sanction, dans un délai de deux mois, le raccordement des énergies renouvelables produites par les petits producteurs, raccordement qui ne demande pas de travaux de renforcement. Vous avez affirmé que les équipes d’ERDF étaient prêtes à appliquer cette disposition sur le terrain. J’ai pu vérifier le contraire sur mon secteur : les équipes d’ERDF ne sont pas en nombre suffisant pour effectuer en priorité ces raccordements, si bien que de nombreux particuliers attendent le raccordement de leur maison au réseau.
M. Thierry Benoit. Monsieur le ministre d’État, il est vrai que, comme l’a souligné M. Jean Dionis du Séjour, il restera quelque chose du Grenelle de l'environnement. Il est naturel que vous vous attachiez aujourd'hui à maîtriser la bulle spéculative. N’a-t-on pas trop mis en avant, auprès de nos concitoyens, l’effet d’aubaine et l’opportunité financière aux dépens du véritable enjeu des énergies alternatives, à savoir leurs dimensions écologique et environnementale ?
Le Gouvernement compte-t-il mettre de l’ordre dans les énergies alternatives, en organisant notamment l’industrie de la filière photovoltaïque en France, de la fabrication des panneaux à leur maintenance et à leur recyclage ? Il faut en effet savoir que nous importons de Chine des panneaux fabriqués dans des conditions discutables sur les plans social et écologique, avec un bilan carbone catastrophique.
Mme Catherine Quéré. Monsieur le ministre d’État, j’ai été très déçue par le budget de la mission « Écologie et développement durable » qui devait permettre à la France de réussir sa transition écologique. Qu’est devenue votre volonté de réussir ce que vous appeliez votre défi ? Cette mission est la plus touchée par les restrictions.
C’est ainsi que le taux du crédit d’impôt pour les équipements de production d’électricité solaire photovoltaïque est diminué de moitié, ce qui risque de fragiliser la confiance légitime des acteurs économiques dans la puissance publique. N’y a-t-il aucune possibilité de revenir, au moins, sur le caractère rétroactif de la mesure ?
M. Francis Saint-Léger. La mise en place d’un projet photovoltaïque lors de la construction d’un bâtiment d’élevage peut permettre aux agriculteurs d’assurer l’équilibre économique de leur exploitation. Monsieur le ministre d’État, souhaitez-vous non seulement soutenir de tels projets sur le plan financier, mais également faciliter les démarches pour les mettre en oeuvre ?
Par ailleurs, on voit fleurir dans les campagnes de nombreux projets d’implantation de panneaux photovoltaïques qui, outre des conséquences environnementales dommageables, ont pour effet de réduire l’espace agricole. Plusieurs hectares sont en effet nécessaires pour une production relativement minime. Que pensez-vous de l’utilisation des terres arables à de telles fins ?
M. Jean-Paul Chanteguet. Le chiffre de 4 000 mégawatts en stock a été évoqué. Pouvons-nous faire aujourd'hui une distinction entre les gros et les petits projets puisque le crédit d’impôt développement durable ne concerne que les petits projets dont la puissance est inférieure à 3 kilowatts crête ?
Par ailleurs, les crédits recherche ont pour objet le développement d’une véritable filière industrielle, ce qui passe, selon le rapport Charpin, par la mobilisation de 100 à 150 millions d’euros. Or, en 2009, 26 millions d’euros seulement ont été consacrés à la recherche.
Mme Valérie Pécresse, que j’ai interrogée sur le sujet, m’a répondu que 420 millions d’euros seraient dirigés vers le nucléaire civil et 460 millions vers les énergies renouvelables. Monsieur le ministre d’État, quelle sera la part destinée au photovoltaïque ?
M. Raymond Durand. Monsieur le ministre d’État, qu’en est-il du développement de la filière photovoltaïque française, alors que la Chine fabrique à elle seule près de 30 % des panneaux solaires vendus dans le monde ? Elle est suivie du Japon avec 22 % et de l’Allemagne avec 20 %. La France est quasiment absente du marché alors qu’il s’agit d’un véritable enjeu en termes de politique industrielle.
Le CEA travaillant sur de nouvelles technologies, pouvez-vous nous annoncer vos objectifs de production de panneaux solaires ?
Par ailleurs, en ce qui concerne l’appel d’offres lancé en 2009 pour la construction de fermes solaires, je m’étais inquiété, le 5 octobre dernier, lors de l’audition par notre commission de votre directeur de cabinet, M. Jean-François Carenco, du retard pris par cette procédure puisque la décision du ministère n’était toujours pas connue. Il m’avait répondu que l’appel d’offres avait été déclaré infructueux : les porteurs de projets présentaient des prix supérieurs de 20 % aux tarifs existants. Quel est le nouveau calendrier que vous vous êtes fixé ? Y aura-t-il un nouvel appel d’offres et à quelle date ? Je tiens à rappeler que la préparation des réponses avait engendré de coûteuses études et nécessité des emprunts pour la constitution de réserves foncières.
Mme Fabienne Labrette-Ménager. Je tiens à insister sur le coût du renforcement du réseau électrique pour les grosses installations. Aujourd'hui, ce sont les syndicats d’électricité, les conseils généraux ou ErDF qui sont chargés d’assumer ce renforcement, dont le coût s’élève au minimum à 50 000 euros. Certaines installations photovoltaïques étant l’occasion de produits spéculatifs importants, ne pourrait-on pas envisager un partage du coût ? Dans le département dont je suis l’élue, la somme est très élevée, alors que l’investissement s’élève à 25 millions d’euros par an. Il n’est pas normal que le coût du renforcement soit à la charge du consommateur final.
Mme Annick Le Loch. Ma question concerne l’implantation, pour un investissement de 30 millions d’euros, d’une centrale solaire photovoltaïque de 30 hectares et d’une puissance de 10 mégawatts à Goulien, en Bretagne, région dont vous connaissez le déficit énergétique structurel. Elle serait implantée à la pointe du Finistère, tout près de Plogoff. Or le maire a appris hier que la préfecture du Finistère émettrait un avis défavorable au nom de la loi littoral. La préfecture prendrait également pour motif la non-continuité avec une zone urbanisée, s’appuyant sur une jurisprudence des mois de juin et de juillet derniers interdisant l’implantation d’éoliennes dans une commune de montagne pour la même raison.
Monsieur le ministre d’État, quelles explications pouvez-vous me donner sur le fait d’appliquer les dispositions de la loi littoral en matière d’installation d’un parc photovoltaïque ? Comment sortir de cette situation ?
Mme Françoise Branget. Monsieur le ministre d’État, la filière photovoltaïque n’a pas tant besoin de visibilité que de stabilité fiscale : sur les douze derniers mois, douze arrêtés, notes et circulaires concernant cette filière ont été publiés ! Les professionnels ne peuvent ni s’organiser, ni investir, ni embaucher. Comme si cela ne suffisait pas, on entend parler d’une nouvelle tarification pour la rentrée 2011.
Alors qu’en 2010 la filière a rapporté à l’État 424 millions d’euros au titre de la TVA et 140 millions en taxes à la suite de la création de 10 000 emplois – nous en sommes actuellement à trente-cinq emplois par mégawatt produit et installé –, les entreprises ne savent pas comment gérer les licenciements, le remboursement des acomptes versés et l’annulation du matériel commandé.
Que deviendra Voltec Solar, entreprise de fabrication de panneaux voltaïques créée en Alsace en mars 2010 ?
Mme Chantal Berthelot. Monsieur le ministre d’État, la Guyane comporte deux zones. La zone intérieure, qui n’est pas interconnectée, dépend uniquement de l’énergie thermique pour une puissance de six mégawatts. Pour elle, le photovoltaïque serait la solution à la fois la plus écologique et la moins onéreuse. En ce qui concerne la zone littorale connectée au réseau, alors que l’énergie photovoltaïque ne représente à l’heure actuelle que 2 mégawatts, nous n’avions, au 30 juin, que 10 mégawatts en file d’attente.
Les objectifs du Grenelle de l'environnement en matière d’énergies renouvelables sont loin d’être réalisés en Guyane. Comment comptez-vous les atteindre avec la suppression de la défiscalisation sur le photovoltaïque ?
Je tiens à souligner que, selon EDF, la capacité d’accueil du réseau serait de l’ordre de cinquante-cinq mégawatts. De plus, les professionnels de la filière sont capables d’installer quarante mégawatts d’ici à 2020. Quelles mesures comptez-vous prendre pour développer le bouquet énergétique en Guyane, département qui ne possède pas de centrale nucléaire ?
M. Jean Proriol. Monsieur le ministre d’État, vos services mettent la dernière touche à un arrêté visant à définir les conditions du renouvellement de l’obligation d’achat au bénéfice des centrales micro-électriques. Sans doute comptez-vous publier rapidement cet arrêté afin de respecter l’échéance du 31 décembre prochain – l’échéance des contrats de quinze ans signés en 1997 tombera en 2012.
En l’absence d’un tel renouvellement et des investissements prévus dans le cadre de la loi sur la nouvelle organisation des marchés de l’électricité, il nous restera sur les bras 1 200 microcentrales qui fournissent trois térawatts-heure annuels, c'est-à-dire autant que ce qui avait été prévu dans la convention sur l’hydroélectricité.
Mme Geneviève Fioraso. Monsieur le ministre d’État, vous avez enfin reconnu que des centaines de millions d’euros ont été dépensées, en amont, dans la recherche et développement et, en aval, dans le rachat d’électricité et les exonérations fiscales, pour aboutir à l’importation, à plus de 90 %, de panneaux solaires chinois, dont la maintenance est difficile à assurer et qui ne sont pas recyclés. C’est donc le contraire d’une filière industrielle ! La fabrication est nécessaire pour assurer la pérennité non seulement des sous-traitants mais également de la recherche en amont et de l’ingénierie.
En France existe un seul fabricant de piles solaires photovoltaïques : Photowatt, que vous avez évoqué. Cette entreprise, qui emploie 700 personnes, attend depuis deux ans des réponses du FSI, de l’ADEME et de votre ministère pour ses investissements d’avenir. Elle n’est toujours pas fixée ni sur le renforcement de ses fonds propres ni sur ses projets de financement, notamment le financement complet du projet de recherche et développement PV Alliance avec le CEA-Liten et INES.
Par ailleurs, le Président Ollier nous a montré il y a un an, sans nous la donner, une liste de sociétés ayant spéculé sur le solaire, certaines ayant leur siège social à Neuilly-sur-Seine. En dépit de la spéculation, le nouveau tarif a été fixé à un niveau élevé sans qu’aucune visibilité n’ait été donnée sur la dégressivité, ce qui interdit tout calcul de retour sur investissement pour les individuels comme pour les collectifs. Le contre-exemple espagnol n’a donc servi à rien. Comment comptez-vous réguler un mécanisme qui a favorisé la spéculation ?
Enfin, dans le cadre du rapport budgétaire pour avis que j’ai remis sur l’énergie, sur treize personnes auditionnées sur le photovoltaïque, j’ai reçu treize avis différents ! Cette filière a, plus que jamais, besoin d’un pilote !
M. Alain Suguenot. Monsieur le ministre d’État, trop souvent les chambres d’agriculture ont poussé les agriculteurs à s’associer sous la forme de sociétés par actions simplifiées pour créer des structures groupées, si bien que les 250 kilowatts crête ont été dépassés. Même si les dossiers de permis de construire ont été déposés avant le 31 décembre 2009, ces agriculteurs se trouvent confrontés au changement d’arrêté et à la différence de tarif de rachat, ce qui menace l’équilibre de leurs projets.
Est-il envisageable de leur garantir un contrat conforme à l’arrêté de 2006 mais sur un potentiel ramené à 249 kilowatts crête par associé ? La surface moyenne des bâtiments agricoles d’élevage s’élève à 3 000 mètres carré en surface de toiture.
M. William Dumas. Monsieur le ministre d’État, je vous ai interrogé il y a un an sur l’implantation de projets photovoltaïques sur les terres agricoles. Vous m’aviez répondu que vous y étiez opposé, exception faite des friches industrielles et des toitures.
Or, dans le Gard, on assiste à la multiplication de projets pharaoniques alors que le foncier agricole disparaît cinq fois plus vite que dans le reste de la France. C’est ainsi qu’un projet de parc photovoltaïque sur 800 hectares de terres agricoles a reçu le feu vert de la chambre d’agriculture le mois dernier : il représentera une vraie rente pour les trente agriculteurs concernés.
Êtes-vous toujours opposé à l’implantation de parcs photovoltaïques sur les terres agricoles ?
Ne faudrait-il pas réaliser des études d’impact touristique pour ce type d’installations dans des départements dont le patrimoine naturel est le principal atout touristique ?
Les risques d’inondation liés aux eaux de ruissellement étant réels dans de tels départements, les mécanismes de prévention et de gestion des risques d’inondation seront-ils vraiment pris en considération dans le cadre de tels projets ?
M. Philippe Tourtelier. Monsieur le ministre d’État, je tiens tout d’abord à souligner que, contrairement à ce que vous avez affirmé, nous n’avons jamais voté la PPI. Nous n’en avons même jamais débattu, ce qui explique peut-être certains dysfonctionnements. Elle a simplement été transmise au Parlement.
Pourrions-nous avoir les résultats de la consultation des préfets de région que vous avez réalisée en juin dernier sur l’état actuel des projets éoliens ?
Disposons-nous, pour la filière photovoltaïque, d’un calendrier prospectif de mise sur le marché de nouvelles techniques françaises ou européennes, permettant de moduler les aides selon des critères de performance ?
En ce qui concerne la CSPE, on a procédé à un calcul de risque maximum : aucune baisse du prix de la production photovoltaïque ni aucune augmentation du prix de l’électricité, deux hypothèses absolument improbables. Ne pourrait-on pas au contraire s’appuyer sur les dix années écoulées et prolonger les tendances à la baisse du prix du photovoltaïque et à la hausse du prix de l’électricité ?
Quant à l’assiette de la CSPE, M. Daniel Paul propose de la rattacher au budget de l’État : il convient toutefois de se rappeler que le tarif n’est plus fixé par l’État dans le cadre d’un seul producteur. La situation est désormais concurrentielle. Quand l’État allemand a décidé de prolonger la durée de vie des centrales nucléaires, les économies réalisées ont financé pour moitié le développement des énergies renouvelables. Ne pourrait-on pas envisager de faire payer, en France, ce même développement par les producteurs ?
M. le président Christian Jacob. Monsieur Tourtelier, la PPI n’entre pas dans le cadre législatif : elle n’a donc pas à être votée. En revanche, elle est transmise au Parlement et peut être débattue.
M. le ministre d’État. La PPI a fait l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale le 3 juin 2009 mais, vous avez raison, elle ne fait pas l’objet d’un vote.
Monsieur Pancher, il suffit de lire la revue du syndicat des énergies renouvelables pour savoir que nous sommes légèrement en avance sur la stratégie du Grenelle de l'environnement en matière de production et très avance en matière d’économies et d’émissions de CO2, avec plus de 14,4 %.
M. Le Déaut a évoqué les appels d’offres pour le solaire : le souci de la CRE est réel car les projets reçus sont très supérieurs aux tarifs de droit commun. Le dossier n’est pas encore bouclé.
S’agissant de l’hydraulique, monsieur Proriol, la croissance, de l’ordre de 2 % à 3 %, se fera uniquement, pour la décennie à venir, dans le cadre des nouvelles concessions globales pour les grands équipements, en vue d’améliorer la sécurité, la performance et les conditions environnementales. En ce qui concerne les microcentrales, des renouvellements automatiques de concessions seraient illégaux. Il convient donc de trouver une solution juridique et technique leur permettant de continuer de fonctionner. C’est, il est vrai, un sujet de préoccupation majeur.
Messieurs Fasquelle et Le Nay, les dossiers concernant l’installation de panneaux photovoltaïques devraient être traités de la même façon sur tout le territoire : je m’engage à le vérifier.
Par ailleurs, doit-on parler d’une bulle spéculative ? Je n’en suis pas certain. Nous assistons au développement très accéléré de nouveaux métiers : il convient de le maîtriser. Les problèmes rencontrés sont à la marge.
Nous sommes très vigilants en ce qui concerne les terres agricoles. L’interdiction est claire et nette. Beaucoup de dossiers concernent des terres agricoles rebaptisées « friches », sans compter les changements fréquents de plans d’occupation des sols ou de plans locaux d’urbanisme, d’où, désormais, le passage devant une commission de déclassement des demandes de déclassement des terres agricoles. Ce sont là des sujets de tension.
Monsieur Plisson, il me paraît excessif d’affirmer que la valeur d’EDF a augmenté cinq fois plus vite que celle du CAC 40. Cela dit, si c’est le cas, sans être actionnaire d’EDF, je ne peux que m’en réjouir.
Monsieur Reynier, les dispositions que vous avez votées concernant les bâtiments à basse consommation et qui incitent à l’autoconsommation répondent évidemment à une stratégie gagnante.
Madame Got, le recyclage des panneaux solaires est désormais obligatoire. C’est là que réside, il est vrai, l’avantage spécifique mondial de First Solar, qui assure ce recyclage à 99 %.
Mme Geneviève Fioraso. Demeure le problème posé par le cadmium.
M. le ministre d’État. C’est une autre question.
Madame Massat, le délai pour le raccordement par ERDF reste à deux mois, quitte à accentuer la pression. Une tournée de vérification sera faite dans chaque département pour examiner les situations particulières.
Monsieur Tourtelier, vous et moi ne sommes pas d’accord sur l’éolien. Comme le soutient excellemment M. Brottes, la solution aux problèmes posés par cette filière se trouve dans les schémas régionaux et une régulation permettant une organisation administrative raisonnable du secteur. Je suis opposé à une production éolienne isolée qui ne serait pas intégrable au réseau.
M. Philippe Tourtelier. Je n’ai jamais dit le contraire.
M. le ministre d’État. Nous dépasserons les 1 000 mégawatts. Du reste, la loi prévoit que, dans le cas contraire, le Gouvernement retourne devant le Parlement.
Comme vous me l’avez demandé, je vous communiquerai la synthèse des projets éoliens région par région.
Madame Quéré, il n’y a pas rétroactivité de la baisse du taux du crédit d’impôt pour les équipements de production d’électricité solaire photovoltaïque : toute disposition de nature fiscale prend effet à compter de sa présentation au conseil des ministres pour éviter toute dérive spéculative.