“Un bref sondage du cerveau de l’homme lui permit de faire une découverte étonnante : Contre toute attente, ce grotesque personnage était intelligent et rusé.” P. K. Dick – Les machines à illusions – 1967
On se penche sur l’éphémère, pour y apercevoir du vide. Très compliqué le métier de journaliste. Combler des cadres, remplir des espaces et du temps pour se maintenir en vie. Survivre dans un éco système impitoyable où il faut rendre compte de ce qui se passe quand il ne se passe rien. Une pratique qui relève de la mission quotidienne. Une seconde nature même, et donc lorsqu’il se produit un micro évènement, une si petite chose, c’est Hollywood. Et il s’est passé quelque chose le dimanche 14 novembre 2010 dans la soirée. Mais, on ne sait quoi finalement. On imagine seulement et simplement que le rôle des médias devrait être une structuration des priorités, un tri dans les importances, une hiérarchisation du « monde ». Obnubilés par le tamis, on ne regarde plus ce qu’il y a en dessous. Une chance, car il n’y a plus rien. On filtre du vide, laissant le spectateur fixé sur l’instrument. L’hébétude saisit, le gouvernement a remanié.
Et c’est tout le problème, car il est bien possible qu’il ne se passe rien de plus en qualité. La machine donne tout ce qu’elle a dès qu’elle le peut. Une oligarchie joue aux chaises musicales, et c’est toute la médiasphère qui turbine à plein régime pour rendre compte d’une subtile remise en place d’un dispositif. Qui n’avait d’intérêt que par son existence officielle et non ses actions. Et dont tout le monde se fichait quelques jours auparavant. Combien de citoyens s’extasient sur la composition et les attributions de l’appareil d’État ? Combien de ceux-là retiendront le nouveau profil ? Pourtant, le déploiement de moyens fut digne de la conquête spatiale.
La quantité de commentaires suit une évolution exponentielle. Dont la teneur, comme l’attestent les préposés à la sémiologie du néant, relève de l’imperceptible à la raison. Car il est important de décrypter ce que sera la nouvelle structure gouvernementale pensée par le chef de l’État. Lire l’avenir comme les augures romains le faisaient dans les entrailles de poulets. C’est le métier d’éditorialiste de presse que de comprendre l’indicible qui se niche dans les méandres synaptiques du grand ordonnateur. Et le rendre, dans sa limpidité, en permettant au plus vulgaire des électeurs la compréhension du monde complexe qui le submerge. Pour qu’il se fasse une idée assez précise de l’environnement démocratique dans lequel il baigne. Et dont on ne lui dit pas tout…
La machine à informer déchiffre les arcanes occultes de la mise en scène et de la manipulation politique pour rendre au peuple sa capacité de décision. Le doux rêve mis en branle par les entrepreneurs du dérisoire, les promoteurs sidéraux en spectacle pour gogos.
Reste que l’on s’extasie a posteriori sur la maestria dont a fait preuve le chef de l’État pour tenir tout le monde en haleine et contrôler l’agenda. Les extasiés sont ceux-là même qui fabriquent le spectacle, les marionnettes de marionnettes. Subjugués par le système qu’ils décrivent et dont ils sont eux-mêmes instigateurs. Tantôt aux manettes, tantôt à la remorque du système. Rabâchant tels des perroquets des fuites distillées que l’on élève à la noblesse de scoops. Le spectacle politique tourne à l’escroquerie granguignolesque. Comme une synthèse, l’un des climax se résume par la grande découverte du chamboulement gouvernemental de novembre 2010 : une première dans les annales de la République, deux ministres sont officiellement en couple… Stupéfiant !
Vogelsong – 15 novembre 2010 – Paris