Un coup de gueule anti léniniste

Publié le 15 novembre 2010 par Chezfab

Voilà,

J'ai trouvé cela sur le site Rebellyon. Un excellent site au passage. Et comme je partage le fond et les interrogations exprimées dans ce coup de gueule, je me permets de le partager avec vous.

Promis, d'ici peu, des textes "de ma pomme" reviendront hanter ce blog !

Fabien

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Le retour des léninistes, une aberration historique

Publié le 12 novembre

Maj le 14 novembre

Depuis quelques temps sur Lyon ont réapparu des groupes (et groupuscules) communistes de tous genres. A mon avis, se proclamer de Lénine est avant tout faire preuve d’une capacité assez aberrante à oublier les leçons de l’histoire, pourtant si chère à cet homme. Petit coup de gueule politique.

Les dra­peaux bol­ché­vi­ques sont de retour en mani­fes­ta­tion ces der­niers temps, les grou­pus­cu­les com­mu­nis­tes - qu’ils soient car­ré­ment sta­li­niens, trots­kys­tes ou encore marxiste-léni­nis­tes - font leur grande réap­pa­ri­tion, notam­ment dans le milieu étudiant. Voilà qui a de quoi me figer de honte. Il ne me paraît guère pos­si­ble de lutter aux côtés de telles per­son­nes.

Rebellyon.info, média anti-auto­ri­taire, me parait l’outil pri­vi­lé­gié pour expri­mer ce rejet, puis­que la ques­tion est bien ici celle de l’auto­rité, de la vio­lence d’État, de l’oppres­sion au nom de l’égalité. Petit retour his­to­ri­que.

Notons que l’on parle ici d’une cri­ti­que his­to­ri­que du com­mu­nisme auto­ri­taire, à dif­fé­ren­cier du com­mu­nisme liber­taire. [1]

Je me per­mets de faire l’impasse sur les grou­pes n’ayant aucune honte à se récla­mer - à mi-mot - de Staline, ou tout du moins n’ayant aucune honte à le citer comme « auto­rité poli­ti­que » [2], l’aber­ra­tion que com­prend une telle situa­tion me semble une évidence pour qui­conque a jamais ouvert un livre sur l’his­toire du XXème siècle. Idem pour Mao Zedong, ce qui n’empê­che pas de voir par le passé, le petit livre rouge en vente sur des tables de presse à Lyon 2 !

Trotsky ?

L’ima­gi­naire popu­laire, et les partis et mou­ve­ments trots­kys­tes [3], ont gardé de cet homme l’image de l’exilé, de l’intel­lec­tuel réprimé. Ce serait oublier bien vite qu’avant de fuir l’URSS, Trotsky a été, tout du moins de 1917 à 1924, l’homme fort du régime, prin­ci­pal acteur du polit­burro der­rière Lénine.

Ce serait oublier aussi que l’armée rouge, qu’il a créé, ins­ti­tu­tion­na­lisé, dirigé [4], a, sur ses ordres, mis fin dans le sang à la révolte des marins de Kronstadt, qui pour­tant ne dési­rait que l’appli­ca­tion des idéaux de la révo­lu­tion, tout le pou­voir aux soviets, donc la démo­cra­tie directe !

Ce serait oublier aussi que c’est sur ordre de Trotsky que l’armée rouge a exter­miné les anar­chis­tes de la Maknovtchina, aux côtés des­quels ils avaient pour­tant com­battu contre les blancs, mais qui était logi­que­ment en oppo­si­tion au cen­tra­lisme auto­ri­taire de Trotsky et de Lénine.

Il ne s’agit là que de deux exem­ples - il est vrai les plus criants - de la volonté étatiste et auto­ri­taire de cette figure du mou­ve­ment bol­ché­vi­que. Quand on sait que ses héri­tiers poli­ti­ques se pose­ront en oppo­sants à l’URSS on s’étonne de leur oubli sélec­tif à propos des actes de leur figure tuté­laire.

Un peu de lec­ture : Trotsky pro­teste beau­coup trop (Emma Goldman [5], 1938)

Lénine ?

Du prin­ci­pal acteur de la révo­lu­tion russe, beau­coup ont gardé l’image d’un homme de prin­cipe, dont l’œuvre aurait été déna­turé par Staline après sa mort. Tout du moins c’est ce que les procès de la dés­ta­li­ni­sa­tion ont voulu faire croire pour sauver l’État bol­ché­vi­que.

Bien sûr, Staline a innové dans la vio­lence d’État, et on ne peut placer l’inté­gra­lité des crimes de Staline dans la conti­nuité de l’oeuvre de Lénine. Toutefois il serait aussi stu­pide de croire que la vio­lence d’État est appa­rue avec Staline. On a pu voir pré­cé­dem­ment com­ment elle s’est expri­mée à tuer les expé­rien­ces de démo­cra­tie directe sous Lénine par le biais de Trotsky.

Il ne fau­drait pas oublier que pour « sauver la révo­lu­tion » des mena­ces exté­rieu­res, Lénine et ses sbires l’ont du même coup assas­siné : créa­tion de l’armée rouge, de la Tchéka (police poli­ti­que), épuration poli­ti­que, assas­si­nats, etc.

Petit rappel his­to­ri­que :

"Le gou­ver­ne­ment cons­ti­tué le 25 octo­bre 1917 par Lénine ne com­porte que des bol­che­viks. Il gou­verne au nom de la « dic­ta­ture du pro­lé­ta­riat  », que Lénine défi­nit sans amba­ges comme « un pou­voir conquis par la vio­lence que le pro­lé­ta­riat exerce, par l’inter­mé­diaire du parti, sur la bour­geoi­sie et qui n’est lié par aucune loi ». Très rapi­de­ment, les bol­che­viks met­tent en place une culture poli­ti­que de guerre civile, mar­quée par un refus de tout com­pro­mis, de toute négo­cia­tion. Cette culture n’est pas impo­sée, au début, par des cir­cons­tan­ces mili­tai­res met­tant en jeu la survie du régime. Elle a été théo­ri­sée, depuis des années, par Lénine, pour lequel la vio­lence est le moteur de l’his­toire, le révé­la­teur des rap­ports de force, la « vérité de la poli­ti­que » ou, selon la juste for­mule de Dominique Colas, l’« orda­lie maté­ria­liste ». Cette vio­lence, « puri­fi­ca­trice », mettra à bas le « vieux monde ». Aussi, affirme Lénine, faut-il encou­ra­ger la vio­lence des masses à faire son œuvre de des­truc­tion, « l’orga­ni­ser et la contrô­ler, la subor­don­ner aux inté­rêts et aux néces­si­tés du mou­ve­ment ouvrier et de la lutte révo­lu­tion­naire géné­rale ».

Tout en ins­tru­men­ta­li­sant les ten­sions laten­tes dans la société russe en révo­lu­tion, les bol­che­viks orga­ni­sent une vio­lence poli­ti­que spé­ci­fi­que par un cer­tain nombre de mesu­res iné­di­tes. Celles-ci mar­quent une rup­ture radi­cale avec la culture poli­ti­que tsa­riste comme avec les pra­ti­ques poli­ti­ques des gou­ver­ne­ments pro­vi­soi­res qui s’étaient suc­cé­dés de février à octo­bre 1917. Parmi ces mesu­res, les plus signi­fi­ca­ti­ves sont l’offi­cia­li­sa­tion, dès la fin de novem­bre 1917, de la notion d’« ennemi du peuple » ; la créa­tion, dès le 10 décem­bre 1917, d’une police poli­ti­que, la Tcheka, organe plu­ri­fonc­tion­nel (poli­ti­que, poli­cier, extra­ju­di­ciaire, économique) aux pou­voirs bien plus étendus que ceux de l’Okhrana tsa­riste ; la géné­ra­li­sa­tion de la pra­ti­que des otages « appar­te­nant aux clas­ses riches » ; la mise en place d’un sys­tème de camps de concen­tra­tion où sont inter­nés, sur simple mesure admi­nis­tra­tive, en qua­lité d’otages, des dizai­nes de mil­liers d’indi­vi­dus en fonc­tion de leur seule appar­te­nance à une « classe hos­tile  » ; la pra­ti­que, déci­dée au plus haut niveau du Parti, de dépor­ter des grou­pes sociaux ou eth­ni­ques entiers, jugés dans leur ensem­ble « enne­mis du régime sovié­ti­que » (la plus remar­qua­ble de ces pra­ti­ques étant l’opé­ra­tion de « déco­sa­qui­sa­tion », c’est-à-dire l’exter­mi­na­tion des « Cosaques riches », déci­dée par Lénine et ses plus pro­ches col­la­bo­ra­teurs le 24 jan­vier 1919).

Une des tâches essen­tiel­les sur la voie du socia­lisme, du pro­grès, expli­que Lénine, est « d’éliminer les éléments nui­si­bles » du corps social, d’en chas­ser les « para­si­tes », de « couper les mem­bres irré­mé­dia­ble­ment pour­ris et gan­gré­nés » de la société"

Nicolas WERTH, direc­teur de recher­che au C.N.R.S.

« Prétendre mener une poli­ti­que socia­liste à la tête de l’État, c’est pro­met­tre de trans­for­mer une auto­mo­bile en aéro­plane, sim­ple­ment en s’empa­rant du volant »

Ce coup de gueule n’est bien sûr pas une tri­bune poli­ti­que détaillée, ou une syn­thèse his­to­ri­que, juste - comme son nom l’indi­que - un coup de gueule, pour faire réagir face à une réap­pa­ri­tion assez dra­ma­ti­que. Mais que font les liber­tai­res ?

P.-S.

Quelques ressources pour approfondir le débat :
 Communisme & Anarchisme, Carlo Cafiero
 La révolution inconnue, Voline.
 Anticommunisme et Anarchie (compilation, textes et ressources)
 Le programme anarchiste, Malatesta (1853-1932)
 Plate-forme d’organisation des communistes libertaires, Nestor Makhno, Ida Mett, Piotr Arshinov, Valevsky et Linsky (1926).
 Quelques écrits d’Emma Goldman, dont Trotsky proteste beaucoup trop et Ma Désillusion en Russie

Notes

[1] Le Communisme - qu’il faut se garder de confondre avec ’le Parti Communiste’ - est une doctrine sociale qui, basée sur l’abolition de la propriété individuelle et sur la mise en commun de tous les moyens de production et de tous les produits, tend à substituer au régime capitaliste actuel une forme de société égalitaire et fraternelle. Il y a deux sortes de communisme : le communisme autoritaire qui nécessite le maintien de l’État et des Institutions qui en procèdent et le communisme libertaire qui en implique la disparition. »

Sébastien Faure.

voir aussi l’article éponyme sur wikipedia

[2] Les JCML du Rhône - jeunesse communiste marxiste-léniniste - par exemple vendent des brochures de Staline et les mettent sur leur site sans aucun scrupule, un exemple en lien

[3] LCR et consorts - je ne crois pas que le NPA ait gardé la référence dans ses statuts, à vérifier.

[4] Alors même qu’il écrivait, dans le décret fondateur de l’armée rouge : l’une des tâches fondamentales du socialisme est de délivrer l’humanité du militarisme, le but du socialisme est le désarmement général

[5] Biographie, témoin de la révolution russe, elle écrira par la suite « Ma Désillusion en Russie »