POTICHE de François Ozon

Ozon nous gâte. Au rythme d’un film par année, le cinéaste est devenu l’une des figures majeures du paysage cinématographique français, passant du drame le plus intense (Le Refuge, Le temps qui reste) aux plus fines comédies (Angel, Huit femmes) avec la même aisance; de la pure poésie aux satires les plus réjouissantes, posant un regard tout aussi tendre que féroce sur la société contemporaine. Avec son Potiche, success-story d’une mère au foyer méprisée par ses proches (Catherine Deneuve, en pleine auto dérision jubilatoire !), il frappe fort : intelligemment comique, et à mi-chemin entre théâtre de boulevard et plaidoyer féministe, le film – en mode rétro parodique- s’éclate d’un bout à l’autre à allier déclaration d’amour fou à ses acteurs et œil acéré sur la scène politique d’aujourd’hui. Car impossible de ne pas voir dans chaque plan, la passion démesurée d’Ozon pour une certaine idée du 7ème art : Deneuve et Depardieu, sublimés en dernier vrai couple de cinéma, Lucchini en maître dégénéré de la langue française, Godrèche et Rénier- héritiers blonds des splendeurs du passé (qu’il cite abondamment, de Demy à Truffaut). Impossible de ne pas distinguer, entre les lignes de ce combat droite/gauche bien senti, les références aux figures politiques du pays, Monsieur Pujol- en ancêtre sarkozyste, Madame Pujol, incarnation d’une Ségolène Royal grandeur nature, vieillotte mais résolument moderne, aux ambitions naïves, solides, vigoureuses. D’ailleurs, toute ressemblance entre la guéguerre rigolote que se livre la famille et les dissensions médiatisées au sein d’un parti bien connu n’est … pas fortuite ! Ozon s’amuse et nous amuse, avec à son service, une pléiade d’acteurs et d’actrices visiblement emballés par la démarche récréative et fine du cinéaste. Avec drôlerie et sens de la dérision sublime, Potiche- film à deux têtes- s’élève, par un sens aigu du détail et un cynisme à peine masqué, au rang de vraie, bonne et franche comédie, les pieds ancrés sur deux temps : la nostalgie d’hier, face aux multiples possibilités d’aujourd’hui. Le tout porté par Catherine Deneuve, figure de la femme et de l’actrice, qui a su, justement, traverser les époques.