Drôle de proximité, depuis deux jours deux disques recueillent particulièrement mes suffrages. Je les écoute en suivant. Le premier fini, j'ai besoin du contre-point de l'autre, et vice versa. Pourtant ces deux disques n'ont rien à faire ensemble, pas du tout la même date de parution, pas du tout le même univers musical, pas du tout les mêmes vecteurs émotionnels. Donc, si j'en parle dans un même billet, ce n'est qu'en vertu d'une logique mystérieuse que j'aurais ainsi bien du mal à déchiffrer moi-même.
Ma première fixette, c'est ma redécouverte de
Dissection, combo suédois que je fréquentais jusqu'à alors avec beaucoup trop de légèreté. On écoute pas Dissection sur une pulsion, une envie soudaine de gros riffs qui tapent. Dans
Storm Of The Light's Bane, il faut s'immerger, quelque part se livrer. Dans ce disque sorti en 95, Dissection formule un parfait hybride entre black metal et death mélodique. Du black il y a le versant haineux, le côté bouillon de sorcière, du death le côté hyper technique et les structures labyrinthiques. L'équilibre est ténu mais maintenu, ou comment le salace peut survivre à l'hyper-complexité.On a beaucoup tendance à dénigrer les Suédois, en ce qui concerne le black metal, on les évince littéralement de la mythologie du genre. Pourtant avec Dissection il y a de quoi faire. Deux albums cultes au début des années 90 et surtout un leader au trajet phénoménal. Emprisonné 8 ans pour complicité de meurtre sur un homosexuel d'origine maghrébine (combo), chef de fil du MLO (le Misanthropic Luciferian Order), retrouvé mort suicidé en 2006 (entouré de bougies avec aux côtés de sa dépouille un grimoire satanique), Jon Nödtveidt a quand même tous les éléments biographiques pour être un peu plus qu'un "bâtard suédois". Mais passons. On va dire que ce qui compte c'est la musique. Et en l'occurrence, là il n'y a pas débat. Je vous mets en écoute "Thorns Of Crimson Death", parfaite synthèse du miracle Dissection : intro à pleurer, death mélodique raffiné et blasts ravageurs.
Thorns Of Crimson Death by
Sandy 666
Mon autre monomanie du moment, comme je le disais en intro, n'a rien en commun avec Dissection. Rien du tout. Il s'agit du premier album de
Christopher Rau, dj deep house hébergé par les géniaux Smallville. Tout le monde ces temps-ci semble omnubilé par l'album de John Roberts, chez Dial Records, que je trouve, à l'instar de Pantha du Prince, beaucoup trop précieux. Ces deux-là sont très doués, trop doués peut-être, d'où l'impression qu'ils se regardent composer, qu'ils cherchent tellement à poser leur supériorité qu'ils se coupent de toute spontanéité, de tout l'esprit originel de la house. Sorti au même moment que le Glass Eights de John Roberts,
Asper Clouds me fait lui l'effet inverse. Pas mal de références sautent aux oreilles mais ce ne sont pas les pires : Move D, Dj Sprinkles, Moodymann. Surtout, Christopher Rau a bien compris que tout travail de précision sur les textures, toute profusion de détails ne pouvait prendre pleinement sens que si au départ il y avait une cadence satisfaisante, c'est à dire un groove. Et si Asper Clouds est lui aussi un disque riche, jazzy, mélancolique et tout ce que vous voulez, c'est avant tout un disque rythmique, fait de kicks véloces et de basses puissantes. La deep house, je ne le répèterai jamais assez, n'est pas une musique de laborantins, voilà pourquoi Pantha du Prince et
John Roberts m'agacent, voilà pourquoi Christopher Rau, au contraire, m'enchante.
Capri by Sandy 666