Les critiques ont anticipé l’évènement, tellement prévisibles et utilisées depuis des semaines qu’elles en perdent force et attrait de la nouveauté. Le remaniement intervenu hier soir, attendu, hésite entre surprise et continuité.
La longue période entre l’annonce de l’été et l’acte lui-même aura sans doute représenté une forme nouvelle sous la 5ème République. Pour la première fois un remaniement n’est pas utilisé comme un scoop mais simplement comme une échéance annoncée et par avance longuement commentée. Les critiques à cet égard sont sans doute sans objet : le Président de la République avait annoncé clairement qu’il y aurait une nouvelle équipe en place après l’adoption de la réforme des retraites, et après seulement : “je fais ce que je dis” …
En y regardant de plus près on notera des mutations très significatives pour une dernière partie de mandat qui prendra très rapidement l’allure d’une campagne engagée pour la réélection de 2012. Alain Juppé en N°2 et ministre d’ Etat, MAM aux affaires étrangère à la place du « french doctor »… Pour parler franc le resserrement UMP et encore plus directement « RPR » du nouveau gouvernement est la marque du devoir impérieux pour le Président-candidat de resserrer les boulons, de bétonner son camp en vue du premier tour. Et les centristes, direz-vous ? Ils payent une fois de plus leur pusillanimité, leur incapacité à s’organiser véritablement et demeurent une force d’appoint du deuxième tour seulement. Il était évident depuis longtemps qu’entre un Morin ici, un Bayrou là, la discorde inorganisée des centristes étaient irréductibles et la mise à l’écart de Borloo qui reprend une liberté dont il ne saura que faire ne fait qu’accentuer le trouble. On peut même suspecter une certaine gourmandise à le voir s’émanciper, s’ajoutant aux prétendants déjà bien nombreux à la représentation de ce point géographique toujours décrit jamais bien défini. Flirtant avec la pagaille qui va envahir cette partie de l’échiquier, Borloo risque d’y ajouter une variable agitatrice supplémentaire. Ajoutons à ce salmigondis une petite louche de Villepin et l’affaire est faite pour un score désordonné de la nébuleuse centriste au premier tour de la future présidentielle. Il est certain qu’il vaut mieux pour Sarko 4% ici, 4% là et encore 4% ailleurs que 12% en bloc. Il suffira pour une future réélection que le même trouble s’empare de la gauche, c’est en bonne voie et l’affaire sera faite. De nombreux évènements peuvent venir, bien sûr, perturber un tel schéma et il y aura toujours l’impérieuse nécessité d’une grande réactivité. Encore fallait-il mettre en place les bases solides sur lesquelles cette réactivité doit pouvoir s’appuyer ; c’est fait. Le PS ne fait guère preuve d’originalité en dénonçant la droite dure ; ils auront tout le temps d’éprouver, pour ce qui les concerne, la gauche dure! Pour le centre ce sera le retour de l’Etat RPR ! L’originalité n’est donc pas, là aussi, au rendez-vous. Qui en doutait ? L’écoute des critiques n’est pas le moindre des plaisirs que procure cette tempête dans un verre d’eau : les mêmes qui demandaient tout l’été la tête d’Eric Woerth, viennent pleurnicher sur une mise à l’écart qui ne ressemblerait qu’à une couardise … Même chose pour Rama Yade et Amara, souvent qualifiées de gadgets de la diversité et sur lesquelles sont déversées des larmes de crocodile bien tardives.
Cette note n’est qu’une simple analyse politique et l’on pourrait même dire “politicienne”; elle ne préjuge absolument pas du sentiment général, du ressenti des Français, pas plus que de celui de l’auteur : il ne s’agit ici, que d’essayer de décrypter la stratégie du Président de la République en vue de sa réélection.