Le chanteur ivoirien Tiken jah Fakoly, 42 ans, entame avec African Revolution un virage musical. Pour toucher un public plus vaste, il métisse son reggae et adoucit son discours.
Les images sont toujours très significatives. Entre deux rochers, Tiken jah Fakoly, nu pied, est dressé sur un élégant pur sang noir. Habillé à la manière d’un combattant de l’ancien empire du Mali, l’on croirait apercevoir le célèbre empereur malien Mansa Moussa. Ainsi paré, ce héraut du reggae ivoirien entame sa révolution africaine, après quinze ans de carrière et dix albums.
Avec African Revolution, Tiken jah Fakoly propose un disque paré des sonorités africaines de la kora, du balafon, du ngoni, ou du soukou (violon à une corde). Enregistré entre Kingston et Bamako, il sent fort la poussiéreuse capitale d’Afrique de l’ouest où il réside depuis 5 ans. Car si l’on retrouve la musique de Kingston dans les basses grondantes des morceaux African Revolution et Sors de ma télé, le reste de l’album se rapproche plus de la world musique. Par désir d’ouverture, Tiken jah Fakoly a trempé son reggae dans une décoction de mélodies africaines, d’inspirations de folk, et de blues mandingue. La collaboration avec Asa sur Political War dépeint au mieux ce désir d’ouverture.
Ce désir d’ouverture musicale a déteint sur le discours politique de l’enfant d’Odienné. Espérant l’entendre mieux résonner de par le vaste monde, il a simplifié son propos. Exception à la règle, Il faut se lever qui réussit à proposer un discours plus réaliste, moderne et rassembleur. A la veille des élections en Côte d’Ivoire (l’album est sorti fin septembre), Tiken jah Fakoly a préféré ne pas se positionner. Ce qui, à certains égards, peut paraître étonnant venant d’un artiste dont les textes incisifs sur l’évolution de la situation politique après la disparition de Félix Houphouët-Boigny en 1993, lui ont valu une grande popularité au sein de la jeunesse... et quelques inimitiés.
Reste que l’ambassadeur du reggae sur le continent africain livre ici un album de qualité, dont le métissage musical est agréable à entendre. On se plaît ici à l’écouter conter ses histoires tel un griot avec Sinimory ou prendre du recul comme dans l’imagé Laisse moi m’élever.