L’homme qui veut donner des étoiles

Publié le 15 novembre 2010 par Ruminances

Suleiman BARAKA est un astro-physicien qui s’est fait connaître dans quelques media pendant l’Opération israélienne  « PLOMB DURCI »  fin 2008-2009.  Quelques photos pour se rafraîchir la mémoire…

Cet astro-physicien était en formation à la NASA à Washington,  lorsqu’il apprit que son fils de 11 ans avait été très grièvement blessé lors du bombardement de sa maison à Gaza et était mort de ses blessures.  Il avait alors écrit une lettre ouverte complètement déchirante dans laquelle il exprimait son incompréhension et sa douleur. Incompréhension car il découvrait que grâce à l’astrophysique, les  missiles israéliens étaient guidés avec précision. Et douleur parce qu’il était loin, qu’il ne pouvait pas retourner à Gaza pour aider sa famille.

Il était hier soir à la Librairie Résistances, au sortir d’une conférence avec ses collègues astro-physiciens français et je suis allée l’entendre.  Après la mort de son fils, il est retourné vivre à Gaza. Il ne pouvait pas rester aux Etats-Unis parce que la bombe qui a tué son fils avait été fabriquée là-bas. Il a en effet découvert que l’opération Plomb Durci n’a pas été lancée pour pourchasser les membres du Hamas vivant à Gaza, mais que c’était le prétexte pour qu’en réalité Israël se débarrasse de tout son vieil armement U.S. difficile à stocker… ben tiens, autant s’en débarrasser en chassant le Palestinien de base à Gaza ! D’autre part, en détruisant quasiment intégralement les constructions gazaouies, Israël s’assurait d’être le prochain fournisseur de ciment et autre matériel de construction après…

Suleiman est donc retourné à Gaza. Il confirme ce que tout le monde (sauf ceux qui croient encore aux pourparlers de paix) sait : Gaza est une prison géante dont il est extrêmement difficile de sortir, même pour lui. Impossible de fuir par la mer, au large, circulent des bateaux israéliens (dont on a pu voir qu’ils interdisaient la moindre incursion -même dans les eaux internationales- d’un quelconque rafiot. Même le ciel, rempli d’hélicoptères et de drônes sert de couvercle à la boîte !

Les enfants sont les premières victime des souffrances dues à l’enfermement… leur horizon est bouché,  ils vivent quotidiennement dans la violence. Pour leur donner du rêve, Suleiman a donc décidé de créer un centre d’astronomie à Gaza. Il affirme avec certitude que se plonger dans l’infiniment grand à l’aide de télescopes entre autres, ne peut que contribuer à ouvrir l’horizon des enfants de Gaza et leur apporter la notion de la liberté, qu’ils ignorent tous depuis leur naissance.

Il avait eu il y a quelques mois un entretien avec CAPJPO-Europalestine dans lequel il définit son projet.

Après un court film sur les premiers pas réalisés et l’explication de son projet, Suleiman BARAKA s’est gentiment soumis à nos questions sur la vie quotidienne à Gaza. Nous avons donc appris que rares étaient ceux qui pouvaient sortir de Gaza. Lui, ne passe plus par Eretz (poste-frontière avec Israël)  depuis 1987 mais voyage par Rafah (poste-frontière avec l’Egypte). Il faut attendre des mois (au moins deux) afin que la demande d’autorisation de traverser l’Egypte soit accordée aux Gazaouis, soit approuvée par les services secrets égyptiens, puis le ministère des Affaires Etrangères égyptien, etc. Finalement, lorsqu’ils ont cette autorisation, il raconte qu’ils sont traités comme du bétail par la police égyptienne. Sous haute surveillance, ils doivent traverser le Sinaï pour se rendre à l’aéroport du Caire. Pour eux, pas de salle d’attente avec des sièges, mais un cabanon rugueux et inconfortable  dans un coin caché. Où ils entendent les annonces par haut-parler « le vol El-Al à destination de Tel Aviv est ouvert, etc…« . C’est au compte-goutte qu’ils sortent de leur petite prison aéroportuaire, surveillés par des hommes en arme bien sûr…

A une question sur l’existence des tunnels, il répond qu’il n’en sait rien mais qu’ils doivent toujours fonctionner puisqu’on trouve même du chocolat suisse sur les étalages des petits commerces. Pour expliquer cet enfermement dans lequel les Gazaouis sont forcés de vivre, il parle de « dirty politics« , visant particulièrement les compromissions des autorités égyptiennes et leur soumission aux States.

On lui demande où en sont les tensions entre Hamas et Fatah, comment c’est, de vivre sous l’autorité du Hamas. Il répond qu’il n’y a plus de tensions, et aucun diktat. Les Gazaouis sont libres d’être pratiquants, les femmes de ne pas se voiler, que le Hamas est extrêmement bien organisé parce que tous les membres dirigeants ont fait leurs études en Europe, dans les années 70/80/90. Ils sont loin d’être les « abrutis fous de dieu » décrits par nos médias. D’ailleurs, Suleiman sourit en disant : « avant, c’étaient les Juifs qui étaient disséminés un peu partout en Europe et aus USA, après la création de l’Etat d’Israël, c’est nous qui sommes partis partout et avons pu étudier, donc évoluer« .

Il continue en affirmant que le Hamas a lui aussi beaucoup évolué, que c’est un parti moderne, dont les membres sont décidés à être des interlocuteurs fiables mais incontournables dans le futur. Le parti a arrondi ses angles politiques.

Lorsque je lui demande quels sont ses besoins pour réaliser son centre d’astro-physique à Gaza, il me répond qu’il a besoin que des citoyens lèvent des fonds un peu partout dans le monde,  parce que le matériel coûte très cher… C’est donc pour ça qu’il voyage. C’est avant tout pour apporter du rêve et de la liberté aux enfants de Gaza. Parce qu’à regarder le ciel, notre esprit se libère…

Lorsque j’insiste en lui demandant ce qu’il attend de nous, réunis ce soir autour de lui, il répond juste que, si ce projet vous plaît, vous en parliez autour de vous, et que ceux à qui vous en parlez et qui sont séduits par le projet en parlent à encore plus de personnes…

Dont acte…