J’ai vécu un début de semaine placé sous la thématique des salons liés aux métiers de l’intelligence économique : ICC à Paris lundi et mardi, Cogito Expo à Strasbourg mercredi.
Deux salons et deux ressentis différents. ICC tout d’abord.
C’était la 6ième édition de ce salon dont j’ai visité les 3 dernières. Deux en tant qu’étudiant, et celle de cette année en tant que praticien. Je n’avais pas prévu d’y aller, ayant été déçu par mes précédents passages, mais étant à Paris ces deux jours et connaissant quelques intervenants et exposants, je me suis finalement décidé.
Je dois dire qu’à la sortie, mon ressentit est encore pire que les autres années. L’intelligence économique a été une formation, ensuite une passion et aujourd’hui mon métier, je n’ai aucun intérêt à faire des critiques faciles sur une initiative qui va dans le bon sens à propos d’une discipline qui peine à s’imposer. Je n’ose pas imaginer à quel point il doit être compliqué d’organiser un événement de cette ampleur. Ceci étant dit, je ne pense pas que j’irai de nouveau sur ce salon s’il reste en l’état et je vais expliquer pourquoi :
Des intervenants de qualité, parfois sous-employés.
Bernard Besson, Christian Harbulot, Alain Juillet et autres mastodontes de l’IE ont construit et construisent encore, au forceps ce qu’est cette discipline aujourd’hui en France. Les praticiens ou les diplômés de l’IE les ont lus, les ont vus dans des vidéos trainant sur internet, dans d’autres conférences etc… et connaissent leurs rhétoriques. Il serait tellement plus intéressant de les faire s’exprimer sur des sujets moins convenus pour chacun plutôt que d’avoir l’impression d’entendre des cassettes rembobinées.
L’illustration de cela a été Philippe Baumard que je me faisais une joie d’aller voir car je lui porte beaucoup d’admiration. Il est arrivé en retard à sa conférence et semblait être le plus blasé de la salle en prenant la parole et en expliquant qu’il était chaque année invité pour s’exprimer sur le bilan et les perspectives de l’IE. Il a très finement retourné la situation en disant qu’il n’allait pas répéter ce qu’il avait dit en 2009, 2008, 2007,… Il nous a donc donné les critères de non-réussite de l’IE définis par Stevan Dedijer en 1990 en précisant pour ceux qui n’avaient pas compris que c’était parfaitement transposable à la situation française des 15 dernières années, d’aujourd’hui et probablement de demain. En un quart d’heure c’était plié et c’était, malgré tout, d’une très grande classe.
J’ai eu le plaisir de voir Christophe Deschamps pour une excellente conférence, comme d’habitude, sur les innovations en pratique de veille et Camille Alloing pour une conférence sur l’e-réputation didactique et critique. Camille est vraiment l’un des meilleurs choix d’intervenant si l’on veut s’éviter tous les poncifs actuels sur l’e-réputation.
Mais ICC en est arrivé a un point ou même ces intervenants de qualité sont face à une audience très clairsemée.
Les éditeurs de logiciels : la veille aux abonnés-absents, tant pis pour eux.
De nombreuses conférences sont attribuées aux outils. En soi c’est une bonne chose. Il est pratique et intéressant de réunir au même endroit des éditeurs de logiciels afin de pouvoir se renseigner sur les différentes caractéristiques de chacun, les nouveautés etc…
Mais le public d’ICC est un public de spécialistes et non des décideurs à séduire. En ce qui me concerne, je fais un rejet rapide des présentations commerciales et sans fond. Il faut donner un peu pour recevoir. Le plus navrant c’est que ces éditeurs font des présentations fades et qui n’intéressent personnes et une fois que le salon fait venir moins de monde, en partie à cause d’eux, ils ne viennent plus.
C’est un point qui a éveillé mon attention, hormis Iscope, les grands acteurs du marché (KB Crawl, Digimind, Ami Software,…) ne sont pas venus. Pour un salon dont le business model du marché qu’il couvre (l’intelligence économique) est encore principalement et malheureusement la vente de logiciel, c’est assez mauvais signe.
Ce mauvais signe est contrebalancé par une lueur d’espoir et la bonne surprise, en ce qui me concerne, de ce salon : le village des réseaux sociaux. L’avenir de l’intelligence économique sera collaboratif ou ne sera pas. Les réseaux sociaux démocratisés pour des usages personnels sur internet se font peu à peu une place dans les entreprises. Ces outils permettent de connecter les intelligences et complémentent parfaitement les outils de veille. Ayant tendance à penser que la valeur ajoutée se trouve dans l’humain et non dans l’outil ou la technique, j’ai une sympathie à priori plus forte pour les outils collaboratifs que pour les logiciels de veille. Si l’absence de ces derniers à mis une lumière plus forte sur les premiers, ce n’est vraiment pas un mal au final.
Voilà pour ICC, un salon à l’agonie qui devra changer de modèle pour survivre. Et je leur souhaite très sincèrement.
Un TGV et quelques heures plus tard, j’arrive à Strasbourg pour le salon Cogito.
J’y ai été invité en qualité de blogueur avec 3 autres (Frédéric Martinet d’Actulligence, Pierre-Yves Debliquy de Brainsfeed, Mélanie Gérault de Metis-ACIE). Comme l’a souligné Frédéric dans son dernier billet, c’est une belle initiative que d’impliquer les blogueurs souvent mis de côté lors des événements, mais c’est aussi très futé sur un plan marketing et promotionnel. Il semble que cette option a payé si on en juge l’effervescence sur les réseaux sociaux autour de l’évènement. Exemple de Twitter:
Un vrai vent de fraicheur
Le salon, dont la thématique était le développement durable comptait environ 400 inscrits et pas loin d’une quarantaine de stands. J’avais prévu de faire quelques conférences et de relayer l’évènement sur les réseaux sociaux. J’ai fait moins de conférences que prévu et je n’ai pas pu sortir mon téléphone de la poche. Je n’ai fait que faire des rencontres, échanges sur échanges. Contrairement à ce que l’on peut voir souvent sur Paris, ce n’était pas un salon pince-fesse et coupe-ruban. Une grande partie du public était des professionnels et étaient là dans une optique business, pour apprendre ou partager mais pas pour se montrer.
Des entreprises et des compétences régionales misent en avant…
…de nouvelles têtes, bref du sang neuf. S’il y a un mérite aux salons régionaux, qui sont vraiment trop peu nombreux, c’est de faire prendre conscience qu’il y a toutes les compétences sur un territoire et de les mettre en avant. J’ai ainsi pu rencontrer la sympathique équipe de Blueboat, la dynamique agence spécialisée en e-réputation localisée à Mulhouse. La société Idecys, conseil et formation en mind-mapping pour la prise de décision située à Nancy. L’association bisontine 7ie composée de 7 membres aux compétences complémentaires et couvrant tout le spectre de l’intelligence économique. J’ai revu la pétillante Isabelle Guyot sur le stand de l’ADBS Alsace et ses étudiants d’info-com qui ne sont jamais très loin et qui m’avaient gratifié de leurs présences au VeilleLab Strasbourg, etc…
Des ateliers enrichissants
J’ai participé à l’atelier de PIKKO Software sur la cartographie relationnelle. Frédéric Datchary a ouvert son logiciel à partir de la quarantième minute de l’atelier qui durait une heure. Avant cela, on a eu droit à une véritable introduction sur la cartographie relationnelle, son apport pour la veille et l’intelligence économique, ses limites. Lorsqu’à la fin de la présentation, quelqu’un l’interpelle en lui demandant le prix du logiciel, Frédéric lui dit qu’il est librement téléchargeable sur le site (dans une limite de nœuds crées qui permet déjà de bien s’immerger dans le logiciel et suffira pour contenter certains besoins). Voilà donc un atelier où on nous apprend quelque chose et où on nous fournit un outil pour mettre en pratique. On est très loin d’un discours commercial traditionnel, et c’est tellement plus enrichissant pour tous… et plus efficace commercialement…
Pour une première édition, ce Cogito Expo a été une belle réussite organisée de façon impeccable. Qui en appellera d’autres ? Souhaitons-le!
Pour conclure
Le sentiment que j’ai eu cette semaine, c’était qu’une page se tournait où devait vraiment se tourner en ce qui concerne l’intelligence économique. J’ai trouvé plus de dynamisme là où on voulait en faire plutôt que là où on voulait en parler. Les personnes prêtent à s’investir ou à se déplacer sont dorénavant plus en recherche de fond que de représentation. C’est le même sentiment que j’ai eu en ce qui concerne la dynamique qui anime le VeilleLab : Informel, Jeune, indépendant, basé sur l’échange et l’enrichissement mutuel.
Bien sûr ce billet et son contenu ne concerne que ma perception. Je peux me tromper. Vous pouvez réagir dans les commentaires.