Manifestations nationalistes : témoignages de jeunes Japonais et Chinois

Le Forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC) s’est achevé ce dimanche à Yokohama. Il a été l’occasion pour les nationalistes japonais et chinois de manifester une fois de plus dans leur pays respectifs.

Voilà des mois que ça dure. On entend dans les principales artères de Tokyo des hauts-parleurs grésillant cracher des slogans anti-chinois. Même chose à Pékin. Les Chinois demandent des excuses au gouvernement japonais pour ses exactions pendant la seconde guerre mondiale. Les Japonais manifestent quant à eux contre « l’impérialisme » de leur voisin.

Le conflit entre les deux géants asiatiques n’est pas nouveau. Mais pourquoi sont-ils tant remontés en ce moment ? J’ai demandé à un ami japonais et à une amie chinoise de me donner leur avis. Mais avant tout, voici les raisons de ces tensions en quelques points :

1. les îles Senkaku (ou Diaoyu) revendiquées par le Japon et la Chine : ces parcelles de terre sont inhabitées mais les eaux qui les entourent regorgent de poissons et de ressources naturelles. Il y a deux semaines, la collision entre un bateau de pêche chinois et deux patrouilleurs japonais autour de ces îlots a fait explosé les tensions.
2. La terrible gestion de l’après-guerre : les Chinois demandent toujours des excuses au Japon.
   
3. La compétition économique : la Chine vient de dépasser le Japon en terme de PIB.
   
4. La nouvelle donne géopolitique mondiale : l’année dernière, le premier ministre japonais a fait des efforts pour faire basculer progressivement l’alliance nippo-américaine vers une alliance sino-japonaise. Il s’est largement mis l’opinion publique à dos.
   

Les deux témoignages qui suivent ne se veulent pas représentatifs de quoi que ce soit, mais ils donnent à mon avis deux éclairages intéressants à ce conflit. Extraits.

Yuta est Japonais. Il a vingt ans, il se revendique conservateur plutôt modéré

« Je pense que le Japon doit s’exprimer avec plus de fermeté envers la Russie, la Chine et la Corée au sujet de ces conflits territoriaux. »

« Les îles Senkaku sont depuis toujours un territoire japonais. Les Chinois prétendent qu’elles sont à eux sans aucun fondement, je pense que ça provoque le mécontentement de la plupart des Japonais.
Par ailleurs, lors de la gestion de l’accident du bateau, le gouvernement japonais ne s’est pas montré très ferme et les Chinois ont élevé le capitaine de leur navire de pêche au rang de héros, cela en a rajouté une couche.
Les manifestations sont très peu nombreuses au Japon, et ce sont des groupes très à droite qui les organisent. L’un des principaux leaders est Tamogami, un ancien amiral qui a du démissionner en 2008 après avoir publié des écrits remettant en cause les torts du Japon durant la seconde guerre mondiale . >>voir son interview par Aljazeera en anglais

Mais les îles ne sont pas la seule raison à ces rassemblements. Les manifestants protestent aussi contre la politique du parti démocrate [arrivé au pouvoir l'année dernière], plusieurs parlementaires de l’opposition sont aussi dans la rue.

Je pense que le Japon doit s’exprimer avec plus de fermeté envers la Russie, la Chine et la Corée au sujet de ces conflits territoriaux. Il existe des preuves historiques que ces îles nous appartiennent. Ces derniers temps, la Chine développe très rapidement son armée de mer. La tension entre la Chine et le Japon pourrait éclater, il faut se montrer vigilent. Le pacte selon lequel nous avons laissé aux Etats-Unis le soin de gérer notre pays doit être revu, nous devons pouvoir nous défendre tous seuls. Il faut donc revoir la constitution. [L'article 9 de la constitution garanti le pacifisme du Japon].

Je ne comprends pas du tout le geste de Hatoyama, [l'ancien premier ministre démissionné en Juin], qui a fait plusieurs gestes pour développer les relations sino-japonaises. Il n’a pas su expliquer aux gens l’intérêt et le sens politique de ce rapprochement. Quant au nouveau premier ministre Naoto Kan, son agenda diplomatique ne va nulle part. Le parti démocrate est maintenant très impopulaire et la droite va vite, à mon avis, regagner en puissance.

Echo est Chinoise, elle à 28 ans et vit à Tokyo.

« Si on se déteste, c’est parce qu’on se ressemble trop »

La Chine et le Japon sont voisins géographiquement. Historiquement, ils ont été successivement amis, professeurs et élèves, puis ennemis. Aujourd’hui ils sont partenaires commerciaux, toujours en compétition et suspicieux l’un envers l’autre.

Pourquoi est-ce qu’on ne s’aime pas?

Nous n’avons pas réglé nos différends historiques. En 1945, le Japon a donné l’impression de ne se s’avouer vaincu qu’envers les États-Unis. La Chine n’a pu demander de dédommagement au Japon. Par conséquent, l’opinion chinoise considère toujours que le Japon est redevable à la Chine. En réalité, le Japon a fourni une aide constante à la Chine via des prêts à taux très faible mais les médias officiels chinois ont très longtemps passé ces aides sous silence. Nous n’avons commencé à en entendre parler que très récemment.

La Chine alimente les mécontentements continue sa propagande anti-Japon, vexée que le gouvernement nippon refuse toujours de s’excuser pour ses crimes de guerre. D’un côté, le parti communiste chinois se comporte comme si c’était encore la guerre froide, et de l’autre, le gouvernement japonais est infatigablement entêté.

La manière de penser japonaise s’apparente à un puzzle. Parfois ils peuvent être si innocents, polis et gentils et parfois si cruels, distants et bornés. Ils sont obsédés par leurs traditions et demandent au reste du monde de s’y conformer. S’il y a désaccord ils refusent de négocier, alors ça tourne mal, ils prennent peur et appellent les États-Unis.

Ce ne sont que les pensés d’une simple fille chinoise qui apprécie malgré tout les Japonais et leur culture. J’espère qu’on pourra un jour s’assoir et discuter sans revenir sans cesse sur notre histoire tortueuse, mais en regardant l’avenir. Si on se déteste, c’est parce qu’on se ressemble trop.

crédits photo Un oeil sur la Chine et Le Nouvelliste