Larousse au poteau
Avec Robert et Littré
Et tous les autres
Ordonnateurs d'esprits
Limitateurs de rêves
Gardiens de sérénités passées
De philosophies mortes
Jetez moi avant de me lire
Je n'ai appris qu'un peu de français
Et quelques mots par ci par là
Que m'a légué ma mère
Que m'a crié la rue
Je suis en grande partie codifié
N'écoutez plus dans les mots que leurs musiques
Leurs violences leurs carambolages leurs poésies
Motus le mot mou
Les mots tel quel
Se laissant aller à la débine
Trois mois sous la pluie
Qu'ils prennent un peu de rouille
Les mots
Qu'ils perdent leurs dorures
Et alors mi voyous mi cabots
Faites en votre affaire de ces mots
Les mots de la rue
Ruisselants rutilants
Bourdonnants de vie
Comme la rue
La rue
C'est comme les mots
Tape à l'oeil
Piaffante de couleur et d'impatience
À hauteur du regard
Plastiquée d'or
Toilée d'ombres
Gorgée d'étal paon
Et de sourires
Tout est transparent
Nettoyé le matin
Eclairé la nuit
Tout est transparent
Personne ne voit plus rien
Que le désir qui passe
Une paire de sein qui boulique
Une paire de fesses qui bat le rappel
Une peau vernissée
Mais qui voit les visages
Personne ne voit plus rien
D'ailleurs même les enfants ne crient plus dans la rue
Ils hurlent pour se faire entendre
Ils montrent parfois du doigt
Tirés par un bras pressé
La règle de la rue
Tenir les enfants en laisse
Enfermer les hommes dans des prisons roulantes
Et tout le monde est content
Le monde des hommes s'entend
Les enfants ne crient plus dans la rue
Ah si les pieds pouvaient parler
Çà marche les pieds
Çà ne sert plus à rien
Puisque la bagnole
Mais çà marche quand même
C'est fou les pieds
La poésie c'est le pied qui marche pour rien
Comme un bagnard ou comme un voyageur
La voilà bien la vie de la rue
Piaillant du haut comme un moineau triste
Pestant du bas comme pressé d'en finir
Ah le pied du dimanche
Sautant comme un oiseau
Sur le ruisseau de la musique
Et celui de la colère
Qui défile par millier
Baissez vos rideaux de fer
Magasins des fausses abondances
Celui du coup de pied au cul
Ce gant de défi des prolos
Qui remet votre dignité à sa juste place
Celui des vacances qui jette ERAM à la mer
- Je n'oserai jamais
- Mais si osez donc
- un ERAM à la mer
- Merde qu'il se noie
Vive le pied libre
Sans rime ni raison
La raison c'est la folie de l'intelligence
Le Larousse de l'esprit
Une empêcheuse d'images
Elle à tort la raison de nous enquiquiner
Avec ses mots Robert
Avec ces mots Littré
Bien sagement liés à leur définition
Malheureux comme des chiens
Une casserole attachée à la queue
Coupez courts
Jetez tout
Jetez moi avant de me lire.