Magazine Nouvelles
À force de voler des heures à mon sommeil, j'ai fini par payer : depuis que j'ai terminé mes quatre nuits de travail, je ne fais que dormir. Impossible de revenir à la réalité. Je suis plongé dans un état pseudo comateux où bruits extérieurs et rêves se confondent.
Avant-hier soir, dans un restaurant thaïlandais, j'ai vu un homme seul qui attendait sa commande avec une bière. Il avait le visage marqué par l'alcool et la solitude. Je l'ai beaucoup regardé. Lui, ne m'avait pas remarqué. Il était trop seul pour remarquer qui que ce soit. J'avais grande envie d'aller lui parler, lui dire que je voulais qu'il me raconte sa vie, lui demander pourquoi il paraissait si seul, mais je ne l'ai pas fait. Il m'aurait pris pour un fou.
De nos jours, il faut aborder les gens avec prudence parce qu'ils sont de plus en plus méfiants. Un sourire, rien qu'un sourire peut-être mal interprété. Alors ne parlons pas d'aborder quelqu'un dans un restaurant, encore moins de le photographier sans en être autorisé...
D'où vient toute cette méfiance ?
17h08. Mon corps reprend un peu de vigueur. Juste assez pour venir y glisser quelques mots...sans grand intérêt. Peu importe. La vie n'a d'intérêt que si on lui en porte et ce soir, je n'ai pas l'énergie pour transcender ma banale existence. Mes heures à venir seront d'aucun intérêt...
C'est français tout ça ? Peu importe aussi. Le langage de l'indifférent n'a pas besoin de syntaxe pour être compris. D'ailleurs, il n'est pas fait pour être compris, mais à peine pour être couché sur une feuille trop usagée pour en être froissée. Le bon français, c'est pas pour ce soir. Les jolis mots non plus.
De peur d'être pris pour un fou, ce soir, je préfère être indifférent. À cet homme que je n'ai osé aborder. À ma vie qui ne sera d'aucun intérêt.
Et si vous y comprenez quelque chose, sonnez-moi parce qu'à force de voler des heures à mon sommeil, je ne sais plus si ce que j'écris est bien français, ni si mon existence est bien réelle...