Magazine Culture
Quatre ans après Indigènes, Sami Bouajila, Roshdy Zem, Jamel Debbouze et Bernard Blancan retrouvent Bouchareb, et son exploration de l’Histoire ; une exhumation thématique qui en titille beaucoup, puisqu’elle fourre son nez dans un passé colonial tabou, ou s’insurge contre des injustices socio-politiques (les pensions militaires des anciens combattants français sont à présent entièrement versées). Dans Hors-la-loi, Bouchareb mélange fresque familiale et western historique, le chemin de quatre frères (Abdelkader emprisonné en France après les massacres de Sétif de 1945, Messaoud militaire en Indochine, Saïd escroc improvisé à Paris) se conjuguant à une Histoire plus grande, qui les dépasse, celle de leur pays, l’Algérie. En plein lutte pour l’indépendance, ce sont des hommes en colère, déchirés, qui vont rejoindre les rangs du FLN (Front de Libération Nationale), des hommes qui tuent, se vengent, tombent dans les extrêmes. Même s’il a le mérite d’évoquer ce passé commun entre la France et l’Algérie, et de confronter avec égalité les deux faces du fanatisme (côté police français, côté indépendants radicaux), le film de Bouchareb demeure tristement inoffensif- politiquement d’abord, visuellement ensuite- manifestant deux désirs ici incompatibles : simplifier au maximum le propos, tout en donnant un souffle cinématographique à la mise en scène. Impossible pour Bouchareb, bizarrement, de faire les deux. Là, où il y a clarté, il n’y a plus de complexité. On sent bien sa volonté folle de réaliser enfin son grand film populaire, et c’est surtout cela le problème- Hors-la-loi ne pouvant pas, simultanément, frapper le spectateur, et le caresser dans le sens du poil, déranger les esprits tout en soignant les cœurs. Son film s’attribue alors tout seul, par obstination aveugle de plaire, deux étiquettes malheureuses : l’académisme, et la tiédeur- où les agitations et passions s’étouffent sous les costumes et décors, versant finalement dans un cinéma propret, paralysé, populaire.