Nous avons aujourd’hui le plaisir de vous présenter cette exposition intitulée « CHIN, 4 siècles de céramique – De la Corée au Japon, une odyssée familiale », qui retrace l’histoire et la tradition d’une production potière renommée de Satsuma. Le public français pourra la découvrir entre octobre 2010 et mars 2011 à l’Espace des Arts Mitsukoshi-Etoile de Paris, puis ce sera au tour du public japonais de l’apprécier lors d’une tournée dans trois villes de l’archipel.
L’histoire de la céramique de Satsuma remonte à la fin du XVIe siècle, quand des potiers coréens s’installèrent dans le sud du Japon, ramenés par les seigneurs japonais après deux tentatives d’invasion de la Corée conduites par TOYOTOMI Hideyoshi (1537-1598) en 1592 et 1598. Ils bénéficièrent de la protection du seigneur du domaine de Satsuma de l’époque, SHIMAZU Yoshihiro (1535-1619), ouvrant la voie au développement de l’industrie potière au Japon. Le fondateur de la lignée à l’origine des actuels fours CHIN Jukan est un de ces potiers venus de Corée, prénommé Tokichi.
Dès l’origine, on distingue deux types de céramique Satsuma : d’une part, les « Satsuma blancs », qui sont des grès à pâte blanche réservés aux seigneurs et à la classe supérieure des samouraïs, et d’autre part, les « Satsuma noirs », grès à base d’argile ferrugineuse destinés à une production plus rustique et utilitaire. Ainsi, pour les Satsuma blancs, on sélectionna les argiles kaoliniques locaux pour créer des pièces raffinées dignes des maÎtres de Satsuma et de leur esthétique, tandis que les Satsuma noirs répondaient au besoin de « beau au quotidien » du peuple.
Les techniques décoratives évoluèrent également. Simples gravures au début, elles se perfectionnèrent pour devenir des incrustations d’argile ou d’engobe sous couverte, comme l’impression de motifs en mishima-de ou l’estampage des pâtes en inka-mon. L’introduction du tour (rokuro) fut la première grande nouveauté apportée par les Coréens en matière de façonnage; plus tard, la technique de battage de l’argile (tataki) fut également utilisée pour le montage des grandes pièces. Enfin, à la fin de l’ère Edo, (première moitié du XIXe siècle), les fours de Satsuma se mirent à cuire des porcelaines à partir d’une pierre à porcelaine (tôseki) provenant des Îles d’Amakusa, au nord-ouest de Kyûshû.
Les Chin jouèrent un rôle central dans l’histoire des céramiques de Satsuma, puisque pratiquement tous les chefs de famille Chin successifs eurent la charge de surintendants des fours officiels de Satsuma pendant l’ère d’Edo (1603-1868). A la veille de la chute du shogounat, alors que le Japon était sur le point de s’ouvrir après une longue période d’isolement, le fief de Satsuma fut autorisé à présenter des céramiques à l’Exposition Universelle de Paris de 1867, indépendamment de la délégation japonaise officielle. Quelques années plus tard, en 1873, l’Exposition Universelle de Vienne accueillit de nombreuses pièces réalisées par CHIN Jukan, notamment une paire de grands vases de 2m de haut, qui reçut un accueil enthousiaste en Europe. Premier à avoir mis au point le procédé du décor en ajours (sukashibori) ou gravé en relief (ukibori), n’hésitant pas à se lancer dans la réalisation de grands vases avec une formidable ingéniosité, Jukan, 12e descendant de cette illustre lignée de potiers, est aujourd’hui considéré comme la figure fondatrice du renouveau des fours Chin.
Après lui, sous l’ère Meiji (1868-1912), CHIN Jukan, 13e du nom, continua à assumer un rôle clé dans la production céramique des fours de Satsuma. Son successeur contribua également au développement des échanges culturels nippo-coréens par le biais de la céramique, et inspira le héros d’un roman de SHIBA Ryôtarô (1923-1996), Kokyo Bojigataku Soro (1968) traduit en anglais sous le titre de The Heart remembers home (1979). Depuis 1999, c’est CHIN Jukan, 15e du nom, qui a la charge des destinées de l’atelier: par ses activités tant au Japon qu’à l’étranger, il s’emploie à lui forger un nouvel ancrage contemporain, enraciné dans la tradition.
Pour ce projet, nous avons obtenu la coopération pleine et entière des fours CHIN Jukan: l’exposition entend présenter l’histoire de la famille Chin et l’univers de ses ateliers, à travers une centaine d’œuvres dont dix créations récentes de CHIN Jukan, 15e du nom.
Nous souhaitons saisir cette occasion pour exprimer notre profonde reconnaissance à tous ceux qui nous ont apporté leur collaboration tout au long des préparatifs, ainsi qu’aux musées et collectionneurs qui ont bien voulu nous prêter leurs précieuses œuvres pour les besoins du présent projet.
> http://www.mitsukoshi.co.jp/store/3010/france/chin.html